Graoulliennes, Graoulliens, amical bonjour de la pointe Bretagne ! C’est pas incroyable, ça ? Les Goristes ne se pointent chez nos disquaires qu’une fois tous les deux ans, et à chaque fois, c’est pour appuyer là où ça fait mal ! Tenez, cette année, il avait l’air plutôt pacifique, leur dernier disque, intitulé « Le plus gros est fais » dont la chanson éponyme rappellera aux initiés les savoureuses « brèves de comptoir » de l’ami Jean-Marie Gourio ; mais méfiez-vous de l’eau qui dort ! L’album s’ouvre sur « Liliane, donne-nous des sous », adressée, comme son titre l’indique, à la femme la plus riche de France, sur l’air de « puisque tout le monde se sert chez elle, y a pas de raison pour qu’on fasse pas pareil ! » Le festival continue avec « Café commère » où l’on se permet de donner la parole à des brestoises moyennes et de les laisser critiquer impunément les grands pontes de BMO qui savent pourtant si bien ce qui est bon pour nous ; « On arrive » est l’énumération des conditions que ces huit vieux bandits entendent imposer au directeur de la maison de retraite avant de s’y installer, comme si les vieillards avaient des droits – si c’était le cas, on le saurait, quand même ! « Ça fait longtemps » met dans le même sac à merde ces grands serviteurs de l’État au désintéressement légendaire que sont Dominique Strauss-Kahn, Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen et Nicolas Hulot. « Médicaments » met en doute l’honnêteté, pourtant irréprochable, de nos laboratoires pharmaceutiques. « La sieste » est un éloge déclaré à l’oisiveté qui, comme chacun sait, à la mère de tous les vices des pauvres – les riches, ils ont droit. « Brest la nuit » pleure la disparition des bistrots de nuit au lieu de saluer comme il se doit cette évolution capitale pour la progression de l’ordre, de la sécurité et de la santé publique, cette dernière étant déjà grièvement meurtrie en même temps que la langue anglaise par « Le put in my nose ». « Le portap’ » et « La Wii est belle » osent sous-entendre que les formidables innovations technologiques dont nous jouissons aujourd’hui n’auraient pas que des avantages – un comble ! « Les quotas » ridiculise les discours défendant la nécessité, pourtant indubitable, d’appliquer des restrictions dans tous les domaines de la vie. « Le N’héron », enfin, est un pur produit des ateliers Jacques Bouillol, une parodie épouvantable irrespectueuse envers le grand fabuliste Jean De la Fontaine grâce auquel nous avons éduqué tant d’enfants et transformé des générations d’esprits insolemment vifs et pleins de potentialités hirsutes en producteurs névrosés et frustrés.
Bref, les Goristes n’ont pas changé… Ah, si ! Vingt ans après « À l’arsenal », qui en rajoutait dans la caricature des ouvriers de l’arsenal de Brest, virage à 180° avec « À l’arsouille ». Autres temps, autres mœurs : maintenant que l’armée n’a plus d’emplois pour les civils de la région et que l’arsenal de Brest n’est même plus l’ombre de ce qu’il a été, plus question de se moquer de ceux qui y ont travaillé, les Goristes participent au devoir de mémoire en rendant hommage à la culture ouvrière et au savoir-faire qui est en train de disparaitre avec l’arsouille… Faut-il en conclure qu’ils se sont assagis ? Mais non, je me suis à demi tué, dans le paragraphe précédent, à vous montrer le contraire ! Croyez-moi sur parole, « Le plus gros est fait » est vraiment dans la continuité des albums précédents : les pisse-froids en sont une nouvelle fois pour leurs frais, bien fait pour eux ! Allez, kenavo !