Vingt mois ; il se sera écoulé vingt mois entre mon premier coup de fil à l’hôpital Brabois de Nancy pour prendre rendez-vous et le grand jour. Vingt long mois de tables rondes, examens médicaux en tout genre, analyses, allers et retours entre Metz et Nancy, hospitalisations… Mais la décision était lourde à prendre et valait bien ce long parcours du combattant.
En effet, j’avais décidé de reprendre mon corps en main après des années de courbe de poids ascendante. Et vus les dégâts, la solution ne pouvait qu’être radicale : il fallait en passer par la chirurgie pour tenter de sortir de cette maladie chronique qu’est l’obésité. Car les médecins vous le diront : l’obésité est une maladie qui s’aggravera toute la vie si on ne fait rien. Alors je veux bien croire à peine plus qu’à dieu qu’on peut être gros et bien dans sa peau, je doute qu’on le reste toujours… Car un jour ou l’autre, le surpoids se rappellera à vos artères, à votre dos, à vos articulations, à votre diabète, à votre tension…Mourir de ça ou d’autre chose me diront certains. Chacun ses choix !
Nancy est un pôle d’excellence en matière de traitement de l’obésité. Pas question de toute façon de faire ça à Metz, et surtout pas dans une clinique privée où la priorité est la rentabilité plutôt que notre confort et notre santé. J’ai encore en mémoire mon opération de la vésicule et mon réveil, dans un lit bien trop petit pour ma corpulence et ma taille (car je suis gros, mais aussi très grand !) les bras en l’air sur les barrières , coincé, nerveux car ne pouvant pas bouger, et me faisant en plus engueuler par une infirmière qui avait oublié de passer son concours de gardien de prison parce que je m’agitais. Et cette blouse minuscule, et les mots du chirurgien se moquant de mon poids…bref…rien que de très normal dois-je dire, moi qui ai abandonné le milieu paramédical tant j’avais été marqué par son manque d’humanité.
Et c’est vrai qu’on se sent bien pris en charge à Brabois. Tout est rêglé comme du papier à musique et si des impatients trouvent les délais un peu longs , je trouve moi que ce n’est pas si mal pour bien mûrir ce projet . Cette longue période est mise à profit pour effectuer un bilan de santé complet, où souvent on découvre les ravages qu’a déjà fait l’obésité sur notre corps ; pour ma part, j’en suis sorti avec un diagnostic de diabète et d’apnée du sommeil, qui venait s’ajouter à l’hypertension et à l’arthrose. De quoi décupler mon désir d’en finir avec ce poids indécent.
L’étape décisive et finale est l’expertise par un psychiatre. En juillet donc a eu lieu la mienne qui a abouti à un avis positif. J’entrais alors dans la dernière phase. Rendez-vous avec le chirurgien en septembre , date de l’opération fixée au 13 décembre et tout s’enchaîne.
Les jours qui ont précédé l’opération ont été étranges : un peu comme si ma vie était en suspens, il n’y avait plus d’autres sujets de discussions avec mes amis ou ma famille que l’opération et ses suites. Je me faisais plaisir en me disant souvent « c’est peut-être la dernière fois que tu manges cela » ; plus les jours passaient, plus le stress m’envahissait, les doutes aussi, la peur.
Le 12 décembre , j’entrais à l’hôpital ; un dernier repas normal et un coup de vague à l’âme quand je me suis retrouvé seul dans ma chambre. Je ne vous cacherai pas que j’ai eu envie à ce moment là de m’enfuir. De tout abandonner. La crainte de l’opération, la crainte aussi de n’être plus le même .
La nuit a été courte. Je me posais mille questions que je pensais avoir réglées. Et je n’étais pas mécontent quand au petit matin, une fois rasé de la tête aux genoux et lavé à la Bétadine, on m’apportait un tranquillisant qui me fit rapidement somnoler. Si bien que la matinée passa vite ; on vint me chercher vers 10h30 et 20 min plus tard je m’endormais dans la salle d’opération, plutôt apaisé tant par les médicaments que par la sensation de sécurité que me procurait l’équipe présente.
