Chère UNESCO,
j’espère que tu vas bien, malgré l’avarice de tes tuteurs américains et israéliens qui risque de te faire passer des fêtes de fin d’années bien frugales. Si j’étais toi, je classerais la basilique de la nativité de Béthléem dans ton patrimoine, d’une part ce serait extrêmement bienvenu en cette période de gavages de foies de canard et d’enfants, et d’autre part ça ferait plaisir à ton nouveau membre palestinien. Que ton grand frère onusien se carre son or là où ça lui fait le plus de bien, nous nous contenterons de l’encens et de la myrrhe, autour d’un maklouba aux aubergines arrosé de bière islandaise.
Quand je dis « nous », ce n’est pas pour me taper l’incruste, mais parce que j’ai un petit service à te demander. Comme tu le sais peut-être, j’ai proclamé il y a peu de temps l’indépendance de la République messine, pour défendre mon peuple opprimé, et pour rendre son prestige à une institution qui existait déjà quand les révolutionnaires de 1789 n’étaient encore qu’une ébauche de projet à peine concrète dans le cycle reproductif de Français qui n’en finissent plus d’être moyens. C’est même à ça qu’on les reconnait. L’Américain est obèse et belliqueux, l’Anglais est flegmatique et mange des desserts visqueux et fluorescents, le Grec est dispendieux et gratte mollement son bouzouki en buvant de l’ouzo au lieu de travailler, le Français est moyen.
Je t’écris donc une petite lettre pour demander l’adhésion de la jeune République messine à ton club. Tu connais un peu les lieux, puisqu’en plus de la basilique citée plus haut, tu étudies le classement du Quartier Impérial de notre bonne ville dans ton patrimoine au titre de l’originalité urbanistique. Je me serais bien déplacé à la tribune de l’ONU, mais la jurisprudence Mahmoud Abbas m’a ramené à la raison. En plus à New York il fait un temps dégueulasse, et il est rigoureusement interdit de fumer, de boire ou de montrer le moindre signe de vie où que ce soit, non vraiment c’était peine perdue, et ça allègera d’autant mon bilan carbone. Si je te présente cette candidature, c’est que j’ai la vague mais cruelle impression que nos voisins français ne nous aiment pas et fomentent un sale coup.
Pour commencer, l’infâme Etat colonisateur a réquisitionné nos handballeuses, qui sont les meilleures au monde, les a affublées d’une horrible tunique bleue puis les a déportées au Brésil à son propre profit. Il se murmure même qu’en cas de victoire contre la Norvège, on les obligera à chanter la Marseillaise devant le regard interdit de la communauté internationale. Quelle infâmie. De même, depuis quelques semaines, nos footballeurs qui ont pourtant fait rire des générations de supporters à travers l’Hexagone, sont régulièrement victimes de violences perpétrées par les clubs adverses. Une coalition s’est même créee entre nos voisins amnévillois et nancéens, qui sans doute rongés par la jalousie de n’avoir qu’un centre thermal et une place dédiée à un roi polonais pour seul patrimoine, se sont ligués pour monter le reste de la Lorraine contre nous. Fort heureusement, les tribus de Moselle-Est maîtrisent encore mal le français et n’ont pas rejoint cette ligue, mais je crains qu’ils ne soient aisés à rallier en échange de quelques verroteries et de quelques litres d’alcool fort dont ces sauvages sont si friands. Mais là n’est pas le pire.
En effet, la France est actuellement en période électorale, et dans ces circonstances tous les coups sont permis, surtout les plus bas, s’ils permettent de grapiller quelques dixièmes de points dans les sondages. Et les candidats se comportent en terre messine comme en terrain conquis. Après que Marine le Pen est venue salir notre parc des expositions avec ses discours guerriers (et après avoir eu le toupet, j’allais écrire le front, de nous traiter d’électorat populaire), c’est le Président français lui-même qui va venir dès les premiers jours de 2012 rendre encore plus pénible la gueule de bois des fonctionnaires qui travailleront dans la nuit du 31 décembre. Mais pourquoi cette provocation?
Pourquoi des fonctionnaires, alors qu’il rêve de les voir disparaître? Pourquoi juste après les fêtes alors qu’il ne boit pas et qu’il ne peut donc pas comprendre que la gueule de bois rend n’importe quel discours totalement imperceptible? Pourquoi n’irait-il pas à Gandrange pour se recueillir sur le tombeau de ses promesses mortes-nées? Pourquoi n’irait-il pas fanfaronner dans la « principauté de Stalheim », où il autait plus de chances de croiser ses semblables? Pourquoi ne se rendrait-il pas en Meurthe et Moselle, d’où sont originaires ses délicates muses Nadine Morano et Valérie Rosso Debord? Pourquoi décentraliser ses voeux chez nous, alors que notre voeu pour 2012, c’est de le décentraliser de la vie politique? Attend-il que je rompe les relations diplomatiques entre nos deux nations pour nous déclarer la guerre?
C’est très simple, chère UNESCO, l’Etat français n’a jamais sû se départir de ses vieux reflexes jacobins, et continuera à nous oppresser et à nous humilier, comme nos amis néo-calédoniens, polynésiens, africains et palestiniens. Aussi te demandé-je, au nom du peuple souverain de la République messine, d’accepter notre adhésion, avant que l’ostracisme dont nous faisons l’objet ne se transforme en conflit sanglant. Je hisse le drapeau messin à ma fenêtre au mépris de Joachim la tempête et de Nicolas le colon, et je t’envoie une boîte de Mon Chéri et une bouteille de liqueur de mirabelle pour les fêtes.
Bises.
Le Président de la République messine.