Crève Peugeot crève.

 

Etre socialiste au XXIème siècle, c’est un peu comme pisser dehors avec le vent de face: on a envie de changer les choses, en créant force commissions pour réfléchir en se prenant la tête à deux mains, on négocie plutôt que de légiférer à la schlague, on fait pénitence comme un chrétien en pèlerinage à Lourdes pour redonner sa dignité à la fonction, on chante encore un peu l’Internationale en lappant un gobelet de mousseux (parce que le champagne c’est  bourgeois) et en se convainquant que les jours meilleurs finiront bien par arriver. Incurable stupidité de l’optimisme.

Puis on finit par frotter son costume tout neuf à la réalité, on se fait des trous partout car la dame est rugueuse, et on finit par en avoir plein les mains car le vent, rappelez-vous. C’est exactement ce qui arrive à Hollande et Ayrault en ce moment. La Cour des Comptes éreinte les uns après les autres tous les projets présidentiels (hausse de la CSG, relèvement des minima sociaux, doublement du plafond du livret A, etc…) et personne à l’INSEE, au FMI et ailleurs ne croit aux prévisions de croissance sur lesquelles ont été fondées les rectifications apportées à la loi de Finances. Vous en voulez encore? Les plans sociaux tombent comme la pluie sur notre Président, que les Anglais appellent Rain Man tant les nuages noirs suivent Hollande comme les pharmaciens suivent le Tour de France.

Bref, on est plein de bonne volonté, mais la démocratie ayant le mauvais goût de provoquer des élections pour chaque échelon territorial, on y réfléchit à deux fois avant de faire son gauchiste. On a même pris Manuel Valls pour prouver que la gauche ne passera pas. Le plan social qui fait la une en ce moment, et qui n’est le premier d’une longue série tant Sarkozy a réussi à en retarder jusqu’après le 6 mai, c’est Peugeot, qui veut fermer son site d’Aulnay. Pour être tout à fait honnête, je serais parfaitement heureux si tous les constructeurs automobiles mettaient la clé sous la porte, mais c’est encore le gagne-pain de nombre de travailleurs, et l’on se retrouve aussi à pisser contre le vent en défendant les emplois d’une industrie mortifère. Déjà qu’on avait dû prendre fait et cause pour Madonna contre Marine Le Pen, vraiment on vit une période de merde. Heureusement qu’on a rigolé quand SOS Racisme a dit que Madonna était résolument féministe.

On en est là: Hollande signe des pactes de stabilité cependant que Montebourg tance la stratégie industrielle de PSA. Pendant ce temps, en Espagne, des milliers de citoyens défilent contre l’austérité. On peut se dire, mais chez nous c’est pas pareil, c’est pas l’austérité, c’est le redressement productif et la croissance va arriver sur son blanc destrier, et pourfendre les agences de notations de son glaive de justice. Détrompez-vous: chez nous aussi, la rigueur continue, sans quoi la France n’emprunterait pas à des taux négatifs sur les marchés financiers. De l’autre côté des Pyrénées, on a économisé sur les traitements des fonctionnaires, sur l’aide sociale, sur les allocations chômage, sur les budgets destinés aux infrastructures, sur l’éducation et la santé, beaucoup moins sur la défense et la flicaille. Et on a accordé de généreuses aides publiques pour que PSA maintienne son site de Madrid. Un joyeux scénario à la grecque, qui a toutes les chances d’aboutir aux mêmes effets etd’arriver chez nous avec moins de pudeur que le nuage de Tchernobyl. En Islande, on doit sûrement portraiter Angela Merkel en pissant dans la neige.

Alors on fait quoi? On continue à soutenir des industries qui accélèrent la dégradation de ce qui reste de la planète? On continue à emprunter aux marchés de l’argent qu’ils nous soutireront aussitôt qu’on n’ira plus dans leur sens? On continue à bosser comme des ânes pour produire des camelotes aussi invendables qu’inutiles? On continue à parler de la robe de Cécile Duflot au lieu de lui rappeler qu’elle est censée être écologiste et pas productiviste? On consomme pour sauver le système où on se met sérieusement à glander pour sauver le monde?

Certes, même si cette nuit François Hollande a une vision soudaine d’un monde en flammes sous l’effet de l’asphalte et de la tôle en fusion pétrolifère ou nucléaire, ou des futures guerres climatiques, et même s’il décide de se faire la coupe de cheveux d’Audrey Pulvar, on ne sera pas sorti d’affaire instantanément. Mais il serait plus que temps d’articuler les choix politiques autour d’autres thématiques que la productivité (d’un impôt, d’une entreprise, d’un Etat), l’emploi, le budget, la défense, l’immigration, et le nombre de breloques que nos sportifs ramèneront de Londres.

Et pour tout dire, je m’en percute la coquille des variations des taux d’intérêt sur les emprunts et du nombre de points de la CSG. Le peuple syrien se fait dégommer, des punkettes croupissent en prison à Moscou pour avoir critiqué Poutine, la Palestine est toujours indûment occupée alors même que les actes antisémites se multiplient de par le monde, il y aura bientôt plus de glace dans mon whisky que sur la calotte glaciaire, on persiste à torturer les animaux sous tous les prétextes, et en plus l’été est vraiment pourri.

Mais ne venez plus me dire qu’on peut être de gauche et pour la croissance.

 

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