Metz aux Messin(ne)s!


« Je fais sçavoir et cognissant à tous que, pour le bien et l’honnour dont la cité de Mets est renommée, j’ay délibéré et concluis, en mon plaisir et de mon plain gré et volenté, de demourer et prenre ma résidence en la cité de Mets, et de fait je y suis venus asseoir »

Serment de la bourgerie

Messins, Messines, peuplades primitives allogènes et frontalières, Français de l’Intérieur,

j’ai drôlement bien fait de renoncer à devenir pape. Si c’est pour se retrouver sur une affiche à embrasser le premier barbu venu alors que j’ai la peau si douce et si fragile, merci bien. Seulement voilà, il arrive que la perspective de devoir,  dans un proche avenir, accomplir sa corvée civique et glisser dans l’urne le nom d’une baudruche gonflée à l’égo soit légèrement angoissante dans la conjoncture actuelle, comme disent les illétrés qui ignorent qu’une conjoncture est toujours actuelle, sans quoi elle devient une structure. Mais vers qui, vers quoi se tourner pour entretenir l’espoir d’une vie meilleure? J’ai évoqué dans le dernier épisode du « Mercredi c’est Graoully » un obscur Parti Lorrain, qui sans crainte du repli identitaire, milite pour l’autonomie de la Lorraine à l’égard de la France. C’est une solution un peu courte et une fausse bonne idée. Comment peut-on envisager un seul instant d’être les seuls à partager une nation et un devenir commun avec la Meurthe et Moselle? Et pourquoi pas une fusion avec l’Alsace aussi?  Non, mes chers concitoyens, la prestigieuse histoire de notre cité ne saurait souffrir de traîner un tel fardeau malgré nos larges épaules qui en ont déjà tant enduré pour le bien de la France. Délestons-nous aussi des tribus primitives qui cernent notre ville et qui baragouinent un sabir francique plus que suspect, poussant le vice jusqu’à vendre leur force de travail au Luxembourg et en Allemagne, où le mépris qu’on entretien pour notre noble berceau messin n’est que le fruit de la jalousie.

Jetons un oeil dans le rétroviseur de l’Histoire, qui a ceci de particulier que ses angles morts recèlent souvent l’information la plus intéressante. Plutôt que d’acheter le Monde et d’y lire un article diffamatoire sur la mauvaise santé économique de la Lorraine, gâchant ainsi un euro précieux en ces temps de rigueur, ouvrez un livre d’Histoire et recherchez quelle fut l’époque la plus prospère de la ville de Metz. Si vous avez lu l’incipit de  cet article rédigé dans l’ancien françois qui réjouit infiniment plus l’oreille et le palais que la langue infirme que pratiquent la plupart d’entre vous de nos jours, vous l’aurez compris, je suis en train de rétablir sous vos yeux ébahis la République Messine, et je m’en auto-proclame Président. Pas la peine de crier au dictateur, De Gaulle n’a pas fait autre chose en 1949 et personne n’a demandé d’intervention de l’ONU, qui n’existait d’ailleurs même pas à l’époque. Laissons le reste du monde courir à sa propre perte sous la direction de Sarkel et Merko, les Bouvard et Pécuchet de la crise, et prenons notre destin en main, sous les auspices des Paraiges.

Dès demain, rétablissons les remparts infranchissables qui valurent à Metz sa réputation de « ville pucelle et inviolée ». Que la richesse de notre économie alors florissante soit rétablie dans ses droits: aidons nos frères bourgeois de la rue Serpenoise et du centre Saint Jacques à se défaire de la tutelle du colon français. Rien n’est plus simple: promettez à un commerçant une baisse d’impôt, et il se fera une joie de vous apporter son soutien et d’organiser un flash-mob débile sur une « musique » d’un goût douteux. Remettons au goût du jour la Querelle des Investitures et obligeons le pouvoir en place à prêter le serment de bourgerie ou à s’exiler auprès de n’importe quelle comtesse Mathilde de leur connaissance. Revenons sur l’arrêté liberticide du Préfet de Lorraine en autorisant les débits de boissons à servir le citoyen messin jour et nuit. Accordons à la place Saint-Louis le statut de paradis fiscal qu’elle avait sous l’influence lombarde au Moyen-Age, et faisons ainsi la nique aux Luxembourgeois qui faisaient moins les malins quand ils n’étaient que le département des Forêts. Jetons à bas le drapeau tricolore, et ornons nos édifices publics de l’écusson noir et blanc qui est le seul drapeau digne d’allégeance. Vidons les locaux du Républicain Lorrain aux ordres du Crédit Mutuel pour y installer le Graoully Déchaîné, seul webzine authentiquement messin et désormais organe central de la propagande présidentielle messine. En un mot comme en cent, boutons l’envahisseur français par-delà les remparts de la Seille, et refusons la médiocrité qui nous menace depuis qu’à notre corps défendant on nous assimile à ce pays qui n’en finit plus de décliner.

Dès ma prise de fonctions, je prendrai les mesures suivantes avec l’accord des échevins que j’aurai nommé parmi un bataillon de femmes à la vertu légère et de miens amis, tous portés sur la bouteille, la musique de qualité et la littérature classique: réouverture et remetzisation de la brasserie Amos qui deviendra fournisseur officiel de la Présidence et premier employeur de la ville; remplacement de la viande hachée de Steinhoff par du steak de soja; interdiction de la chanson française sur tout le territoire; dissolution du mariage et des moeurs locales; insonorisation des enfants dans l’espace public jusqu’à leur majorité; enseignement du nouvel hymne national que je suis en train de composer et qui s’intitulera « Comment que c’est, gros? ». Et au frontispice de l’Hôtel de Ville, je ferai porter notre devise: « Jamais d’aultres armes nous prendront, que celles que nous élisons ; et nous disons pour réconfort, nous voulons la liberté ou la mort ! ».

Dans un prochain épisode, nous organiserons un meeting électoral place de la République (messine), où la démocratie participative ne sera pas un vain mot, puisque nous recueillerons vos idées pour la rédaction de notre future Constitution. Et après on picolera.

 

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