Facebookiens, encore un effort pour être républicains!

Les réseaux sociaux sont souvent de formidables vecteurs de contestation, tant la vitesse de l’information qui y circule plus vite que les calamités sur Haïti offre des possibilités de rassemblement et de créativité d’une ampleur infinie. L’un d’entre eux particulièrement, dont je tairai le nom pour ne pas faire de publicité aux livres de visages, autorise la constitution de groupes qui concentrent les mécontentements sur des sujets aussi divers que la popularité comparée de Justin Bieber et d’un cornichon, ou l’ordre dans lequels les petits pois et les carottes devraient être mangés. Bien que l’orthographe souvent approximative, pour ne pas dire alarmante, de ces pétitionnaires des travers du quotidien laisse à penser que le mammouth de l’Education Nationale a perdu tout ou partie de son pelage  syntaxique, il est désormais permis à tout un chacun, quelle que soit sa chapelle politique ou socioculturelle, d’exprimer ses doutes  sur la capacité d’un gouvernement à créer les conditions de l’épanouissement de l’individu ou d’affirmer avec humour la possessivité de sa literie aux heures indues où le professeur soporifique et l’employeur pointilleux attendent que l’on verse son écot à un morne quotidien qui n’a pour seul tort que de revenir tous les jours.

Mais il advient , comme dans le réel concret, que certains groupes soient passablement irritants et justifient l’interdiction du port d’armes sur la voie publique pour les gens qui ne goûtent pas le sanglier et l’alcool fort au petit déjeuner. L’un de ces rassemblements qui me gonflent singulièrement le neurone protestataire en ce moment s’énonce comme suit:  « Il y a en France un total de 577 Députés, 343 Sénateurs, 30 Ministres et Secrétaires d’État !! Si on décidait de raboter leur salaire juste de 1000,00 € Cela produirait 950.000,00 € d’économie par mois !!………et 950.000,00 € x12 = 11.400.000,00 € !! ». Si l’on peut féliciter l’auteur de ce calcul pour l’intérêt très civique qu’il porte aux comptes de l’Etat, et si on ne peut que partager l’incompréhension de monsieur Lambda sur le caractère excessif des avantages des représentants du peuple (lol, comme on dit sur ce même réseau) rapporté au travail fourni, on s’inquiète quand même un peu du caractère poujadiste de la cause. Quand bien même il est évident que l’élite politique du pays devrait être rémunérée au mérite cher à notre Président, il existe tant d’autres postes qui mériteraient le rabot, et qui rapporteraient autrement plus que onze misérables millions d’euros qu’on se prend de pitié pour le député qui reste un fonctionnaire malgré sa détestation à la majorité absolue pour le service public . C’est bien pour ça qu’on ne confie jamais le pouvoir aux pauvres: ils n’ont pas le sens de la mesure.

Jetons un oeil sur la loi de finances: 32,5 milliards consacrés à l’armée, dont une part non négligeable aux invendables Rafales du Figaro et de M. Dassault qui a construit sa fortune sur les commandes publiques, puisqu’il n’a jamais concrétisé le moindre contrat avec quiconque si ce n’est notre armée faite de bric, de broc, et d’ego présidentiel. Le budget communication du Président, du gouvernement, et de l’UMP qui ne sert absolument à rien compte tenu de l’existence de TF1, d’Europe 1, et d’une bonne partie de la presse quotidienne régionale qui assurent réguliérement la promotion du pouvoir en place à longueur de page et de publicité débilitante, constituerait également une source de revenus substancielle si l’on voulait fouiller dans la manne des dépenses qui font double emploi. Mêmement, l’auteur du rapport budgétaire sur les revenus des élus omet bizarrement d’inclure la Présidence de la République dans sa comptabilité. Pourtant, l’Elysée n’a pas coutume de vivre d’eau claire et de pain bis, le train de vie du gardien des institutions s’approchant plus du roi Midas que de l’ascétisme bouddhique. Soyons encore plus ambitieux: pourquoi prendre 1000 euros à chaque sénateur quand on peut récupérer tout le pactole en supprimant la maison de retraite la plus chère de France après l’Académie Française, qui n’ont guère d’autre utilité que de recenser des mots quand plus personne ne les utilise ou de tuer dans l’oeuf la moindre velléité de progrès social? Inutile de le nier, le rebelle facebookien est un gagne-petit qui ignore que des milliards d’euros seraient à sa portée, s’il voulait se donner la peine de savoir où vont ses impôts et s’il faisait l’effort d’assimiler l’intérêt bien compris d’une bonne canicule sur les finances de notre vieillissante nation.

Dans un prochain épisode, nous nous demanderons si la démocratie a un prix et si la valeur de la contestation peut se mesurer au nombre de « likes ».

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