Mort à la pluie

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Désolé de rebattre une évidence qui fait l’objet de toutes les conversations en ce moment, mais il fait vraiment un temps pourri, et ce depuis des mois. Usuellement, je m’en fous éperdument de la pluie et du beau temps, mais le beau temps a disparu depuis si longtemps que je pouvais pas ne pas réagir. Il pleut tant de cordes que ça donne carrément envie de se pendre. D’ailleurs, s’il ne faisait pas un climat aussi maussade, je ne me serais jamais permis ce calembour. Un temps infect, disais-je, qui donnerait presque envie de se mettre une balle dans une cathédrale, le seul endroit où il fait plus sombre que dehors. Encore que je trouve ça rigolo, les cathédrales, avec leurs bandes dessinées sur les vitraux qui rappellent comment Jésus se fait péter sa petite gueule de masochiste en douze étapes. Pas la peine de gueuler ou de crier au blasphème: se faire tabasser, c’est sa Passion (deux calembours: au troisième, promis, je pars chroniquer chez Ruquier). Et ce serait encore plus comique si les auteurs avaient pensé à mettre des phylactères, comme « aïe », « ouille », « mais euh » ou « attention je n’ai pas de culotte de rechange ». Hélas, les chrétiens n’ont aucune ambition artistique et encore moins d’humour: ils se contentent de chouiner et de pleurer comme les nuages monumentaux qui couvrent le pays.

Notez que je ne suis pas l’ennemi de la pluie. J’aime à entendre les gouttes s’échouer en rangs serrés sur les carreaux, je peux passer un bon moment à contempler les orages déchirer le ciel, et je remercie Dame Nature quand après une bonne période de chaleur elle consent à nous arroser le museau avant la cuisson complète de l’épiderme. A force de voir le niveau de la Moselle monter progressivement, j’avoue même que je ne serais pas contre une petite inondation pour donner un petit air vénitien à la ville et pour rendre Nancy aux marais d’où elle n’aurait jamais dû sortir (je n’en pense évidemment pas un mot, c’est le manque de vitamine D, qui est d’ailleurs proche de l’hormone comme sa consœur la vitamine C, si ce n’est que l’une possède des vertus stéroïdiennes et l’autre des propriétés anti-oxydantes contrairement à B8, B12 et K qui ne sont que de vulgaires résidus bactériens, qui me fait tenir ce discours).

Et puis il n’y a pas que le temps. Comme s’il ne suffisait pas de se voir dans son miroir le matin, l’air hagard et le teint blafard faute d’ultraviolets, remettant à plus tard son cancer de la peau pour mieux nourrir son cancer des poumons à force de se consumer l’angoisse en tubes de tabac, pendant que la rue hostile déballe toutes ses nuances de gris, il faut aussi se fader ses contemporains. Croyez m’en, chères lectrices et chers lecteurs, un pays qui se passionne pour la misère syntaxique de Nabila, qui propulse Sébastien Patrick en tête des ventes et qui se ronge les sangs en attendant de savoir qui va représenter le Paris Saint Germain à l’Eurovision et entraîner la France la saison prochaine, à moins que ce ne soit l’inverse, un pays où nos dirigeants se ruinent la santé à faire semblant de trouver du boulot aux chômeurs, alors que tout ce qu’on demande c’est quinze jours de putain de ciel bleu, un tel pays ne mérite rien de mieux qu’une éternelle dépression, sur Terre comme dans les cieux. Et quand je parle des cieux, je veux bien sûr parler du climat, pas du jules à Marie-Madeleine.

Quand bien même on a toutes les raisons de vouloir mettre fin à ses jours et de laisser derrière soi tout un  monde éploré et un mot d’adieu précisant ses motivations (si vous manquez d’inspiration, un simple « salut, bande de cons » fera parfaitement l’affaire; déjà que vous allez faire de la peine aux gens, pas besoin de leur infliger un pamphlet), les choses ne sont pas aussi simples. Recensons quelques méthodes couramment utilisées pour en finir. Se jeter sous un train? N’y pensez même pas: il faudrait déjà qu’il arrive à l’heure, et à la première minute de retard comme je vous connais, vous allez vous décourager et vous plaindre que la SNCF prend l’usager en otage. Le gaz? Absolument hors de prix, vous laisseriez une dette colossale à vos ayants-droits. Au prix où le vend Poutine, ce serait non seulement du gâchis mais une façon ostensiblement prétentieuse de mourir, pour ne pas dire totalement m’as-tu vu. Se jeter d’un pont dans la Seille ou dans le cours d’eau le plus proche de chez vous? C’est peine perdue: à tous les coups, un connard de pêcheur, non content de mutiler ou de génocider des truites innocentes, s’empressera de vous repêcher pour avoir son groin dans le journal de treize heures.

Vous l’aurez bien compris, là n’est pas la solution. Puisqu’on ne nous laissera pas mourir d’ennui et d’obscurité en toute quiétude, il va falloir lutter contre les éléments adverses et cette connasse de Mère Nature, ou ce baltringue de Père Nature, si vous tenez absolument à ce que la Nature soit sexuée ou genrée, de toute façon je n’y comprends plus rien.

Et pour ce faire, nous allons nous battre à armes égales: avec du liquide. Oh, pas de l’eau, qui certes est fort utile pour se laver mais qui possède un goût aussi fade qu’une chanson de Yannick Noah. Précipitez-vous dans vos échoppes et procurez-vous une bouteille de vin par personne. Aucune loi ne vous oblige à vouloir le bonheur de vos enfants, aussi vous laissé-je la responsabilité de choisir si oui ou non vous devez leur appliquer mes prescriptions. Buvez deux verres. Déjà, vos joues rosissent et vous ressentez une légère augmentation de votre température intérieure ( augmentation encore plus sensible si vous la prenez à l’aide d’un thermomètre « à l’ancienne ») : les nuages ont beau déverser des tombereaux de flotte et masquer le ciel qui n’est bleu que parce que c’est la longueur d’onde la plus courte de la lumière vous vous sentez mieux. Non seulement vous venez de consoler les daltoniens qui n’osaient pas trop la ramener quand ils pensaient qu’il faisait beau, mais sans vous en rendre compte, vous êtes en train de bronzer, de l’intérieur et de l’extérieur.

Au bout de quelques verres supplémentaires, ce sera l’été dans votre cœur, la société des hommes et des femmes vous semblera résolument plus agréable, et, à nouveau gonflé d’espoir et joie de vivre, vous brandirez un majeur vengeur vers le ciel où il n’y a toujours désespérément personne. Pensez quand même à retirer le thermomètre.

Comme je suis plus honnête que Servier, je précise tout de même que le traitement que je préconise n’est valable que pour cette année. En effet, vu ce qui tombe, les récoltes de la rentrée ne s’annoncent franchement pas terribles. Souhaitons donc que le Mettis soit plus souvent à l’heure que feus les TCRM.

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