Ils ont encore eu l’Alsace et la Moselle

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Ces derniers temps, on a bien rigolé avec les bouffeurs d’hostie. La trogne dépitée de Frigide Barjot la madone hard-discount des opposants au mariage pour tous, presque aussi fripée que son quasi-homonyme, après que le texte de loi a passé l’Assemblée Nationale, le Pape qui rend son tablier au risque de voir son procès en béatification remis à la même date que le retour de la croissance, du prophète et du FC Metz en Ligue 1, non vraiment c’était bien. Si les curetons en bas de chez moi qui ululent des cantiques à la gloire du petit Jésus presque aussi niais qu’un single d’Indochine avaient bien voulu aller voir ailleurs si les lions goûtent  le chrétien sauce gribiche autant que pendant l’Antiquité, j’aurais même frôlé l’ataraxie.

Mais voilà, la joie sans mélange, comme dans la belle expression du poète, n’existe pas. A peine le calotin prend-il un coup dans la schnisse que la réalité revient cruellement vous gâcher l’existence. Ainsi, il y a quelques jours (celui de mon anniversaire en plus, merci les gars/les filles), j’apprenais que l’association pour la promotion et l’expansion de la laïcité saisissait les vieux barbons du Conseil Constitutionnel pour savoir s’il était juste que l’Etat, dont la tête ne cesse de chanter l’impécuniosité sur tous les tons, devait considérer les ministres du culte comme des fonctionnaires et les rémunérer comme des enseignants, alors même qu’on ne cesse de réduire les effectifs de ces derniers. Le Concordat napoléonien, qui a résisté dans nos contrées à la séparation de l’Église et de l’État de 1905, oblige en effet toujours des milliers de jeunes malheureux alsaciens et mosellans à se fader les contes de fées des curés, des pasteurs et des rabbins. Et après on s’étonne de voir tant de nos compatriotes dans des chefs d’œuvre culturels comme « Confessions Intimes » et consorts. (j’exagère à dessein: ce n’est quand même pas la faute des curés si tous ces gens ont un horrible accent) (j’exagère même beaucoup: c’est sûrement à cause de notre charmant accent que la télé nous aime presque autant que les Ch’tis).

Bref, je me réjouissais de savoir qu’une association bien intentionnée se charge de rappeler à Hollande qu’il avait abordé le sujet pendant sa campagne présidentielle, mais il l’avait sans doute rangé dans le même dossier que la réforme de la fiscalité et la fin des expulsions arbitraires. Mais si vous voulez connaître le fond de ma pensée, l’Etat fera sûrement des économies sur notre régime local de sécurité sociale avant de mettre un pied au cul des fonctionnaires du culte. D’ailleurs, les vieux schnocks du Conseil Constitutionnel ne s’y sont pas trompés, en déployant une argumentation aussi spécieuse que celle qu’elle avait trouvée pour justifier l’existence de la corrida. Les « Sages » qu’on appelle ainsi parce qu’à leur âge on s’endort facilement et qu’on a moins le temps de raconter autant de conneries que le politique ordinaire, ont ainsi estimé « qu’aussi bien en 1946 qu’en 1958, les constituants n’avaient pas entendu remettre en cause la rémunération des ministres du culte dans les départements alsaciens du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, ainsi qu’en Moselle ». Quand il s’agit de tailler dans les retraites par répartition, ou dans les dépenses de sécurité sociale en général, vous êtes moins regardants sur l’esprit des constituants mes salauds, hein?

Et puis en plus les cacochymes se foutent de nos gueules de citoyens de seconde zone, en insistant sur le fait que certes, l’article Ier de la Constitution dispose que l’État n’a pas vocation à salarier les curetons,  mais que le rédacteur du texte (papa Debré, le daron de celui qui décide aujourd’hui de qui a le droit de violer la Constitution: je trouve cette façon de jouer le maquereau de sa petite sœur un peu dégueulasse, mais bon, ça ne choque apparemment pas grand-monde) et ses copains n’avaient pas envie de supprimer cette petite spécificité qui fait notre charme. Et l’esprit des rédacteurs de la loi de 1905, on s’en tambourine le bas-ventre? Waldeck-Rousseau, Emile Combes, Aristide Briand et Ferdinand Buisson sont ils moins présentables que De Gaulle et Michel Debré? Ou alors les vieux débris du Conseil Constitutionnel trouvent-ils que ces radicaux-socialistes mous du genou (mais quand même moins que leurs avatars actuels) avec leur laïcité super-sympa pourraient semer les germes de l’anarchie dans nos patelins bien de droite bien imprégnés de moraline?

Curieusement, dans sa décision (t’as vu le paquet de curetons de toutes les boutiques qui ont produit des interventions et observations? Ils ont quand même dû flipper un peu), le Conseil retient moins l’idée que l’État ne reconnait aucun culte et donc ne devrait pas leur filer un radis, que celle selon laquelle  le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; qu’il implique que celle-ci ne salarie aucun culte. Comme j’ai moins de 120 ans, je ne peux pas siéger au Conseil Constitutionnel, et par conséquent je ne comprends pas ce que le respect de la croyance vient foutre dans une QPC portant sur la rémunérations des ministres du culte. Garantir le libre exercice, si tu veux, l’égalité de tous les citoyens, je me retiens de ricaner puisque Debré et ses potes reconnaissent ipso facto que l’égalité OK, sauf si les constituants n’avaient pas prévu le coup. Mais alors respecter les croyances, alors là vous pouvez vous enfoncer le goupillon là où ça vous plaît le plus, j’en ai absolument rien à talquer. Un peu comme Dieu quand Jésus pleurniche sur sa croix parce que son papa ne veut pas venir le chercher, si ça peut vous situer mon sentiment.

En résumé, le Conseil Constitutionnel s’est encore foutu de notre gueule en motivant son arrêt à l’arrache, avec le professionnalisme de David Douillet qui rédigerait une Loi de Finances. On commence à s’y faire, et c’est pas demain la veille qu’on pourra faire une grasse matinée sans se faire réveiller par un bourricot qui cogne comme un sourd sur les cloches de son Église au lieu de s’acheter une montre comme tout le monde. En revanche, on estime que les salaires des fonctionnaires du culte représentent une manne de cinquante millions d’euros par an (il y a aussi des régimes spéciaux de maladie et de retraite pour tout ces braves gens). J’ignore tout à fait combien peut rapporter l’hypothétique fiscalisation des prestations familiales, mais ça vaudrait le coup de comparer.

D’ailleurs la télé lobotomise encore plus vite que la religion, et en plus la redevance ça rapporte.

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