Pour commencer cette première chronique de l’année, débarrassons-nous sans plus attendre de la coutume qui veut que l’on adresse ses meilleurs vœux à tout ses concitoyens même si on se fout éperdument de la plupart d’entre eux dès le 2 janvier. Donc bonne et heureuse année les copines, les copains et les lecteurs de passage. Évacuons évidemment de cette liste de récipiendaires de mes vœux la police, l’armée, les banquiers, les bourreaux d’animaux, les grenouilles de bénitier, les enfants qui prennent les mêmes trains que moi et les empêcheurs de profiter de la vie de tout poil, vous finirez la liste vous-même. A titre personnel, je me souhaite, pour l’exercice à venir, moultes bouteilles de vin de qualité, le prix Renaudot (sans aucune prétention littéraire, c’est juste pour aller me saouler à la vodka avec Beigbeider), le Pulitzer pour ma chronique immondaine, et j’espère que mon mode de vie dissolu me laissera envisager la perspective de renouveler ces souhaits en 2014.
Ceci étant fait, on peut se remettre à bosser. 2012 s’est bien terminé. A l’heure des vœux présidentiels, j’étais déjà bien entamé et j’en ai même complètement oublié que François Hollande monopolisait le petit écran pour nous apprendre que cette année encore on allait ramer comme des galériens mais qu’après, Inch’Allah et Inch’Merkel, tout ne sera que félicité et extase mystique dans un monde parfait qui sent le patchouli et l’essence de santal. Et 2013 commence plutôt pas mal non plus. Quand enfin j’ai pu me remettre de quinze jours d’abus de toutes sortes pour m’enquérir de ce qu’il s’était passé dehors, j’ai pris connaissance des dernières frasques de Gérard Depardieu, et j’ai bien rigolé. Après l’attaque poussive de Torreton et les soutiens d’Arthur et de Gad Elmaleh, Gégé s’est dit qu’il fallait vraiment s’éloigner de ce pays de cons. Autant je désapprouvais ses motivations fiscales, autant là je ne peux qu’acquiescer. Donc au diable Nechin et son ennui mortel, bonjour Москва, Здравствуйте Poutine.
Poutine qui comme chacun sait et comme Depardieu nous l’a rappelé, n’est pas du genre à traiter ses administrés de minable. Il se présente d’ailleurs lui-même comme le « plus pur démocrate du monde ». Et notre ex-gloire nationale de rappeler que son papa était communiste et qu’il prêtait une oreille attentive à Radio Moscou, ce qui doit indubitablement être un signe du destin. Bon, pour être honnête, Poutine n’insulte pas ses concitoyens, il se contente de leur payer un stage de cassage de cailloux en Sibérie ou de leur offrir des pâtisseries au polonium. Et quand il s’adresse au pékin moyen mécontent de sa politique, il fait comme un minable Jean-Marc Ayrault à Notre-Dame des Landes: il envoie CRS et barbouzes déployer leurs trésors de pédagogie pour bien faire comprendre au manifestant quelle chance il a de vivre dans une si belle démocratie. Je ricane, et je commence à me dire que finalement, l’année qui vient sera sans doute du même ton de gris que celle qui s’est achevée pour tout ce qui touche à la chose médiatico/politique. Je me demande si Hollande, quand il adresse ses vœux à la Nation et donc à moi aussi, pense parfois que si mes vœux s’exauçaient, ni lui ni aucun de ses collègues de gauche comme de droite ne poserait plus jamais son auguste fessier devant une caméra et encore moins sur un quelconque siège de président de quoi que ce soit.
Tiens, puisqu’on parle de Notre Dame des Landes, restons-y un peu. Il y a quelques temps deux jeunes demoiselles du Puy en Velay, répondant aux noms de Camille et Geneviève étaient portées disparues. Ni Francis Heaulme ni les innombrables terroristes qui parsèment le territoire n’y sont pour quelque chose, ce qui étonne beaucoup Jean-Pierre Pernaut et Manuel Valls. En fait les vadrouilleuses n’étaient pas allées sur les rives de la Moskva planquer leur argent de poche, elles étaient parties rejoindre les opposants à l’Ayraultport. Camille fut la première à regagner ses pénates auvergnates. Geneviève, autrement plus revêche, fit savoir à sa parentèle qu’elle voulait « vivre dehors, faire des rencontres inattendues, être libre de [ses] mouvements ». La brave petite se revendique de l’anarchisme et prie sa famille de bien vouloir lui lâcher la grappe. En voilà des propos rafraîchissants en ces temps où l’on nous sert de la famille à toutes les sauces, fut-elle avec un papa, une maman ou deux papas ou toutes les formules prévues ou pas par la loi, où l’on nous gave de course à la croissance, à l’emploi et à la compétitivité à tous les repas, et où on nous promet le bout du tunnel où on nous a fait entrer de force! Vous pourrez toujours dire, mais c’est encore une enfant, elle n’entrave que couic aux dures réalités de l’existence, ça lui passera et puis c’est sympa le Puy en Velay, alors que le bocage nantais et son immonde muscadet qui fait mal au crane rien qu’à le regarder…
Vous pouvez penser ce que vous voulez, bande de réactionnaires dresseurs de jeunes, mais moi j’ai trouvé la petite Geneviève bien plus sympathique que Depardieu le grippe-sou ou Torreton le socialiste mou du cul . Finalement, elle s’est résolue à faire comme Camille et à regagner son patelin (administré par Laurent Wauquiez, ce qui est déjà une bonne raison de vouloir s’en tirer) en attendant de n’être plus obligée de rendre des comptes à sa daronne. Et que croyez-vous qu’il arriva? La pauvrette a dû répondre de ses élans fugueurs devant un psychiatre et devant les schmitts. On a donc de bonnes raisons de penser, ma petite Geneviève, que le changement ce n’est pas encore cette année.
Mais comme la petite phrase en italique un peu plus haut fut l’une des premières brises de liberté de 2013, je tenais donc à te souhaiter, Geneviève, une excellente année.