Franchement, ça devenait fatigant de chroniquer les mésaventures de François Hollande. Depuis que « Pépère », comme le surnomme le Canard Enchaîné, est arrivé au pouvoir, il est devenu de plus en plus difficile de trouver un os à ronger et de pondre de savoureuses chroniques immondaines. L’actualité regorge pourtant de sujets croustillants, comme les déboires conjugaux du Président (encore que Sarkozy nous avait habitué à mieux), l’industrie qui part en couille et Depardieu en Russie, le PS qui nous déçoit avec une continuité qui force le respect alors même qu’on n’a pas cru au « changement, c’est maintenant », la petite guerre à laquelle on n’entrave que couic mais que chaque chef de l’État se doit d’inscrire à son bilan, les Roms qui sont toujours priés d’aller se faire voir dans un pays où le ministre de l’Intérieur n’a pas d’ambitions présidentielles, bref la routine, la tradition, le train-train, le ronron doucereux dans lesquels l’indignation finit par se noyer. Mais c’est bien fait pour sa gueule, elle n’avait qu’à mettre un bikini et le museau de Yasmine Bleeth époque Alerte à Malibu au lieu du faciès patibulaire de Frigide Barjot et de ses amis non moins frigides et tout aussi cons à bouffer du grillage.
Puis on a senti un léger soubresaut avec le trépas de Chavez qui a laissé Mélanchon inconsolable et a dissous sa verve légendaire au point de le rendre aussi drôle que feue Arlette Laguiller. Je sais, elle n’est pas morte, je l’ai vue pas plus tard que le weekend dernier au salon littérature et journalisme. Mais c’eut été une belle occasion pour la gauche de faire son deuil des théories qui ne voient les choses qu’au travers du prisme de l’économie. On a aussi bien ri avec les culs-serrés de la Manif pour tous jusqu’à ce qu’on passe du défilé neuneu en complet-cravate et carré Hermès comme les cathos en ont le secret à la meute intégriste facho et menaçante. Puis l’affaire Cahuzac et ses pépètes helvétiques, sa « face sombre » et le combi Volkswagen d’Ayrault délaissé depuis longtemps par l’ex-prof d’allemand au profit de son aéroport pourri. Et cerise sur le fraisier (c’est mon gâteau préféré, pensez-y si vous envisagez de m’inviter au goûter), une prise d’otages en bonne et due forme. Très bon pour les médias classiques, on peut y mettre plein de pathos et de méchants barbus cruels, mais assez relou à chroniquer, d’autant plus qu’on vient de les libérer.
En somme, le mandat du président normal commence comme un mandat normal. Mais il manque encore quelque chose. Des terroristes? Les coureurs de Boston ont bien tenté de nous faire rêver, mais comme l’hypothèse islamiste est écartée, on s’en fout, en plus c’est même pas chez nous. D’ailleurs, on ne sait même pas qui a franchi la ligne d’arrivée en premier et en entier. Du coup, Laurent Wauquiez, le cancérologue de la société qui compare les « assistés » à des métastases, pense qu’il faudrait arrêter le débat parlementaire sur le mariage pour tous pour parler du terrorisme. C’est vrai qu’on un paquet de marathoniens suspects par chez nous. Et que les homosexuels, même sans être mariés, sont plus qu’à leur tour victime de terroristes au cheveux ras et à l’encéphalogramme désespérément plat ces derniers temps, encore que je doute que ce sont ceux que craint le pathétique docteur Wauquiez. Mais ce n’est pas encore ça qui fait un bon mandat complet avec tout ce qu’il faut là où il faut.
