Faut-il manger les animaux ?

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Faut-il manger les animaux ?

Oh les pauvres animaux ! Il est bien triste d’observer le sort que certaines immondices que l’on nomme bien maladroitement êtres humains réservent aux animaux. Oui ! Oui ! Et encore oui ! J’ai vu les documentaires et tout. J’ai lu les bouquins aussi. Les conditions de vie, si on peut appeler ça une vie, de ces pauvres bêtes m’attriste au point de m’en tirer les larmes de colère et de tristesse. Comment peut-on laisser faire ça ? Quand je regarde des documentaires là-dessus, j’ai envie d’aller sur place, de choper le mec, et de lui foutre les couilles dans un étau en serrant jusqu’à ce que ces globes oculaires lui ressortent de sa sale tête d’enfoiré. J’ai envie d’aller saccager un Mcdo comme José Bové. J’ai envie d’envoyer des colis piégés à une quantité d’industriels comme Theodore Kaczynski. Je veux tout faire exploser. Mais je me tempère. Pas trop envie non plus de finir à l’ombre. Je reste donc le cul entre deux chaises. Je ne m’en fous pas mais je ne fais rien pour l’arrêter. Il n’en résulte qu’une envie réprimée qui faiblissante, n’aboutit qu’à l’inaction. Quand je l’ai devant les yeux toute cette ignominie me dégoute mais passé un laps de temps, je parviens à compartimenter puis tout cela disparaît englouti dans les méandres de mon esprit en surchauffe. Alors, faut-il tuer les animaux pour les manger ? Non ! Mangeons-les vivants !

J’essaye tout de même de réduire de manière conséquente ma consommation de nos chers amis les bêtes. Proportionnellement à mon chagrin pour eux. Je ne crache donc pas sur une bonne côte de bœuf au barbecue, grillé dessus et bien saignante à l’intérieur, lorsque se présente l’occasion. Assaisonné d’une bonne petite bouteille de rosé en été et je suis le plus heureux des hommes.

Comment arrêter ce massacre ? Est-ce qu’il suffit de se dire, je n’en mange pas pour arrêter d’appartenir à l’espèce la plus féroce de la planète ? Et quand je dis féroce…Le loup n’est pas féroce lorsqu’il va s’occuper de la brebis de l’éleveur vosgien, il est simplement loup. En considérant l’essor de la société industrielle, n’est-on pas tout simplement homme en accord avec notre temps ? Est-ce que ça arrêtera l’élevage intensif qui remplit nos supermarchés ? Le mieux, je vous le dis, est d’habiter à la campagne où les produits sont frais. On sait ce qu’on mange au moins. N’est-ce qu’une question de principes, un choix individuel comme d’aimer la bière ou d’aller aux putes? Il paraît aussi que ce n’est pas bon pour la santé…Le cadet de mes soucis. Et si les hommes utilisaient toute l’ardeur qu’ils mettent pour se trouver l’unique personne qui les verra décrépir et disparaître dans le but de lui faire un mouflet, pour essayer à la place de se sculpter eux-mêmes en tant qu’individus ? On en revient donc à une question philosophique.

Je suis un assassin. Et je ne soutiens pas que le trafic d’animaux. Je suis également pour le trafic de plantes. Ah j’en ai fauché des champs d’orge et des branches de houblons ! Arraché des fleurs de cannabis ! Vendangé de la vigne ! Coupable ! vous dis-je. Sûr que les végétaux ne nous regardent pas avec des yeux tristes à nous en faire fondre et que par principe, ils végètent, mais ça n’en reste pas moins des organismes vivants non ?  Et la barrière de corail que tous ces cons de touristes-plongeurs dégradent en s’amusant à en emporter un morceau comme souvenir ? Et la forêt ? Et les mers ? Et les océans ? Et le facteur qui se fait aboyer dessus toute la journée ?

Si je suis contre toute pratique qui s’apparente à de la chasse et que je méprise férocement toute atteinte à toutes espèces en liberté, je ne suis pas contre l’élevage d’animaux dans le but de s’en nourrir. D’ailleurs, il me vient une question à l’esprit. Est-ce que les chasseurs ne sont pas plus conscients de la valeur de la vie qu’ils viennent de prendre que le simple quidam qui met des barquettes de viandes à congeler dans son caddie ? Ils sont certainement des assassins mais ont au moins un rapport direct avec leur pauvre victime. Je serais peut-être-rien n’est moins sûr- enclin à tolérer le chasseur si celui-ci se battait pour sa nourriture comme un homme ; le couteau au lieu du fusil.

Quant aux bêtes d’élevages, elles ne vivent que pour ça. Leur raison d’être n’est-elle pas de finir comme cela ? Je veux dire, la raison même pour laquelle elles sont nées, ces braves bêtes, c’est bien parce que l’homme l’a décidé et rien d’autre. Pour faire tourner la machine et ramasser le pognon. Et nourrir rapidement ceux qui n’ont le temps de rien.

