Autant que je me souvienne, on n’a trop peu souvent eu l’occasion de parler d’Emmanuel Macron dans ces lignes, et c’est bien dommage, car voilà un garçon qui perd rarement une occasion de raconter des conneries. Je ne lui jette pas la pierre, j’en écris moi-même à foison, à cette différence près que BFM TV ne relate que très exceptionnellement les péripéties et les avanies qui composent mon existence trépidante. Quand mon chat a fugué, où étaient les journalistes? Quand l’ampoule de ma cuisine a lâché et que j’ai mis quinze jours à trouver la même dans le commerce, où étaient les caméras et les micros? Quand j’ai définitivement arrêté la vodka Red Bull au bénéfice de la tradition viticole frrrrrançaise en roulant bien le « r » et que mon tire bouchon est tombé derrière le radiateur, que faisait Jean-Jacques Bourdin?
Ils n’étaient pas là, ils étaient trop occupés à renifler le caleçon de Macron pour connaître la teneur de son programme. Sans vouloir gâcher le suspens, je pense qu’il s’articulera autour de la réduction de cotisations sociales pour les entreprises, le saccage en bonne et due forme du service public et du Code du Travail, et peut-être bien d’une énième réforme des retraites et d’une petite guerre, parce qu’un président de la république (je mets des majuscules si je veux) qui n’a pas sa réforme des retraites et sa guéguerre, c’est comme un membre des Républicains (là je mets la majuscule, c’est une marque et la pub c’est cher sur BFM) qui n’a pas sa petite mise en examen. Un programme de droite, bien vu l’aveugle.
Non que je sois versé dans l’interprétation des oracles, mais c’est ce que font tous les gouvernements de droite comme de droite de la gauche depuis quarante ans, et tu crois quand même pas qu’un bonhomme qui a fait l’ENA et Rothschild va subitement restaurer les soviets de quartier et transformer la Beauce en un gigantesque kolkhoze, hein? Quoiqu’en laissent penser son faciès de BTS Force de vente et sa relative jeunesse dans la chose publique, Macron ne fait que réchauffer les vieilles recettes libérales sous couvert de modernité, et l’essentiel de son œuvre politique se résume actuellement à des bastons entre automobilistes pour le marché du piéton feignant et de l’alcoolo nocturne, et un réseau d’autobus déjà presque en faillite. S’il continue sur sa lancée, on va finir par l’appeler le Macron-ondes tellement il vend du surgelé. Sinon, juste pour la modernité: à ma droite, Adam Smith, la Richesse des Nations, 1776. A ma gauche, Karl Marx, das Kapital, 1867. C’est qui le moderne? Et en libéralisme de gauche, si on veut bien supporter la contradiction, on peut citer Keynes qui préconisait la dépense publique, le déficit, ou la régulation de l’économie. C’est qui qu’est de gauche?
Alors pourquoi m’échiné-je à user ma plume, qui serait bien mieux employée à écrire des lettres galantes à Scarlett Johanson, alors que BFM TV et nombres d’autres plumitifs nous servent du Macron à tous les repas, toujours surgelés, alors qu’on aimerait bien avoir le temps et la compétence pour faire une charlotte aux fraises mais qu’il faut s’inquiéter pour le monde qui nous envoie un enfoiré à la minute, ruinant du même coup notre système digestif, notre culture gastronomique et notre foi en l’avenir?
Parce que le camarade auto-entrepreneur Macron tenait un meeting dans la bonne ville de Lyon qui n’en demandait pas tant puisqu’elle héberge déjà l’homme le plus insupportable de France derrière Emmanuel Macron et Cyril Hanouna, l’odieux Jean-Michel Aulas (#freehorda), et qu’il a eu cette phrase malheureuse: « je ne veux plus entendre dans notre pays qu’il est plus intéressant de faire autre chose que de travailler ».
