Les seuls véritables handicapés

encrier-plume-grand-28-03-2009

 

 

 

Les seuls véritables handicapés

Pas les moteurs

Pas ceux qui raflent ou perdent tout aux jeux

Car chez eux la bête ronronne encore en chœur avec le reste

Les seuls véritables handicapés

De la vie

De la vision qu’il faut savoir

Voir et avoir

Ceux qui jettent des moustiques dans les toiles d’araignées

Ceux qui ne supportent pas qu’on leur lise leurs droits qu’ils ont depuis longtemps oublié ou qu’ils n’ont même jamais pris la peine de connaître

Les seuls véritables handicapés

Pas ceux qu’on prend en pitié à la télé

Avec qui il est profitable et rentable d’être charitable

Car Dieu, le père, le fils, le Saint-Esprit

Et toute cette clique

Les bas de plafond

La police du mode de vie

L’hôpital et ses majestés stériles du corps médicamenteurs

Les préservent de la soumission chancreuse

De la morgue et du reste ;

Va essayer de tenir une clope

Ou un verre de porto

Lorsque tu es apoplexique comme Stevenson

Aussi schyzo

Et que t’as séché la métempsychose au bahut !

Non !

Les seuls véritables handicapés

Pas ceux qui votent à gauche tout en bossant chez Maaf

Pas ceux qui trouvent encore plus d’une personne sur dix intéressante

Pas ceux qui font dans le long terme

Ceux pour qui administration rime avec Kafka

Papiers à profusions à signer et stylo noir enchainé

Prévus à cet effet

Ceux qui ne parviennent pas à remplir les minuscules cases de demande de passeport

Prévues à cet effet

Ne râle pas Gan

La compagnie qui fait un prix aux éclopés décorés pour massacre en bonne et due forme et à qui il faut laisser la place dans le bus

Mais pas aux autres

Ceux aux allures de clochards la main dans les entrailles à la moindre occasion pour la mettre sur le cœur au moment propice

Ceux qui passent inaperçus

Ceux qui se fondent dans le décor sciemment

Les maîtres caméléons

Les cadors du violon

Les ténors du klaxon

Et tous les autres

Ceux qui aiment se faire remarquer

Ceux qui jouent les salopards

Ceux qui miment des gloires perdues

Ceux qui portent aux nues des étendards qu’ils n’ont même pas connus ou bien potassé dans des livres exprès ou même dont ils ont simplement vaguement entendu parler et qui brulent ceux qui les déçoivent aujourd’hui

Tous ceux-là, vous me suivez ?

Les seuls véritables handicapés

Pas ceux qui arrivent encore après l’adolescence à faire abstraction d’une discussion creuse de bonne femme juste pour tout lui donner

Pas ceux qui gagnent des compétitions sportives sans bras ni jambes et n’ont donc plus besoin de ramer

Mais les ultra-sensibles qui font tout pour le cacher

Et qui après plusieurs années ne peuvent plus

Ni s’arrêter

Ni se reconnaître

Niant l’évidence grâce à leur talent de conteur

S’inventant des alter-ego différent selon l’heure

L’endroit ou l’humeur

Ou l’horreur d’où ils se beurrent

Et qui en font des best-sellers

Ou des worst sans lecteurs

Juste pour le plaisir de gratter

Le papier

La peau

Les paupières

La mine d’eau

Le bon mot

Ceux-là

Les seuls véritables handicapés

Ceux qui ont un problème

Sans savoir pourquoi avec tout ce que tous

Autour d’eux parvienne à faire sans tousser

Sans se ronger les ongles

Sans s’arracher les cheveux

Sans toujours procrastiner

Mais en pro de la crasse que l’on croirait innée chez eux

Question !

C’est quoi la formation ?

Faut passer des diplômes ?

Ou il faut juste redescendre un peu

Ouvrir son courrier à temps

Même après avoir vagabondé là où l’espace de plusieurs instants on ne pensait plus jamais se faire retrouver par quiconque

Les seuls véritables handicapés…

Ce sont les romanciers, les poètes, les saltimbanques, les musiciens, les peintres

Les créateurs

Tous ces gros buveurs de la seule chose qui en vaille encore la peine

Toute la clique de cette engeance dont le reste du monde aime suivre le travail de près mais la personne de loin.

 

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