Les animaux sauvages, eux au contraire, aimeraient bien qu’on leur foute la paix à jamais et qu’on les laisse vivre peinards. Toute intervention humaine est proscrite aussi bienveillante soit-elle dans l’intention. Ils sont libres, veulent le rester, et n’ont pas besoin qu’on les enferme pour s’occuper d’eux si ce n’est pour les protéger de l’Homme.

Je ne trouve d’ailleurs rien de plus triste qu’un animal enfermé quel que soit l’espèce. J’ai l’empathie qui monte et alors là ce n’est pas bon. C’est encore pire si c’est pour amuser son propriétaire ou pour l’exhiber comme un trophée. Un animal, un vrai, pour moi, doit vivre peinard sans les barrières que nous nous imposons nous autres, pauvres fous dans nos tristes baraques. Bien sûr je suis aussi sensible à l’animal domestique. L’amour inconditionnel du chien qui ne peut vivre sans son maitre et qui ne vit que pour quelques coups de pieds dans son satané ballon. Le chat aussi. Encore plus car il a cette grâce, ce côté libre et je-m’en-foutiste plutôt séduisant.

Encore une chose qui m’horrifie : les personnes qui gardent leurs chats enfermés à l’intérieur de leur appartement pour se sentir moins seul. Putain ! que je leur dis à chaque fois, laisse-le donc aller faire la vie ou c’est moi qui ouvre la fenêtre. Et là, surprise ! Le chat est aussi flippé du monde extérieur que son propriétaire. Pas tout le temps. Mais alors là, c’est moi l’inconscient, le connard, la brute…

Alors c’est triste mais s’il faut élever des centaines de bovins, d’ovins, de poules, et de coqs, et j’en passe, les massacrer pour se remplir la panse pour que l’Homme arrête de s’amuser comme au moyen-âge avec les armes d’aujourd’hui dans la nature alors je suis plutôt pour. Sur le fond en tout cas, car la forme a quand même tendance à me hérisser le poil. Je suis bien conscient que l’un n’empêche pas l’autre.

Une autre des choses qui m’insupportent le plus, c’est tout le prosélytisme, l’ignorance et la stupidité dont font preuve la plupart des adeptes du végétarisme avec qui j’ai pu parler. Ils te balancent leur dogme religieux avec mépris. Ça fait un peu trop secte pour moi. C’est comme si, étant donné que la religion est morte et que l’humanité n’est qu’une utopie dans l’individualisation inextinguible des sociétés occidentales, il en fallait une nouvelle. Une un peu plus praticable au quotidien. Pour se dire qu’on a quand même quelques valeurs malgré le fait que l’on se foute de tout. Allez être bon avec une personne qui se fout que vous creviez aujourd’hui ou demain… c’est plus facile avec un animal. On reste dans notre coin, dans notre groupe. On ne parle pas à ses voisins si ce n’est pour leur lâcher un bonjour faiblard sans aucun sourire. Pourquoi leur parler de toute façon ? Qu’ont-ils à nous apporter ? Quel est l’intérêt ? Ce genre de personnes, peut-être en manque de principes, de choses auxquelles se raccrocher, se rabat donc de toutes ses forces sur ce qu’elle trouve et qui sonne hype ; un peu genre « L’écologie c’est pas mal mais les plantes c’est pas trop mon truc. Si on prenait les animaux chérie ? Va voir remplir le papier qu’on reçoive les badges !»

Je remarque que ces mêmes personnes, si elles défaillissent à la moindre évocation d’une bonne dégustation de charcuterie chez le paysan du coin, sont en revanches beaucoup moins regardantes lorsqu’il s’agit d’êtres humains. D’êtres vivants conscients donc. Alors il est vrai que la comparaison est facile et que je ne porte pas vraiment notre espèce dans mon cœur non plus mais uniquement d’une façon générale, je suis plutôt pour la façon individuelle. Il n’empêche que l’exploitation de l’Homme par l’Homme, que je trouve bien plus insidieuse et violente, ne leur tire pas une larme. Ah ça pour se fringuer avec les tenues les plus ridicules et pour se payer les gadgets les plus inutiles, il n’y a du monde. Pour en connaître la provenance, plus personne.

Je discutais avec une personne qui me disait que l’Homme (faut que j’arrête de l’écrire avec un H majuscule, on n’est pas si grands que ça !) pouvait se défendre contrairement à l’animal. Je lui répondais que ça dépendait de la personne, de son milieu social, de ses conditions de vie, des choix qui s’offrent à elle. Parce que lorsque tu as un toit sur la tête et une famille à nourrir, toutes ces belles considérations philosophiques c’est de la merde ! Ni plus ni moins. Les nécessités nous enchainent mais il y en a qui ont plus de choix que d’autre. D’où je viens, dire à ton père qui se saigne jour après jour pour que tu puisses avoir à manger ce mois-ci dans ton assiette, que tu ne veux pas manger de viande, c’est de l’insolence, un manque de respect. C’est la calotte assurée. Bien entendu je ne suis maintenant plus un enfant. Mais comme l’a si bien dit Orwell : « Tous les animaux sont égaux mais certains le sont plus que d’autres ».

