Le cas Rantanplan

Rantanplan

Cette année, Lucky Luke fête ses 70 ans ; je voudrais en profiter pour parler d’un personnage de la série célèbre pour sa bêtise mais que j’essaie de réhabiliter, à savoir Rantanplan. Rantanplan, l’anti-Rintintin des aventures de Lucky Luke, le « chien le plus bête de l’Ouest », n’est pas aussi bête qu’on le dit et peut faire preuve, par moments, d’éclairs de lucidité tout à fait remarquables. Goscinny en a fourni deux preuves dans Tortillas pour les Dalton.
Première preuve : Joe Dalton appelle Rantanplan en train de savourer un os ; celui-ci ne répond pas et le bandit l’interprète comme un signe de la bêtise du chien qui « ne reconnaît personne », ce qui est totalement faux : non seulement Rantanplan l’a reconnu, mais il se souvient de sa dangerosité, comme l’attestent ses pensées à ce moment-là : « C’est un Dalton. Je les connais, ces bandits. Si je lâche mon os, ils vont me le voler, sans blague ». C’est du bon sens élémentaire : le vrai signe de bêtise serait justement de laisser un objet de valeur sans surveillance si les Dalton étaient dans le voisinage…
Deuxième preuve, dans le même album : Rantanplan interrompt, sans le vouloir, un combat de coqs et se fait battre comme plâtre par les Mexicains qui y assistaient. Après s’être sorti de ce passage difficile, il dira en rapporter « l’impression d’avoir assisté au dégradant spectacle de la cruauté envers les animaux, qu’on devrait interdire sévèrement ». Parle-t-il du combat de coqs lui-même ou de son passage à tabac par les soudards qui y assistaient ? Peu importe, il a raison dans un cas comme dans l’autre.
Ce dernier exemple illustre d’ailleurs bien quel est le sens véritable de la bêtise attribuée à Rantanplan : les hommes le trouvent bête parce qu’il ne les comprend pas, ils le rejettent parce qu’il ne leur est pas utile, ils lui reprochent de ne pas se laisser réduire à l’état de microprocesseur fiable et de garder un comportement autonome. Les humains prétendent que le chien est leur meilleur ami, mais, de même que pour tout autre animal, ils ne tolèrent sa compagnie que s’il est leur esclave. Bref, au premier degré, nous rions des bêtises de Rantanplan, mais au second degré, ses bêtises s’avèrent être un puissant révélateur de la bêtise, beaucoup moins drôle, des humains…

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