Je savais de source sure, que je trouverai cet enfoiré dans ce rade. Un de mes indics m’avait refiler ce tuyau il y a deux jours de ça. Enfin, cette vieille histoire était sur le point d’être réglée.
Il y a environ trois mois, le gus en question m’avait tiré dessus lors d’une course poursuite, éclatant le pneu avant droit de ma Mustang et la précipitant dans le fossé. Par chance, il n’y eu que de la tôle froissée et une belle bosse sur le crâne majestueux de mon fidèle hound. Bosse qui heureusement ne provoqua aucunes séquelles sur ses formidables capacités intellectuelles, sauf que depuis il me réclame régulièrement de l’aspirine pour combattre ses maux de tête.
Nous entrâmes donc, mon chien et moi dans le bar en question. Rapide coup d’œil gyroscopique. Immédiatement j’avisai mon blaireau attablé dans un coin sombre, mais ce qui suscita surtout mon intérêt se trouvait au bar, perchée sur un tabouret. Un quart de seconde plus tard, me voilà à ses cotés.
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Une grande bière, commandais-je au loufiat derrière le comptoir
Au moment où j’allais prendre ma première gorgée, la belle me poussa du coude et me dit avec un voix suave et sensuelle.
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A la votre …. on trinque ?
Et comment qu’on va trinquer ma poule, pensais je.
A l’instant où je me retourna vers elle, mon verre à la main, elle en profita pour, elle aussi, pivoter sur son tabouret, croisant puis décroisant ses belles jambes, me laissant ainsi entrevoir furtivement la naissance de ses bas. Ah !! qu’elles sont belles ces petites vues volées que les femmes nous distillent de temps en temps. Rien n’est involontaire, toutes maîtrisent à la perfection ce petit art de la séduction et savent nous appâter et nous faire saliver, qui devant une brettelle qui tombe négligemment, qui devant un décolleté aussi profond que ton découvert bancaire, qui devant un regard brûlant à dégivrer tous les frigidaires de la Terre en même temps, qui encore devant un valseur plein de promesses interdites qui se balance de gauche à droite … argggg j’arrête là, mon stylo tremble et je n’arriverai plus à me relire. T’as qu’à finir la liste tout seul, moi j’vais boire un coup. Après tout t’as pas besoin de moi pour te faire des images salaces ? Hein ? Si, quand même un peu. Bande de vicieux !
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Bon, écoute ma jolie, je dois juste régler un petit problème et je suis tout à toi … pour boire toute la nuit.
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Dépêche toi, je t’attends, dit elle en posant sa main sur la boite d’un CD posé à coté d’elle, sur le zinc. J’ai hâte d’écouter ça avec toi…
Oh, putain, va falloir faire fissa mon copain, si tu ne veux pas que cette beauté se refroidisse et se fane.
Un petit coup de talon à mon hound afin de lui signaler qu’il est temps de cesser de mater les cuisses de la dame pour aller bosser un peu.
Je me dirigeais donc vers mon zig, qui me voyant lui aussi, se leva aussitôt de sa chaise pour m’accueillir et quelque chose me dit qu’il ne m’attend pas avec un bouquet de fleur.
Le gars portait un costume clair, plutôt bien taillé. Les affaires devaient être bonnes pour lui. Il avait la gueule de ceux qui ont la baston pour seul moyen de communication. Les balafres et l’air patibulaire du bonhomme me laissaient penser que je n’avais pas à faire au perdreau de l’année. Le type était un vrai dur. Je le vis mettre la main à sa poche et saisir ce que je devinais être un couteau à cran d’arrêt.
Eh bien, mon grand (c’est moi ça, mon grand, j’aime bien m’appeler comme ça). Mon grand disais-je avant de m’interrompre pour t’expliquer pourquoi je m’appelle mon grand…Bref, tu vas devoir la jouer fine et ne pas te rater. Avec un gars comme celui là, un habitué du coup de poing, ta seule chance c’est de l’avoir de vitesse, par surprise, ne pas lui laisser le temps de comprendre ce qui se passe. Je vais lui faire le blietzkrieg, comme disent les schleus, lui servir le menu du jour sans lui laisser le soin de voir la carte.
En guise d’entrée, je lui proposa le coup de pied dans les parties intimes. A voir ses yeux exorbités qui semblaient vouloir jaillir hors de leurs orbites afin d’aller vérifier par eux même l’état dans lequel mon 43 avait laissé ses bijoux de famille, je compris que l’effet recherché par mon petit hors d’œuvre était tout à fait réussi. La suite du menu arriva immédiatement après et je lui offris un coup de tête dans le nez, servit avec éclatement de pif sur son jus de raisin. Puis comme je me sentis d’humeur généreuse, j’envoyai le dessert, une belle tarte de phalanges, avec supplément bagues, à consommer sans modération. Il n’en fallu pas plus à mon adversaire pour choir lamentablement sur le lino cradingue du bar en prenant bien soin, au passage, de se fracasser le crâne sur un coin de table. Mon gars partit immédiatement aux pommes pour un bon moment. Le voilà hors service pour quelques heures. Et moi, me voilà totalement disponible pour m’occuper de cette ravissante poupée.
Je retourna donc en direction du bar, suivi de mon hound qui pris soin de soulager sa vessie sur la face tuméfiée du malheureux zig qui gisait au sol. C’était sa vengeance.
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A nous, ma poule. Où en était on ?
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Oh ! Mais ta main est blessée, me dit elle en prenant délicatement ma mimine dans la sienne.
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Rien de grave, rassure toi. Ce con a réussit à me mordre lorsque je lui ai envoyé une paire de baffes. Putain de cannibale !
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Tiens, justement, voilà le disque que je voulais qu’on écoute.
Elle me montra la pochette du dernier album de Richie Kotzen, qui s’appelle justement Cannibals. Elle tendit le CD au porte bouffe afin qu’il le mette dans la platine et alla se recommander une nouvelle coupe de champagne.
Je l’arrêta immédiatement.
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Ok pour la musique, on va s’écouter ça mais tu vas me faire le plaisir de boire une bouteille de vin avec moi et de laisser ta boisson de connasse pour plus tard. Tu vaux mieux que cela. Ne me dis pas que tu es comme toutes ces connes qui boivent du champagne comme d’autres boufferaient du cirage pour briller en société ?
Elle m’écouta et nous partageâmes un fin et gouleyant Morgon 2009. Le tout accompagné des dix nouvelles chansons du génial Richie Kotzen.
Et quel album … le groupe, un power trio classique, s’est rodé au fil des concerts et des tournées et cela se ressent immédiatement. Ca groove, ça swingue. Ces trois là se connaissent maintenant très bien. Chaque instrument à sa place dans cette musique, aucun ne prend le pas sur l’autre, ça sent l’entente parfaite. La voix, toujours et encore magique de Kotzen est bien mise en valeur, sa guitare virtuose survole l’ensemble et nous emporte vers des hautes sphères. Et le style ? ben le style, comment dire, c’est rythm’n and blues, funk, rock, pop …
La bonne musique n’a pas forcément d’étiquette.
Voilà pis c’est tout.