Je me creuse les méninges, je doute, je me désespère de trouver où je veux en venir, j’envisage de tout effacer et d’aller me pinter la ruche puis je tousse en fumant une clope. Goddamn, mamelle de hyène et crachat de furet, mais c’est bien sûr: on n’a pas encore eu de grippe tueuse cette année! Fort heureusement, les Chinois dont l’avance technologique sur notre patrie malade du délitement de la famille et de l’évasion fiscale n’est plus à démontrer, ont trouvé un virus avec une bonne gueule de salopard pour nous consoler de notre morne ennui tout socialiste et du dernier album d’Indochine. Le successeur d’H5N1, qui n’avait pas tué grand-chose d’autre en France que la maigre crédibilité de Roselyne Bachelot, s’appelle H7N9. D’après Frigide Barjot, ce sont les homosexuels qui l’ont inventé pour tuer les parents « normaux » et adopter leurs enfants, pour finir par les initier à leur rite satanique à base de poppers et d’Elton John, mais j’avoue accorder assez peu de crédit à la fascionaria (pour les lents à la détente, néologisme forgé sur fasciste et pasionaria: je vous le prête pour vos soirées mondaines) de la famille papa-maman-et-que-dans-les-orifices-prévus-pour-ça, en grance partie parce qu’elle ressemble encore plus à un homme que Marine Le Pen.
En revanche, les autorités de Pékin, appuyées par l’OMC, après avoir assuré que la grippe aviaire 2.0 n’était pas transmissible à l’homme et au membre du parti communiste, ont fait volte-face et commencent à flipper leur race après que plusieurs cas de contaminations suspectes (et mortelles) ont été recensés. La protéine hémagglutinique (le H de H7N9) creuse un chemin dans la cellule à infecter, y sème le bordel pour se multiplier, et la protéine neuraminidase (N) finit le boulot en propageant le virus avec autant de facilité que Marc Lévy pisse de l’eau de rose. En clair, le virus mute sans souci dans la poule, le cochon, l’homme et la femme et même Frigide Barjot, quoiqu’il y répugne, mais bon c’est son boulot de virus et en Chine on n’a pas le loisir de déconner avec la hiérarchie. Je vous épargne les considérations sur le fait que si l’on ne parquait pas les animaux comme les crétins dans une église, la grippe aurait moins de chance de se répandre à tort et à travers. En ces temps où l’on peut légitimement – et dans l’indifférence générale- bouffer un chameau préalablement offert à notre Président, ça n’intéresse sans doute que moi.
H7N9 va t-il exterminer la moitié de l’humanité, alors que la Sécu ne rembourse plus les vaccins anti-grippaux en cette période de l’année? L’hiver a t-il joué les prolongations exprès pour voir si le petit dernier de la famille des Orthomyxoviridae allait rapporter un peu d’argent de poche aux labos qui ne renâclent jamais à se goinfrer une gâterie supplémentaire? Et si les dieux de Boutin et d’Aqmi avaient décidé d’envoyer un message au gouvernement socialiste en balançant un virus depuis la Chine pour le punir de mettre à mal la pérennité de la sacro-sainte famille?
Autant l’avouer, je n’en sais rien mais quand on aura coincé le terroriste de Boston, quand les ex-otages du Caméroun seront passés sur toutes les chaînes, et si le chômage augmente un peu moins spectaculairement que d’habitude, on trouvera sans doute des gens bien informés pour nous dire quoi en penser.
En attendant, Hollande avait promis de faire un tour du chameau qu’on lui a offert pour le remercier d’avoir « libéré le Mali » et sauvé Areva. Pour une raison que j’ignore, j’aime à penser que le chameau s’appelait Mokhtar, et qu’il rêvait d’arpenter les Champs-Élysées avec son nouveau propriétaire sur le dos. Le soir, après un long Conseil des Ministres ou après une âpre discussion sur la rigueur avec Angela Merkel, Mokhtar aurait pris la tête de François entre ses pattes et lui aurait raconté des histoires du temps où il menait les bédouins à travers les océans de sable, et il lui aurait chanté les oasis, les mirages, les longues journées sans boire et les nuits fraîches du Sahara. Un temps, il avait même failli être roadie pour Tinariwen, mais la guerre…En eut-il été ainsi, Pépère n’aurait plus été la cible perpétuelle de la pluie, il aurait senti bon le sable chaud et les marchés financiers se seraient inclinés devant son visage buriné par le soleil, la sagesse et la solitude des grands espaces.
Au lieu de quoi, Pépère a laissé bouffer son chameau, et ne tiendra jamais sa promesse. Ce qui ne nous dit pas si les chameaux sont sujets à la grippe. Hollande, démission!