Il était une fois en France un personnage fort peu sympathique que l’on nommait Claude le Relou. Claude a vraiment mauvaise réputation, et encore aujourd’hui il sert d’épouvantail chez tous les peuples pas encore assez civilisés pour connaître Saint Nicolas et le Père Fouettard. Voici son histoire.
Claude le Relou est né en 1945 dans le Pas de Calais, dans cette région mal famée où tout le monde parle avec un drôle d’accent et s’appelle Biloute par la faute d’un comique régionaliste dont toute la grandeur réside dans les oreilles. Avant, le Pas-de Calais était une région normale comme la Lorraine, la Bretagne ou l’Alsace. Non, pas l’Alsace. Bref, Notre héros Claude naquit dans la sous-préfecture de Lens. Notez bien ce mot: préfecture. C’est là qu’on range les policiers plus voués aux travaux administratifs qu’à l’action sur le terrain.
Tout petit déjà, Claude le Relou rêvait de devenir policier, pour accrocher une étoile de shérif à son veston et draguer les filles à la piscine municipale. A l’école, il surveillait les moindres agissements de ses camarades, et s’empressait de tout rapporter à la maîtresse quand l’un d’eux dérogeait aux règlements de l’établissement, et il poussait le fayotage jusqu’à faire expulser tous ceux qui ne lui revenaient pas, en particulier s’ils étaient affublés d’un bronzage suspect eu égard au climat frisquet de la région Nord Pas de Calais. Tant et si bien que plus personne ne voulait jouer avec lui. Il en faisait toujours trop, et il était vraiment trop relou. De plus, sa faible constitution physique lui interdisait de passer les concours d’agent de la paix, et il en conçut une grande amertume. Comment diable, se disait-il en lui-même et en ch’ti, intégrer la prestigieuse fonction publique policière si mes condisciples ricanent quand je les bats comme plâtre du fait de la petitesse de mes biceps? Que diantre mes parents ne m’ont-ils pas fait fort comme Jean Valjean et matois comme Fouché?
Le souvenir du ministre de la Police de Napoléon lui inspira alors la solution à son dilemme: s’il ne pouvait intégrer la maison Poulaga faute de muscles, il en sera le cerveau, il deviendra cardinal, et il fera faire le sale boulot par les autres. Claude le Relou fit alors valoir ses compétences dans presque toutes les préfectures de France: il sera successivement préfet, sous-préfet ou directeur de cabinet du préfet dans le Finistère, dans l’Hérault, dans les Hautes-Alpes, les Hauts de Seine, le Doubs, l’Ille et Villaine, et dans les régions Centre, Franche-Comté et Bretagne. C’est dire s’il est aussi préfet que Dora est exploratrice. Puis consécration suprême, il fait la rencontre de Charles Pasqua qui est aux basses oeuvres de la force publique ce que la Belle au bois dormant est aux assistés qui glandent au RSA: une référence. Incontinent, Pasqua qui est capable de sentir la goutte de fourberie dans un troupeau d’Eric Besson, le nomme directeur de la Police Nationale. Claude le Relou ne se sent plus de joie et colle sa tête sur des posters de Clint Eastwood. Mais ce n’est pas fini: il rencontre par la suite Nicolas Sarkozy, le président qui a vu le retour de la peur, et il devient son plus fidèle soutien, du ministère des Finances à l’Intérieur puis à l’Elysée, où Claude le Relou fait peindre son auguste faciès sur les toiles de Richelieu.
Puis enfin, après une saillie d’Hortefeux sur l’humour auvergnat qui ferait presque passer Dany Boon pour un disciple de Pierre Dac, Claude le Relou élit domicile place Beauvau, au ministère de l’Intérieur, qui est aux préfets ce que le paradis est aux chrétiens ou ce que la Rolex est aux cinquantenaires qui se demandent s’ils ont réussi leur vie. Dès lors, notre ami laisse libre cours à sa vocation de superpréfet: il est tellement à l’aise dans ses nouvelles fonctions que Marine le Pen lui offre une carte de membre d’honneur du Front National (il faut dire que ses prédecesseurs avaient déjà beaucoup fait pour ne pas laisser au FN le monopole du racisme). Claude, qui est un garçon curieux fait écouter des journalistes pour être sûr qu’ils ne racontent pas de bêtises susceptibles de menacer la sécurité nationale, il fait reconduire des milliers de personnes aux frontières pour être certain qu’on se sente bien « chez nous » en France, il stigmatise à tour de rôle Comoriens marseillais, musulmans qui « posent un certain nombre de problèmes » et gauchistes pour les faire culpabiliser de venir manger notre pain frais qui est l’essence de la gastronomie que le monde nous envie. Il répond à la place du ministre de la Justice dont tout le monde a oublié le nom parce qu’il en a marre du laxisme et de l’inconséquence des juges qui laissent gambader les dépeceurs de petites filles, il prouve ses compétences en économie en affirmant qu’avec 3 millions de chômeurs on n’a plus besoin d’importer de la main d’oeuvre, et à l’occasion, il balance une petite pique à DSK sur sa proximité avec le bois de Boulogne, parce qu’il faut bien rigoler, et parce que décidément Claude le Relou, il en fait toujours trop.
Dans un prochain épisode, nous nous demanderons si en 2012, on ne pourrait pas lui offrir une préfecture en Terre Adélie. Quoique, il serait capable de terroriser la faune antarctique, ou de fayoter auprès des manchots empereurs pour lutter contre l’invasion des Pétrels géants.