Bretonnes, Bretons, mes chers compatriotes,
Une nouvelle année et une nouvelle décennie viennent de s’ouvrir. Certains de nos concitoyens, déjà rudement marqués par de récentes épreuves, ne manqueront probablement pas d’envisager cette bascule avec appréhension, pour ne pas dire avec pessimisme. Pourtant, il y a des raisons d’espérer. J’en vois au moins une. Une, mais qui compte double voire triple. En effet, la décennie qui vient de s’achever, a été encadrée par deux événements fort similaires dans leur portée symbolique bien que distincts dans leurs causes.
Souvenez-vous : en 2011, Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fond Monétaire International, que la France considérait déjà comme son futur président, était arrêté par la police américaine et devait répondre de l’accusation de violences sexuelles sur une femme de chambre. Sept ans plus tard, c’est Carlos Ghosn, le grand patron de Renault, qui a dû répondre de l’accusation de fraude fiscale devant la justice japonaise. Ces promoteurs de la mondialisation ont donc été pris dans la toile d’araignée qu’ils ont eux-mêmes contribué à tisser et ont ainsi connu la double humiliation, qu’ils croyaient sans doute réservée aux petits délinquants, de l’incarcération et de la comparution devant un tribunal. Que nous disent ces deux faits qui ont inauguré et clôturé la décennie ? Tout simplement que ces hommes riches et puissants, ces « seigneurs dans leurs grandes tours de verre » pour reprendre l’expression bienvenue de notre compatriote Gérard Jaffrès, ne sont pas invincibles : il n’y a pas de fatalité à ce que les grands patrons vivent perpétuellement au-dessus des lois et de note mépris. Ces incarcérations de grands « faiseurs de fric » prouvent que le capitalisme n’écrase pas tout, à commencer par les lois, et doivent donc nous exhorter à garder espoir malgré les déceptions passées, les difficultés présentes et les incertitudes de l’avenir.
Aussi, mes chers compatriotes, ne désespérez pas. Ne vous réfugiez pas dans l’illusion d’une nostalgie qui vous ferait presque regretter le temps des soins dentaires sans anesthésie et de l’impunité pour les maris violents. On ne peut s’obstiner à regarder l’avenir avec la nuque. Quand vous êtes tentés par les solutions de facilité, qu’il s’agisse des thèses simplistes des populismes de tout poil ou d’un nihilisme aviné qui n’apporte qu’aigreur et résignation stérile, donnez-vous simplement la peine de penser. Pensez à la jeunesse : loin d’être réductible à une génération apathique qui ne s’intéresserait au monde qu’en faisant des jeux en ligne, elle nous offre l’exemple de sa lucidité, de sa créativité, de sa détermination. Pensez à la République : ces dernières années, elle a dû faire face aux menaces du terrorisme et du néo-fascisme et elle a toujours été, contre vents et marées, la plus forte. Aussi longtemps que nous saurons nous mobiliser pour défendre des valeurs essentielles, nous n’aurons aucune raison de désespérer. Non, l’homme n’est pas naturellement mauvais : pensez à Albert Camus qui, malgré l’expérience de la seconde guerre mondiale, écrivait « Il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser. »
Bretonnes, Bretons, mes chers compatriotes, mes amis, bonne et heureuse année 2020 !