Jean-Marc Ayrault et ses amis les partenaires sociaux sont en train de plancher sur la réforme des retraites, en plein pendant l’université d’été du Medef, mais c’est sûrement une coincidence. Vous voulez vraiment qu’on en cause? Moi, pas des masses. D’ailleurs, on se demande bien pourquoi tous les gouvernements se sentent obligés de réformer les régimes de retraites tous les deux ans. Voilà des gens qui ont des armées de statisticiens à leur service, qui leur pondent du rapport circonstancié sur le moindre domaine de l’activité humaine, du vieillissement de la population au nombre (à la virgule près) de feignasses qui peuplent les salles d’attente de Pôle Emploi et des diverses administrations qui servent les minima sociaux. Les mecs (et les filles) passent leurs vies à calculer si la France s’enfonce dans la crise comme la mouette distraite dans la marée noire ou si elle revient sur la glorieuse autoroute de la croissance, ils prédisent avec deux chiffres après la virgule si Madame France va pouvoir se payer un petit extra à la fin du mois, bref Elizabeth Teissier à côté c’est du crottin de musaraigne. Et périodiquement, un gugusse débarque en trombe dans le bureau de son/sa supérieur(e), et haletant et en sueur il pose une feuille Excel sur le burlingue du boss qui préfèrerait butiner son/sa secrétaire que de se cogner de la statistique aride comme un jour sans vin.
« Regardez, là, en case M en abcisses et 56 en ordonnées. Ce con de Jean-Louis a déconné sur la formule de calcul. Si on continue à ce rythme, la France court à la ruine à cause des vieux qui vivent trop vieux et des chômeurs qui chôment trop longtemps. Faut réformer. »
Le chef médite. Il déteste les maths, lui il voulait de l’aventure, être parachutiste, marin au long cours, ou préfet comme Claude Guéant. Il n’y comprend que dalle. Il remercie le statisticien, et décroche son téléphone. « Allo, Jean-Marc Ayrault? Ouais, on a fait de la merde l’autre fois. Et oui, encore. Ben ouais, encore ce con de Jean-Louis. Faut réformer. »
La fin de l’histoire, c’est comme d’habitude, on bricole les taux et la durée de cotisation, on prend un bout à la branche maladie ou à la branche famille pour faire le compte, et roulez vieillesse. Les négociations n’ont même pas commencé que le Medef est déjà content. Je trouve ça louche, mais au bout du compte, devinez qui va se faire enfler.
Bon alors, puisque le sujet des retraites est clos, on pourrait parler de la pétition d’Estrosi réclamant la démission de Christiane Taubira? S’il est vrai que le royaume des cieux est ouvert aux simples d’esprits, il est à parier que le petit Christian ira s’asseoir directement sur les genoux du créateur. Avec Frédéric Lefevre et David Douillet, on ferait même une superbe crêche, je vous laisse répartir les rôles. Le maire de Nice accuse donc la Garde des Sceaux d’être laxiste avec les criminels, et de vouloir abolir le Code Pénal. Déjà que les socialistes ont aboli la peine de mort, alors c’est quoi la prochaine étape? Tu voles à la tire, tu gagnes un roudoudou? Egorger une mamie sur la promenade des Angliches vaudra admission au concours de la fonction publique de ton choix? Et Francis Heaulme, on l’envoie au Panthéon? Le Christian, il se sent plus en sécurité dans son pays.
Avant, quand il était ministre du tout petit père du peuple, la vie était belle, et on n’arrachait du Code Pénal que ses pages les plus liberticides, comme celles sur le délit d’initié ou sur les infractions financières. Ca, ça entravait les forces vives de la Nation, et la démocratie risquait de ne pas s’en relever. D’ailleurs, Estrosi lui-même était visé par une affaire de détournement de fonds (peut-être l’est-il encore, je n’ai pas vérifié), et s’il n’est pas en cabane, ce n’est pas à cause d’un juge acquis à la cause des assassins qui rôdent de par le pays, mais parce qu’il est utile à la nation. Bon, pour être honnête, sous Sarkozy aussi on aménageait les peines les plus légères car les prisons sont encore plus surpeuplées que le soutien-gorge de Nabila. Du coup, les peines-plancher, on en n’a pas prononcé autant que ce qui a été annoncé, mais c’est sûrement ce con de Jean-Louis qui a dû se gourrer sur une décimale. Même Sarkozy, avec le cortège de juges qui lui emboîtent son tout petit pas, s’il est condamné, il n’ira sans doute pas en cabane. Et Mme Taubira n’y sera pour rien. Bref, là encore, much ado for nothing, comme on dit sur la Promenade.
Plutôt que de se casser la tête avec ces ruffians, parlons d’un sujet autrement plus passionant. Hier, mon compère graoullien Rino Z. vous entretenait des dangers supposés de la cigarette électronique (nous n’avons encore reçu aucune plainte du forum du FC Metz). En ce qui me concerne, parmi mes innombrables qualités, on peut dire que je fume comme le parc de Yosémite. Par contre, pas d’électronique, je suis resté assez rustique sur le sujet. Je trouve que le fumeur d’e-garette, qu’on dirait en train de téter un stylo-plume, n’est pas sans rapport avec le quidam qu’on croit causer tout seul dans la rue avec son kit mains-libres. Dès que j’ai un peu d’air et de temps libre, je fume une schmer. Je sais que je nourris grassement la mafia de la clope, mais j’adore ça, nature ou avec un verre de rouge. Pas la peine de me faire la morale si vous gavez la mafia pharmaceutique ou agroalimentaire, et même pour aucune autre raison que ce soit, merci.
Or, tous les fumeurs vous le diront, on a tous une clope préférée dans la journée. Pour certains, c’est celle qui accompagne le café matutinal, pour d’autres c’est celle d’après le repas ou d’après l’amour. Je les aime toutes aussi, je suis assez libertin du mégot. Mais celle qui entre toutes réjouit mon coeur, c’est la clope avant d’aller au lit.
Là, paisiblement allongé, en intérieur comme en extérieur, je contemple le ciel ou je m’en crée un sur le plafond de la pièce, et pendant que la tige se consume, je médite et je laisse mon esprit aller là où ça lui chante, à cheval sur les volutes qui tourbillonent, passent du gris au bleu, et se désagrègent vers on ne sait où. Pendant la durée très exacte de la consomption, je fais passer Bouddha et Confucius pour deux maniaco-dépressifs chroniques. Et je me dis que les adeptes de la cigarette électronique ne connaîtront plus ce moment de plaisir, avec leur stupide vapeur qui s’élève, moite et sans saveur, vers que dalle.
Si tu veux une métaphore pas trop élaborée, comparer ma clope méditative et une cigarette électronique, c’est comme comparer une bonne vieille lettre d’amour manuscrite, et un SMS lapidaire pour dire que « jte kif ». L’intention est la même, mais c’est plus pareil.