Dimanche 17 mai, 14h : J’ai 32 ans aujourd’hui… J’ai déjà fêté ça hier, je m’offre à présent ce que je me suis toujours refusé pendant le confinement : un petit tour au bois situé en face de chez moi. J’aurais pourtant pu le permettre : traverser cette parcelle boisée puis rentrer chez moi ne prend pas plus d’une heure. Mais décidément, ça me coûtait trop de devoir justifier un déplacement d’agrément devant la loi.
Le Bois de la brasserie, comme on l’appelle ici, est relativement fréquenté aujourd’hui : ce n’est pas la foule, mais ça fait quand même un certain nombre de familles de Lambézellec qui n’ont pu résister au plaisir de savourer leur liberté retrouvée dans ce coin de paradis situé au cœur de leur quartier – je sais, c’est ringard comme formulation, mais je ne peux pas m’en empêcher. Je ne sais pas si c’est bien ou mal que tant de gens aillent dans les bois, mais c’est normal : après toutes ces semaines de confinement, et avec ce soleil qui brille généreusement, comment voulez-vous empêcher les citadins de reprendre contact avec notre mère nature (et allez, ça ma reprend) ? Bien sûr, quand on croise quelqu’un dans un chemin étroit, surtout en hauteur et à l’aplomb d’un cours d’eau, il est difficile de respecter la distanciation de rigueur… De surcroît, aucun promeneur ne porte de masque : cela dit, ce serait con, dans un endroit où l’on vient justement respirer… Après tout, ce n’est pas dans un bois qu’on risque le plus d’attraper une maladie, et puis le taux de contamination a été si bas en Bretagne qu’on peut se permettre, tout en restant prudent, de ne pas vivre dans l’angoisse permanente…
Je n’étais encore jamais allé jusqu’au fond du bois : je découvre ainsi qu’il débouche sur l’entrée du boulevard de l’Europe, je pourrais presque rentrer chez moi par là si je n’avais pas si soif de verdure… Rebroussant chemin, je m’aperçois que les sites de jeux sont encore fermés mais ce n’est pas une grosse perte, les enfants ont assez d’imagination pour s’en passer : je croise une demoiselle qui fait des ricochets (ou du moins essaie), des garçonnets qui jouent aux petites voitures… En dépit de toutes les inquiétudes que peuvent inspirer les nouvelles technologies, l’enfance a peu changé, finalement. Tiens, un détail en passant : aucun badaud n’a de smartphone ! Les mauvaises langues diront que c’est parce qu’on capte mal sous les arbres, mais pour moi, c’est le signe : les gens en ont marre des écrans dont ils ont dû faire une usage intensif, ils aspirent à retrouver de « vrais » contacts, le confinement leur aura procuré une cure de désintoxication par le dégoût… En tout cas, si certains humains sont malades, la nature, elle, pète de santé : les insectes butinent, les oiseaux chantent, les fleurs et les arbres sont en pleine forme…
Une fois rentré chez moi, je me sens réconforté par cette sortie qui me rappelle que la vie continue. Je retrouve même le courage de m’atteler à mon bureau de dessin. Mais je ne me fais pas d’illusion : je sais que demain, matin, je me lèverai à nouveau dans l’angoisse…