Des victimes innocentes à défendre et des gros enculés de bourreaux à condamner, ce n’est pas ça qui manque, en ce bas monde…
Il y a, dans les laboratoires, des rats que des savants à moitié fous, au nom d’une science qui ne profite qu’à l’homme, soumettent à des traitements innommables quand ils ne leur injectent pas carrément des poisons…
Il y a, dans les arènes, des taureaux que des guignols couverts de paillettes torturent avec des lances aiguës avant de les liquider purement et simplement sous les acclamations d’un public composé de débiles sanguinaires…
Il y a, dans les cités, des femmes qui se font battre comme plâtre par celui auquel elles ont donné leur cœur, dans l’indifférence des voisins égoïstes et des agents incompétents qui osent s’imaginer qu’elles l’ont bien cherché…
Il y a, dans les quartiers résidentiels, des enfants qui se font passer à tabac par le minable auquel ils doivent le jour, qui affirme son autorité de « chef de famille » par la force faute de pouvoir inspirer le respect d’une façon ou d’une autre…
Il y a, à Paris, des Roms qui ont été attaqués à l’acide par des connards racistes et trouillards qui se sentent en danger dès qu’ils voient des gens qui ne leur ressemblent pas et n’ont pas la même vie de merde qu’eux…
Il y a, dans bien des pays, des couples qui ne demanderaient pas mieux que de vivre librement leur amour, mais des lois criminelles, avec la complicité d’une religion débile (un pléonasme, excusez-moi), en ont décidé autrement…
Il y a, partout dans le monde, des hommes, des femmes, des enfants qui souffrent le martyre parce que leur pays est ravagé par la guerre, la famine, le fascisme, dans l’indifférence coupable des grandes gueules internationales…
Ah ça, non, ce ne sont pas les victimes innocentes qui manquent pour qui a la volonté de se mobiliser contre la misère du monde… Seulement voilà.
Seulement voilà : tous les martyrs susnommés, ce ne sont pas des jolis petits chatons. Ils ne sont pas mignons, ils ne sont pas attendrissants, ils ne sont pas assez émouvants.
Allez donc convaincre une rombière débile de se mobiliser pour un rat, pour ce pauvre rongeur dont le nom est synonyme de « parasite »…
Allez donc convaincre un geek boutonneux de se mobiliser pour un taureau alors qu’il n’en a jamais vu « en vrai » et ne peut pas en avoir un sur ses genoux…
Allez donc convaincre un bidochon moyen de se mobiliser pour une femme battue, lui qui rit de son visage tuméfié et de ses ecchymoses inesthétiques…
Allez donc convaincre une jeune mère de se mobiliser pour des enfants battus, elle qui en a fait sans savoir ce que ça représentait et le regrette déjà…
Allez donc convaincre un électeur de Manuel Valls de se mobiliser pour des Roms, lui qui commence toutes ses phrases par le tristement célèbre « je ne suis pas raciste mais… »
Allez donc convaincre une vieille croute de se mobiliser pour un couple vivant à des kilomètres de chez elle déjà qu’elle ne cherche même pas à connaître ses voisins…
Allez donc convaincre le français moyen de se mobiliser pour les malheureux des autres pays, lui qui se lamente sur son sort pour un oui ou pour un non…
Et puis surtout…
Et puis surtout, les bourreaux ne sont pas tous aussi bêtes que le tortionnaire de chats de Marseille. Eux, quand ils torturent, ils ne se filment pas pour publier la vidéo sur Internet.
Le savant fou ne se montre jamais en pleine vivisection d’un cobaye…
Le torero réserve le spectacle de sa sale boucherie à ceux qui ont payé pour…
Le mari violent, à la ville, prend les habits du mari exemplaire…
Les bourreaux d’enfants ne battent pas leur progéniture sur la place publique…
Les agresseurs de Roms ne convoquent pas la presse quand ils lancent l’attaque…
Le chef d’État qui prohibe certains amours ne visite ses homologues que pour parler affaires…
Les tortionnaires ne se font pas gloire de griller la quéquette d’un citoyen à la gégène…
Bref : puisque visiblement notre capacité de nous mobiliser pour prendre la défense d’une victime innocente ne dépend plus, désormais, que de la capacité de cette dernière à nous émouvoir et de la médiatisation de son calvaire, je suggère que l’on mette sur place une corporation de coachs en émotion qui apprendront aux victimes innocentes à se donner la peine d’être jolies, mignonnes et émouvantes et à savoir communiquer ; dans la foulée, on pourra créer une nouvelle émission de télévision, la « Victimes Academy » : le clavaire des victimes sera diffusé en temps réel à une heure de grande écoute ; les téléspectateurs voteront pour la plus émouvante et le vainqueur aura le plaisir de voir son tortionnaire traduit en justice…
– Hé, oh, Blequin ! Je vois ce que tu veux dire, mais il n’empêche que pour torturer un chat comme ce type l’a fait, il faut être un bel enculé !
– Ai-je dit le contraire ?