Le journal du professeur Blequin (56) Bangkok-sur-Penfeld (suite)

A gauche : Malo, le petit Breton. A droite : un organisateur.

Samedi 15 février

12h45 : Je me déteste. J’ai fait ce que je méprise le plus au monde : suivre le mouvement. Je n’étais ni invité, ni même forcé de suivre le cortège jusqu’à la mairie, encore moins de me fader les discours jusqu’au bout. Ceux-ci ont duré une heure et demie ! Les officiels français se sont disputés la palme du plus soporifique, je préférais presque les discours en langue thaïe : bien sûr, je n’y comprenais rien, mais c’était quand même joli à écouter. Quand on a fait parler deux jeunes gens, un Breton et une Thaïlandaise, tous deux en costume traditionnel, j’ai pensé qu’on poussait le bouchon un peu loin : j’ai toujours pitié des adolescents qu’on donne en spectacle devant une foule immense, surtout si on les déguise… J’ai à côté de moi la grand’mère du jeune français qui m’assure que son petit-fils n’est pas timide : elle a le droit d’être fière de lui, mais je ne suis pas certain que j’aurais la même réaction si un enfant de ma famille jouait la comédie de la sorte, je ne suis pas favorable à ce qu’on mêle des mineurs à des cérémonies de ce genre… Après les discours vient la cérémonie de remise des cadeaux : croyant pouvoir en profiter pour offrir mon tableau à l’ambassadeur, je tente de m’approcher, mais je me fais rembarrer par un monsieur qui me fait savoir que si je veux faire ce présent, je devrai attendre la fin de la cérémonie officielle. Ne tenant pas à être fusillé en place publique, je ronge mon frein.

A gauche : une représentante de l’association thaïlandaise des professeurs de français. A droite : Son Excellence l’ambassadeur.

13h : Je n’envisageais pas de m’attarder, mais les discours m’ont tellement assommé que je reste profiter du buffet, histoire de ne pas m’être déplacé pour rien. N’étant décidément pas attiré par la cuisine asiatique (personne n’est parfait), je me gave de crêpes à l’andouille et m’abreuve de pétillant. L’ambassadeur se sert en toute simplicité, je suis assez impressionné par ce petit homme souriant, qui ne correspond pas à l’image grave et hiératique que je me faisais des diplomates, et encore plus par la beauté de sa compagne ; de façon générale, les Thaïlandaises sont très jolies, même celles qui ont atteint un certain âge gardent une classe folle. J’hésite à m’adresser à Son Excellence, je ne veux pas provoquer un incident diplomatique ; il semble pourtant facile de contact, il se laisse photographier, il n’y a même pas un garde du corps à ses côtés. Quand je me décide enfin à me lancer, tout se passe bien grâce à une dame thaïe qui me sert d’interprète (le buste de Kosa Pan a été offert à Brest par une association de professeurs thaïlandais de français) et je laisse le tableau et ma carte de visite à l’ambassadeur ; je montre même à madame le croquis que j’ai fait d’elle, non sans lui dire que je la trouve très belle… Je comprends mieux pourquoi on dit que la Thaïlande est le pays du sourire : leurs officiels sont quand même plus simples que ceux de chez nous !

A gauche : le maire de Brest. A droite : une belle Thaïlandaise dans la foule.

13h30 : Les chorégraphies thaïes sont d’une telle délicatesse, d’une telle subtilité, qu’on pourrait se passer d’habiller les danseuses en costume traditionnel clinquant et de leur faire répandre des paillettes, mais bon, il faut bien ça pour faire passer un peu de beauté dans nos d’Occidentaux lourdauds. C’est ce que je me suis dit en assistant à cette démonstration de danse avant de repartir : il y avait des spectacles aux Capucins, mais j’ai les joues qui piquent comme si les officiels français m’avaient vraiment donné des baffes et j’ai hâte de retrouver mon doux foyer. Je n’ai pas tout perdu, j’ai dans mes fontes quatre cartes qui me permettront de consommer gratis à la Fabrik 1801, ce qui me permettra de mieux « tester » cet établissement où je ne me suis encore jamais attardé : j’ai reçu ce présent d’un monsieur que j’ai identifié comme un des maître d’œuvre de ces festivités, c’était sa façon de me remercier pour mon cadeau à l’ambassadeur – il n’y avait pourtant pas de quoi. Bangkok-sur-Penfeld, c’est fini pour moi… Pour l’instant.

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