Les seuls véritables handicapés
Pas les moteurs
Pas ceux qui raflent ou perdent tout aux jeux
Car chez eux la bête ronronne encore en chœur avec le reste
Les seuls véritables handicapés
De la vie
De la vision qu’il faut savoir
Voir et avoir
Ceux qui jettent des moustiques dans les toiles d’araignées
Ceux qui ne supportent pas qu’on leur lise leurs droits qu’ils ont depuis longtemps oublié ou qu’ils n’ont même jamais pris la peine de connaître
Les seuls véritables handicapés
Pas ceux qu’on prend en pitié à la télé
Avec qui il est profitable et rentable d’être charitable
Car Dieu, le père, le fils, le Saint-Esprit
Et toute cette clique
Les bas de plafond
La police du mode de vie
L’hôpital et ses majestés stériles du corps médicamenteurs
Les préservent de la soumission chancreuse
De la morgue et du reste ;
Va essayer de tenir une clope
Ou un verre de porto
Lorsque tu es apoplexique comme Stevenson
Aussi schyzo
Et que t’as séché la métempsychose au bahut !
Non !
Les seuls véritables handicapés
Pas ceux qui votent à gauche tout en bossant chez Maaf
Pas ceux qui trouvent encore plus d’une personne sur dix intéressante
Pas ceux qui font dans le long terme
Ceux pour qui administration rime avec Kafka
Papiers à profusions à signer et stylo noir enchainé
Prévus à cet effet
Ceux qui ne parviennent pas à remplir les minuscules cases de demande de passeport
Prévues à cet effet
Ne râle pas Gan
La compagnie qui fait un prix aux éclopés décorés pour massacre en bonne et due forme et à qui il faut laisser la place dans le bus
Mais pas aux autres
Ceux aux allures de clochards la main dans les entrailles à la moindre occasion pour la mettre sur le cœur au moment propice
Ceux qui passent inaperçus
Ceux qui se fondent dans le décor sciemment
Les maîtres caméléons
Les cadors du violon
Les ténors du klaxon
Et tous les autres
Ceux qui aiment se faire remarquer
Ceux qui jouent les salopards
Ceux qui miment des gloires perdues
Ceux qui portent aux nues des étendards qu’ils n’ont même pas connus ou bien potassé dans des livres exprès ou même dont ils ont simplement vaguement entendu parler et qui brulent ceux qui les déçoivent aujourd’hui
Tous ceux-là, vous me suivez ?
Les seuls véritables handicapés
Pas ceux qui arrivent encore après l’adolescence à faire abstraction d’une discussion creuse de bonne femme juste pour tout lui donner
Pas ceux qui gagnent des compétitions sportives sans bras ni jambes et n’ont donc plus besoin de ramer
Mais les ultra-sensibles qui font tout pour le cacher
Et qui après plusieurs années ne peuvent plus
Ni s’arrêter
Ni se reconnaître
Niant l’évidence grâce à leur talent de conteur
S’inventant des alter-ego différent selon l’heure
L’endroit ou l’humeur
Ou l’horreur d’où ils se beurrent
Et qui en font des best-sellers
Ou des worst sans lecteurs
Juste pour le plaisir de gratter
Le papier
La peau
Les paupières
La mine d’eau
Le bon mot
Ceux-là
Les seuls véritables handicapés
Ceux qui ont un problème
Sans savoir pourquoi avec tout ce que tous
Autour d’eux parvienne à faire sans tousser
Sans se ronger les ongles
Sans s’arracher les cheveux
Sans toujours procrastiner
Mais en pro de la crasse que l’on croirait innée chez eux
Question !
C’est quoi la formation ?
Faut passer des diplômes ?
Ou il faut juste redescendre un peu
Ouvrir son courrier à temps
Même après avoir vagabondé là où l’espace de plusieurs instants on ne pensait plus jamais se faire retrouver par quiconque
Les seuls véritables handicapés…
Ce sont les romanciers, les poètes, les saltimbanques, les musiciens, les peintres
Les créateurs
Tous ces gros buveurs de la seule chose qui en vaille encore la peine
Toute la clique de cette engeance dont le reste du monde aime suivre le travail de près mais la personne de loin.