Je me réveillais 5 heures plus tard déjà dans ma chambre en service de soins continus. Une sonde naso-gastrique me torturait la gorge,un drain sortait de mon ventre, j’avais un masque à oxygène et j’étais entouré de machines qui bippaient de partout et de seringues qui m’injectaient des produits dans les deux bras. Je me sentais mal en point , pas endolori à proprement dit mais juste mal . La gorge sèche . Je ne pourrai pas boire avant 28h…une éternité pour moi qui boit beaucoup. Comme je m’y attendais, j’allais vite ne plus supporter la sonde naso-gastrique ; j’eus des hauts le cœur , le médecin me dit d’essayer de me calmer et que si vraiment je ne la supportais pas, il me l’enlèverait. Je ne sais par quel miracle je tins finalement bon. Sans doute l’état second dans lequel j’étais m’aida.
Le lendemain matin, premier lever. Dur. Toilette assis sur une chaise. Je devais tenir assis une heure, je n’y parvins pas et vingt minutes plus tard j’étais déjà de retour dans mon lit où je ne restais pas longtemps puisqu’il me fallait subir un premier examen appelé TOGD , sorte de radio pour vérifier qu’il n’y avait pas de fuites au niveau des sutures internes. Un examen pour lequel il me fallait avaler un grand verre d’un produit fortement anisé et sucré absolument infâme même si je crevais de soif.
Le soir on m’enlevait la sonde mais je restais branché à tout un tas d’appareils car glycémie, tension, potassium, saturation en oxygène, tout allait de travers.
Et je n’étais pas au bout de mes mauvaises surprises. 48h après l’opération, je quittais le service de soins continus pour le service de chirurgie et première alerte : ma température était de 37,8. Peut-être une réaction du corps post-opératoire , rien de méchant me disais-je pour me rassurer, moi qui avait justement pour hantise l’infection,; ma rand mère ayant contracté à Nancy une infection nosocomiale qui lui a été fatale.
Mais le lendemain , la température montait : 38 ,38,2,39 et enfin 39,5°. J’étais complètement éteint, la fatigue ajoutée à la fièvre m’avaient mis KO. Pendant que je stressais comme un fou, que ma température montait, pas la moindre réaction des infirmières qui buvaient un verre dans leur salle de repos. Et pourtant je précise que j’ai apprécié globalement leur service à deux exceptions près : celle-ci (et elle est, il est vrai, d’importance) et une autre lorsqu’une infirmière me fit mon injection de Lovenox en biais plutôt que de pointer la seringue bien droit dans un pli de chair. Lors de son tour du soir , le chirurgien se présenta dans ma chambre et l’infirmière lui dit que j’avais 39,5 de fièvre ; sa réaction a été immédiate « Mais vous n’avez pas appelé l’interne ? il faut le descendre immédiatement au scanner pour écarter toute cause infectieuse au niveau du champs opératoire ! ». Une demi-heure plus tard j’étais de retour dans ma chambre, rassuré : j’avais certes une infection, mais au niveau pulmonaire . Des antibiotiques, du paracétamol et 4 heures plus tard , je n’avais plus de température.
Le chirurgien qui m’a opéré, le Dr Reybel, m’a toujours paru d’un grand sérieux. Son intervention ce soir là a été un tel soulagement…Dès que je l’ai vu entrer dans ma chambre, je savais qu’il allait prendre les choses en main et que j’allais pouvoir savoir ce qu’il se passait plutôt que d’attendre fiévreux sur mon lit en imaginant le pire.
Le lendemain matin , la fièvre s’était définitivement envolée mais j’étais épuisé. Je restais toute la journée allongé , me contentant de faire le tour du service une fois pour me donner bonne conscience…Deux jours plus tard, c’était la sortie. J’étais toujours dans une sorte d’état second , je quittais l’hôpital en ambulance avec une dégaine que , dans un état normal , je n’aurai pas infligé à la vue de mes chats .
