Eeeet oui… Au lendemain de cette journée de mobilisation sans précédent, vous m’attendiez au tournant, n’est-ce pas ? Vous vous disiez « il ne va pas de fouler, il va nous sortir tous les lieux communs et toutes les évidences qu’on aura déjà lues mille fois partout ailleurs, il est encore trop bouleversé pour oser dire quoi que ce soit d’autre »…
Du coup, vous vous attendiez à quoi ? Que je vous dise que dans les rues de Brest, il y avait tellement de monde que j’ai dû attendre une heure avant de pouvoir commencer à marcher ? Que la queue du cortège n’a pu partir que quand la tête était arrivée ? Qu’on n’avait jamais vu une manifestation d’une telle ampleur dans la cité du Ponant ? Que toute tentative pour retrouver une connaissance dans la foule était vouée à l’échec ? Qu’on ne voyait pas le début ni la fin du cortège ? Que ce fut une grande première pour des milliers de personnes qui n’avaient jamais manifesté ? Que les transports en commun étaient bondés ?
Vous voulez que je vous dise quoi ? Que ça me réchauffe le cœur de voir tous ces citoyens se mobiliser spontanément, par-delà les différences d’origine, d’opinion et de religion, pour défendre le droit, la liberté et la justice contre les intégrismes de tout poil ? Que je considère, malgré l’opinion de certains éternels sales gosses, que c’est tout de même une belle victoire posthume (dont on se serait passé, il est vrai) pour les fondateurs de Charlie que leurs valeurs soient enfin reconnues comme coïncidant avec celles de la République ? Que, de toute façon, l’heure n’est pas à se crêper le chignon en criant haro sur la supposée récupération ou non-récupération mais à affirmer notre attachement aux valeurs qui ont été bafouées en ce 7 janvier de sinistre mémoire, à lutter contre la tentation de l’amalgame comme l’ont rappelé les lycéens brestois vendredi dernier et à traquer impitoyablement cette plaie qu’est indéniablement le djihadisme ?
Vous vous attendiez à ce que je vous dise tout ça, hein ? Et bien je ne vous le dirai pas. Avouez que ça ne vaudrait pas la peine de gaspiller du temps pour écrire des banalités pareilles.