Je parlais donc à cette personne des 111 ouvriers morts dans l’incendie d’une usine au Bangladesh en novembre dernier qui serait apparemment le fait de son propriétaire. Les contremaîtres leur avaient interdits de quitter leur poste. Les issues de secours verrouillées. Ils y sont restés. Couardise c’est sûr mais de se rebeller ou de perdre son  job ? Ils ont du mettre trop de temps à y réfléchir…Tout ça pour Walmart et C&A.  Et il y en a encore eu un autre cette année. Sept morts. Sept-cent au cours de ces dernières années et toujours au Bangladesh, second exportateur de textile au monde. Et ceux ici, en France, pays dit riche, victimes des plans de licenciements qui n’ont plus l’air de vouloir s’arrêter. Ceux qui s’immolent devant les poles emplois. Ceux qui ravalent leur fierté en allant aux restaus du cœur. Ceux qui préfèrent coucher dehors après des années de bons et loyaux services plutôt que d’aller dans les centres d’accueils. Et les retraités qui ont réussi à garder leur job mais qui se font sucrer la retraite ? Et je m’arrête là car la liste est tout simplement trop longue et douloureuse….

Et quid du trafic d’êtres humains ? Et de celui des gosses ? Parce qu’aujourd’hui on achète tout même des gosses. A l’étranger de préférence ! Ça fait mieux sur le CV quand tu t’appelles Johnny Hallyday ou Brad Pitt. Et puis il paraît que c’est même déductible des impôts… Et puis il faut bien l’entretenir le gazon bordel ! Et les bagnoles ? Et les vignobles ? Et encore ces enfants- là ne sont pas forcés d’aller faire orpailleur au Mali. Des mômes qui n’ont parfois pas plus de six piges et qui bossent sous terre. Qui creusent des puits de mines, remontent des putains de charges, exposés au mercure. Pas étonnant que François ai déclaré la guerre au pays. Les gosses ne pouvaient plus bosser tranquilles avec tous ces terroristes dans le coin…

Enfin bon, j’essayais encore de la convaincre que l’être humain était lui aussi une victime. Bon, sa propre victime soit. Son propre mal. Son autodestruction. Mais étant un animal conscient, doté de la capacité de se faire comprendre, il est d’autant plus tragique que l’espèce soi-disant la plus évoluée en soit là.

Mais bon, elle est bornée, je suis têtu. Rien à faire. On change de sujet et on n’en parle plus et alors tout va bien dans le meilleur des mondes. Trop de causes à défendre et pas assez de personnes pour le faire. C’est notre lot. C’est au moins le mien lorsque le nihilisme revient tout foutre en l’air. Salvateur néanmoins car tout ça, cette merde, c’est vraiment trop pour moi…

2 comments on “Faut-il manger les animaux ?

  1. Pour une fois, camarade, je suis obligé de te dire que je ne suis pas complètement d’accord.

    Au début de ton texte, tu as une façon étrange de récuser le nihilisme supposé des végétariens avec des arguments très nihilistes, un peu comme Michel Onfray quand il s’emporte contre le « fascisme vert ».

    Ensuite, tu as en partie raison sur le côté sectaire de beaucoup de végétariens. A mon humble avis, les militants qui font de l’empathie un argument ont perdu d’avance, et ils feraient mieux de se placer sur le terrain politique. En effet, la production et la consommation de viande sont des vrais problèmes de santé publique, donc ils concernent aussi l’homme au premier chef. Par exemple, la gestion de la chasse, chez les chasseurs les plus progressistes, obéit à une logique de gestion de stocks que ne renieraient pas les plus ultra-libéraux de nos entrepreneurs. Je te passe Findus, la vache folle, et compagnie…

    En bref, en tant que végétarien non prosélyte, je pense que l’homme est un animal comme les autres, ni plus, ni moins. En revanche, c’est le seul qui a la capacité de savoir qu’il est con, mais qui ne l’use qu’avec trop de parcimonie 🙂

    Sur ces bonnes paroles, à la tienne!

  2. Je m’attendais à une réaction de ta part et je ne suis pas déçu.
    Je vais donc m’intéresser de plus près à l’approche politique de la question.
    Je ne te mets bien évidemment pas dans le même sac que nombres de végétariens avec qui j’ai pu parler. C’est au cours d’une discussion animée avec une prosélyte de ma connaissance que ce texte est sorti.
    Il est pour moi plus une recherche-peut-être maladroite- d’une espèce de vérité qu’une véritable réponse à ce problème. Je cherche quoi.
    Je suis assez d’accord quant à ta conclusion.

    Santé et bon dimanche à toi camarade ! 🙂

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