La tirade intervient en écho de ses propositions de rendre le RSA et la Prime d’Activité « plus incitatifs à la reprise d’activité ». Il a aussi dit que s’il connaissait le moyen de doubler le montant du RSA, il l’aurait fait. L’esprit peine à se figurer pour quoi le bon Emmanuel est allé se fourvoyer avec un gouvernement qui a braqué 40 milliards à la Sécu pour les refiler à Gattaz et consorts. La citation est surtout un petit taquet à Benoît Hamon et à son revenu universel pour feignasses improductives. On peut donc répondre à deux niveaux.
Tout d’abord, s’il existe en France des situations où il est préférable de rester chez soi plutôt que d’aller engraisser le bourgeois, c’est simplement parce que les salaires sont trop faibles, et qu’en plus depuis la mise en place de la Prime d’Activité, c’est la Sécu qui compense la misère. Sécu financée principalement par les cotisations salariales. Tu vois un peu le coup en traître? De même, si un revenu universel était mis en place, disons à hauteur de 700 balles comme le préconise Hamon, tu avoueras que c’est quand même pas Byzance et que c’est pas demain que tu pourras emmener maman au Flunch et reprendre deux fois des frites. Des économistes plus compétents que moi démontreront sans peine qu’on travaille trop, pour des queues de cerise, qu’on consomme plus de planètes qu’on est capable d’en détruire, alors qu’on pourrait déléguer le sale boulot aux robots ou rétablir l’esclavage pour les amateurs/trices de footing, puisqu’ils semblent aimer souffrir et friser l’apoplexie à chaque fois que leur pas lourd martèle le bitume. J’en ai même vu une courir avec un bonnet de bain pas plus tard qu’hier. Pour des gens comme ça ou comme pour le commun des ministres des Finances, j’entends bien que le travail représente un refuge et qu’ils s’ennuieraient au bout de deux jours de chômage, l’imagination étouffée par le boulot et le dégoût pour l’otium qui ravale l’Homme au rang de la bête. Mais je suis à peu près persuadé que si tu demandes au pékin moyen s’il a conscience, en pointant dès potron-minet, d’œuvrer pour le bien commun et de vivre les heures les plus passionnantes de sa journée, le pékin appelle les schmitts ou te lacère le visage à coups de stylo quatre couleurs.
Ce qui nous amène au deuxième niveau de réponse, la réponse à une phrase « tirée de son contexte ». Benoît Hamon l’a très bien exprimée en présentant son projet (même si l’on déplore qu’il n’ait pas eu les bollocks de proposer le salaire à vie, la gratuité de l’éducation, de la santé et du logement, l’expropriation des propriétés et des comptes offshore des rupins et un grand banquet populaire et cannibale où on se bâfrerait de leurs mioches hideux): dans une vie, il y a quand même plein de trucs plus intéressants que le travail. Je suis même prêt à admettre qu’on peut aimer passionnément son travail quand il coïncide avec une passion ou qu’il revêt un intérêt supérieur. Assez cocassement, ce sont souvent des activités que l’on qualifie de « non productives » que le camarade comptable Macron doit regarder du même œil torve que ces illetré(e)s alcooliques fumeurs de prolos. Mais prends à peu près n’importe quel verbe dans le dictionnaire, tu trouveras ça mieux que travailler. Ainsi,p our la plupart desdits prolos, le travail reste une obligation pour se loger, se remplir la panse, et avoir accès aux activités annexes au travail que l’on nomme indifféremment « culture », « divertissement », « relations sociales ». Le carriérisme et le dressage n’intervienne en général qu’après, et c’est ainsi que des salariés se mettent à soutenir une grande guiche qui n’a pour seul argument que sa bouille de gendre idéal (enfin, un gendre idéal qui embaucherait un cabinet de notaires avant de signer un contrat de mariage quand même).
Et donc, camarade favori des sondages Macron, quoi qu’en eussent pensé tonton Adolf, le tout petit père des peuples Sarkozy ou le loser Manuel Valls, le travaille ne libère toujours pas. Et si tu aimes ça tant que ça, retourne bosser dans une banque au lieu de faire le mariolle sur BFM pour devenir le premier assisté de France.