Vous vous souvenez d’Enquête-d’Opinion-Man, le super-héros qui signe son blaze de la pointe de son stylo-plume Mont-Blanc et qui m’a piqué ma colonne pour vous raconter comment l’opinion publique n’était que la généralisation d’une opinion privée? Et vous la sentez la Knacki format familial qu’il vient de faire passer sans vaseline dans l’opinion?
Hollande est en tête et bien parti pour envoyer le tout petit père des peuples pantoufler dans le privé, et Marine Le Pen même si elle n’est pas au second tour, a réalisé un score historique à la tête de son troupeau de bovidés décérébrés. Encore une grande victoire du duc de Neuilly qui assurait fièrement en 2007 avoir siphonné le FN et n’en avoir laissé que des ruines fumantes. Sérieusement, vous y avez cru à Mélanchon à 15%? Naïfs que vous êtes. Il y a beau temps qu’il n’y a plus en France assez de gauchistes, convaincus ou d’occasion, pour réaliser une telle performance. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est la sociologie. Mais bon, Enquête-d’Opinion-Man s’est bien marré avec ses copains, le Parti Socialiste a été un petit peu gêné aux entournures, et croyez-moi on n’a pas fini de rire.
Le score du FN est dramatique, mais tout sauf surprenant. Et pendant que tout le monde s’indigne à juste titre contre la percée de l’extrême-droite, pas grand-monde ne s’offusque du score ahurissant de Sarkozy eu égard à son bilan désastreux, et là, j’ai pas tout compris. Parce que le grand perdant de ce scrutin, outre la démocratie, c’est ce qu’il restait de la droite républicaine, des héritiers de De Gaulle, vous savez le grand échalas qui pensait que la France deviendrait une grande puissance si on la criblait d’autoroutes et de centrales nucléaires, mais qui au moins n’a jamais fricoté avec le fascisme malgré une admiration avérée pour Mussolini (pour le chef militaire, pas pour le Duce). Sarkozy a fait campagne en 2007 sur le thème de la droite « décomplexée », c’est-à-dire la droite rigide dans ses mocassins qui est prête à tout sacrifier au divin marché.
Passons rapidement sur ses réformes économiques. Pas une n’est financée, pas même celle des retraites puisque Fillon envisageait encore de revenir dessus lors d’un énième plan de rigueur, et le déficit s’est creusé dans les profondeurs que l’on sait, détériorant encore plus le tissu social, ce qui n’est pas pour rien dans la réussite de la repoussante Walkyrie de Hénin-Beaumont. Mais il y a pis. Le Président, fier comme un paon et soucieux de montrer qu’il ne bandait pas mou comme un vulgaire Philippe Seguin, est allé chercher les électeurs lepénistes non pas sur le terrain social mais en adoptant leur loggorhée (pour ne pas dire leur dysentérie idéologique).
De l’Homme africain qui n’est pas entré dans l’Histoire, en passant par le curé qui surpasse l’instituteur, par les assistés qui gangrènent le corps social, les outrances de la Droite Populaire et les propos homophobes du récidiviste Vanneste, par le ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale, aux centres de rétention et aux objectifs d’expulsion, j’en passe et pas que des moins dégueulasses, Sarkozy et ses compères Hortefeux, Besson et Guéant ont effacé la frontière entre la droite et l’extrême droite. Il ya sûrement des modérés à droite, mais combien d’entre eux a t-on entendu contester le patron quand il léchait les rangers des fachos bon teint? On fait quoi, on leur pardonne et on passe à autre chose ou on attend le 6 mai pour les tondre?
Aujourd’hui, après un mandat qui a réussi l’exploit de surpasser la Chiraquie dans le domaine de la démagogie populiste, la principale différence entre le FN et l’UMP est leur programme économique, le Front étant plus interventionniste et le parti présidentiel plus libéral. Au niveau idéologique, la droite sarkozyenne est devenue un avatar de la Ligue du Nord italienne, avec la même batterie de casseroles judiciaires et d’outrances xénophobes. Le Président a passé la fin de son mandat dans les jupes d’Angela Merkel et a passé sa campagne à vomir sur l’Europe qui fait pourtant vivre son électorat agricole. Bref, le front républicain n’est plus étanche.
Les législatives arrivent à grands pas. Marine Le Pen a presque réussi à faire imploser la droite. Deux perspectives se présentent: soit la droite, émancipée de son mini-conducator qui sera parti se faire des couilles en or dans le privé, assume le risque de se prendre une pâtée historique pour se reconstruire sur des bases plus saines, soit elle fera alliance avec le FN pour faire battre la gauche, rompant définitivement les dernières digues qui rendent l’UMP légèrement plus fréquentable que la maison Le Pen.
En attendant, avec Sarkozy, l’extrême-droite est déjà au deuxième tour, même en l’absence de Marine Le Pen. La campagne du deuxième tour va être saignante, et pas de la plus grande dignité. Et Enquête-d’Opinion-Man n’a pas fini de nous faire gober des reptiles de toutes les dimensions. D’ores et déja, les bourses européennes ont ouvert en baisse en apprenant qu’Hollande arrivait en tête au premier tour. Angela Merkel s’est dire préoccupée du score de l’extrême-droite sans s’apercevoir qu’elle a nourri la vipère en son sein. 20% des électeurs se sont rendus aux urnes pour dire qu’ils en avaient marre de la démocratie, et 26% d’entre eux se satisfont du monde comme il est. J’ai toujours pas compris.
En résumé, Hollande est quasiment élu, mais la lutte ne fait que commencer, et son issue dépendra aussi du comportement de la droite dite « républicaine ». Attention donc à ne pas retomber dans le même panneau qu’en 2002: on peut agiter la menace fasciste, mais cette menace pousse sur le terreau des républicains qui jouent contre leur camp.
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