La Raie-Publique I – Terrible Res Publica (1792-94)

Cher(e)s con-citoyen(ne)s, cher(e)s penseur(-se)s libres, cher(e)s sans-culotte, cher(e)s patriotes, mes gras(ses)-au-lit déchets-né(e)s , mes chers Torino et autres missloulou , mercenoirs de tous bords, hussards rouges et buttes noirs, chers humain(e)s qui rêvent encore, chers enfants non-rois, non-hyper doltoïsé(e)s, chers émerveillé(e)s, naïfs (ben oui comment qu’elle fait la voix pour passer dans les fils quand on téléphone?) chers descendant(e)s de la seule France dont on peut être fier : la France Révolutionnaire, je vous salue Citoyen(ne)s ! Cher Georges J.D…le seul qui m’aura rendu la politique « rêvable »… Cher Georges B. qui, lui m’aura rendu la poétique (même moyenâgeuse) dévorable.

La Terreur, cette phase de défiance qui pousse les députés et dirigeants de l’époque dans une sorte de surenchère de la dénonciation avec pour conclusion de chaque simili-procès  » la Veuve » (installée principalement Place de la Révolution aujourd’hui Concorde), est décriée, dénoncée, fait paratonnerre et on ne se souvient des années 1793et 94 qu’au travers du rouge sang qui a coulé.

Et pourtant….

21 septembre 1792, première séance de la nouvelle assemblée suite à la journée du 10 aout (roi déchu, assemblée constituante désavouée), 1er décret : « Les rois sont dans l’ordre moral ce que les monstres sont dans l’ordre physique. Les cours sont l’atelier du crime, le foyer de la corruption et la tanière des tyrans. L’histoire des rois est la martyrologie des nations »…ah, on sait trancher à l’époque!

Une nouvelle constitution est proclamée (elle ne sera jamais appliquée en raison de l’état de guerre latent) … si vous avez l’occasion de la lire… un joyau … mesures phares : l’insurrection est un droit et un devoir (« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».) , la souveraineté populaire remplace la souveraineté nationale (des référendums pour toutes les lois importantes, idée repompée depuis…), instruction pour tous , droit d’asile : « Il donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans. »…etc.

Le procès du roi, puis les batailles entre Montagnards (Robespierre, Danton pour faire simple) et la Gironde (droite de l’époque, opposée à la loi du maximum des prix, pour une certaine tolérance avec les royalistes, n’ayant pas voter la mort de Louis Capet) occupe la Convention jusqu’à l’été 1793.
Un autre sujet s’impose : la guerre…

Depuis aout 1792 « la patrie [est] en danger » , le climat à Paris est tendu, les citoyens (volontaires pour aller au front) craignent que l’ennemi intérieur n’égorge enfants et compagnes, le peuple , dans un mouvement que les dirigeants n’essaient même pas de freiner (Danton, ministre, a-t-il soutenu en secret?) se rendent aux prisons – où croupissent certes des curés non-constitutionnels (qui ne reconnaissent donc pas la constitution) et quelques nobles et partisans d’un retour à l’Ancien Régime mais aussi des anonymes pas plus dangereux que ça- pour « massacrer »… ce sont les fameux « massacres de septembre »…

Les dirigeants critiquent ces massacres mollement d’abord, puis de façon plus virulente (les Girondins attaquent Danton violemment), la conséquence de tout cela? La création du Tribunal Révolutionnaire, un tribunal d’exception qui doit faire le travail des citoyens afin que ceux-ci n’aient pas de sang sur les mains, celui qui en amène l’idée n’est autre que Danton (il le regrettera un jour!) , nous sommes au printemps 1793, l’armée est en déroute, la suite est consignée dans le registre des scribes de l’assemblée :

{Soudain Danton s’élance à la tribune en rugissant : « Je somme tous les bons citoyens de ne pas quitter leur poste ! ». Les députés, éberlués, regagnent leur place.
}
{Danton : « Quoi, citoyens, au moment où, Miranda battu, Dumouriez enveloppé va être obligé de mettre bas les armes, vous pourriez vous séparer sans prendre les grandes mesures qu’exige le salut de la chose publique ? Je sais à quel point il est important de prendre des mesures qui punissent les contre-révolutionnaires… »