Le trajet m’a fatigué, je ressens fortement le froid (pourtant très relatif puisqu’il fait une dizaine de degré dehors) . Sitôt à la maison, sitôt dans mon lit, gelé avec l’impression que le froid saisit mes jambes. Mon vieux chat est heureux de me revoir et me colle pour me réchauffer. En fait , non, je mens : la première chose aura été de monter sur la balance et le résultat est déjà stupéfiant : -9,5kg en une semaine !
Les jours passent , les fêtes de Noël n’auront pas été les meilleures de ma vie loin s’en faut ; je suis livide, j’ai une « sale gueule », je goûte quand même un peu de foie gras et j’ai d’irrépressibles envie de nourritures qui ont un goût marqué , comme des oeufs de lomp, du saumon fumé . Car très vite j’ai pu reprendre une alimentation quasi-normale en terme de consistance.
Les journées sont rythmées par les visites de l’infirmière pour les injections d’anticoagulant et les changements de pansements ; les plaies cicatrisent bien à l’exception de celle du redon plus large et moins belle et qui aujourd’hui encore me fait un peu mal par moment. Je tente de reprendre un minimum de vie sociale et m’offre un resto avec des amis : une expérience difficile puisqu’il m’a fallu écourter la soirée pour cause de gros malaise. Quelques jours plus tard je retente l’expérience qui sera encore plus difficile car il me faut partir en catastrophe tant je suis mal.
Pendant ce temps la balance m’offre chaque jour une bonne nouvelle : le poids baisse inexorablement ; mi-janvier, un mois après l’opération elle affiche -15kg. Je m’efforce de sortir chaque jour pour marcher un peu et profiter de la neige que j’aime tant . Petit à petit mes balades se font plus longues , mais je ne tiens pas une journée entière sans une bonne sieste et je passe l’essentiel de mes après-midi au lit.
Les gens que je croise me disent des choses contradictoires , mais pas forcément fausses en fonction du moment où je les vois ; pour les uns j’ai bonne mine et j’ai l’air en forme, pour les autres j’ai une tête de déterré . Pour d’autres enfin j’apparais plus agressif que d’habitude .
Les mois suivants un nouveau problème va beaucoup affecter ma qualité de vie : les crises de dumping-syndrome précoces ; par période elles sont quasi-systématique à chaque repas et même la simple prise d’eau me provoque des douleurs. On tente un traitement médicamenteux qui semble faire ses preuves et je peux reprendre le travail après 5 mois d’arrêt. Hélas , trois semaines plus tard , les crises reprennent de plus belles et les médecins commencent à craindre un ulcère de l’anastomose , c’est à dire de la cicatrice entre l’estomac et l’intestin. Les crises me laissent sans force , je retrouve mon lit pour des jours entiers avant que petit à petit elles ne s’espacent à nouveau ; je passe deux jours à Brabois pour un bilan qui révèle que tout est normal , pas d’ulcère, au contraire : là où avant l’opération il y avait une gastrite avec une métaplasie intestinale il n’y a plus rien !
La balance affiche elle -43kg ; nous sommes mi-juin, 6 mois après l’opération. J’ai perdu 5 tailles de pantalon, je ne suis plus essoufflé quand je marche, je supporte très bien la chaleur de cet été . Bien sûr il y a encore des jours sans , des crises qui surviennent sans crier gare, des aliments que je ne supportent plus comme les pâtes, le pain avec trop de mie, mais globalement , je mange presque tout et je trouve toujours du plaisir dans la nourriture. J’ai des rendez-vous réguliers à Nancy où le suivi est sérieux et bigrement bien organisé.
Grâce à cette opération, envolé le diabète , améliorée l’apnée du sommeil (nombre d’apnées divisé par deux) et puis quel plaisir de se retrouver petit à petit après s’être planqué durant 15 ans sous cette graisse…il y a encore du chemin à faire, mais le plus gros est derrière moi…si j’ose dire !
bravo pour vos commentaires qui m’ont intéressée. Le 29 avril je serai opérée a Strasbourg pour comme vous retrouver ma taille normale et faire diminuer ma tension et l’arthrose que j’ai. J’ai des angoisses et me pose des questions sur l’après.