Une voix dans la salle : « Septembre ! »

« Le salut du peuple exige de grands moyens et des mesures terribles. Puisqu’on a osé dans cette assemblée rappeler les journées sanglantes sur lesquelles tout bon citoyen a gémi je dirai, moi, que si un tribunal révolutionnaire eût existé le peuple auquel on a si souvent, si cruellement reproché ces journées ne les aurait pas ensanglantées. Faisons ce que n’a pas fait l’Assemblée législative, {{soyons terribles pour éviter au peuple de l’être}} et organisons un tribunal non pas bien, c’est impossible, mais le moins mal qui se pourra, afin que le peuple sache que le glaive de la liberté pèse sur la tête de tous ses ennemis. Je demande que, séance tenante, le tribunal révolutionnaire soit organisé, et que le pouvoir exécutif reçoive les moyens d’action et d’énergie qui lui sont nécessaires. »

Une voix dans la salle : « Tu agis comme un roi ! »
Danton : « Et toi comme un lâche ! » »}

La Terreur commence réellement à l’automne 1793 pour se finir à l’été 1794. Tout le monde y passera, et hormis « l’Autrichienne » (oui à mon avis Marie-Antoinette était bien plus coupable de trahison que Louis Capet), beaucoup de morts injustifiées qui aujourd’hui font oublier le reste de cette période.
Car le souffle d’une mort possible sur chaque député les transcende! La beauté des idées et des discours est a son apogée, à l’hiver 1793 la guillotine n’a jamais autant fonctionné (et ce n’est rien en comparaison de ce qui va suivre , entre 8 000 et 17 000 exécutions selon les sources), les dantonistes-principaux opposants à la radicalité des robespierristes depuis l’éviction des girondins- Desmoulins le premier, dans son nouveau journal, réclament une mise en veille de cette politique du sang. Danton veut un « tribunal de la clémence », les discours pour la clémence sont magnifiques, les articles de Desmoulins méritent une place au Panthéon… la conséquence sera évidemment un procès où les accusés (après une performance poético-vocale de Danton sans commune mesure ) sont interdits de parole et envoyés à l’échafaud (les meilleurs moments du procès assez bien relatés :http://fr.wikipedia.org/wiki/Proc%C3%A8s_de_Georges_Danton_et_des_dantonistes )… Danton ,qui n’en manque pas une même après avoir vu 15 de ses amis y passer avant lui, lancera au bourreau le célèbre « Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine » (tête plein de cicatrices et de restes de petite vérole) (avril 1794).

Robespierre, Saint-Just et Cie, tiendront jusqu’en juillet 1794 et paieront alors le prix d’une Terreur qu’ils avaient goulument nourris.

Certes Danton était surement corrompu (bien qu’il ait reçu de l’argent d’absolument tous les bords, il n’a jamais rien fait en contrepartie « un homme comme moi est impayable » se justifiait-il), Robespierre coincé du cul et trop théoricien , n’empêche , ces deux hommes auront drainés une foule de tribuns, journalistes et penseurs hors-pair,  bien oubliés à présent. (on pourrait parler aussi des Hébertistes et de leur génialissimement ordurière feuille de chou : Le Père Duchesne).

La page terrible se tourne avec les thermidoriens (1795-99) qui créent alors la démocratie républicaine comme on la connait au XXIème siècle : conservatrice, bourgeoise pour de bon, molle, accointée à ses ennemis économiques et qui ne guillotinera finalement pas grand monde hormis Baboeuf premier marxiste avant l’heure.

Il est temps de mettre fin à cette longue chronique nostalgique du verbe et des idées qui sont, à mon sens, les fondations de la République française, fondations oubliées, reniées mais qui font pourtant office de bases, la base était solide les ramifications se sont perdues sur les aiguillages des heures du profit et de l’industrie…

On a le monde qu’on mérite me direz-vous, je vais refermer mon recueil de discours de Danton, ma biographie de Robespierre pour allumer mon écran plat, me réchauffer un plat surgelé et sans vitamines, contempler et partager la modernité quoi….

 

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