Le coude posé sur la portière, j’avalais le bitume au volant de ma Mustang. A coté de moi, le Hound qui avait passé sa gueule dehors, faisait flotter ses immenses oreilles au vent. Tout allait bien, le moteur vrombissait rageusement et les quelques verres descendus plus tôt dans mon bar préféré rendaient mon esprit prompt au vagabondage. Je pensais à la légèreté de la petite robe sous laquelle la serveuse avait bien voulu me laisser m’aventurer.
Soudain, la nouvelle est tombée, aussi inattendue qu’une blague de bon goût dans la bouche d’Hanouna. Cette foutue nouvelle est arrivée sans crier tu sais quoi ? Eh ben, sans crier gare mon pote, ça te la coupe hein ? Ca m’est tombé dessus comme le marteau sur les doigts du maladroit, comme la cuvette des WC sur ta quéquette meurtrie… j’ai eu mal. Aussi inattendue qu’une lueur d’humanisme dans la bouche de Le Pen (père, fille, nièce, cousin, voisin ou tante … choisis, c’est la maison qui offre).
Bref, la radio venait de m’annoncer la mort de BB King.
Nom d’un pet de nonne, cela ne pouvait pas être vrai. Je stoppe l’auto auprès d’un arbre en bois afin d’écouter plus attentivement… des fois que j’avais mal entendu. Je dus me rendre à l’évidence, ce n’était pas une hallucination, le géant Riley B.King avait bel et bien passé la guitare à gauche.
Te dire ce que j’ai ressenti à ce moment précis serait difficile, moi même je n’ai pas tout bien compris. Toujours est il que je me suis retrouvé à pleurer comme un enfant.
Ce quatorze mai, la musique a perdu plus qu’un musicien, plus que le roi du blues. Nous avons perdu un témoin d’une histoire pas si lointaine, dans laquelle les noirs étaient encore traités comme du bétail, comme des mules, une époque où le simple fait d’être noir te faisait risquer ta vie, une époque où tu finissais lynché et pendu parce que tu avais mal parlé à un blanc, parce que tu avais osé aimer une fille blanche.
Cette époque là, BB King l’a vécue, il y est né, en 1925, dans une plantation de coton. Et pourtant, l’homme n’a jamais montré la moindre rancœur ou haine envers les hommes. Il suffit de le voir, de l’entendre ou d’écouter sa musique pour se rendre compte à quel point tous les chanceux qui ont croisé sa route ont raison ; cet homme était d’une infinie bonté, d’une jovialité sans bornes, d’une humanité incroyable.
Observer BB King est une leçon d’humilité à laquelle devrait se plier nombre de nos contemporains, musiciens ou pas.
Musicalement, il est évident que la place occupée par Riley King est énorme. Il y a un adage qui dit ceci à propos de Jimi Hendrix : « il existe deux catégories de guitaristes au monde, ceux qui disent être influencés par Jimi et les autres, qui ne savent pas qu’ils le sont ». Eh bien, cela convient également parfaitement à BB King, tellement son empreinte est indélébile. Le blues moderne ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans BB King. Il suffit d’écouter Eric Clapton, Jimmy Page, Jeff Beck, Peter Green, Joe Bonamassa, Slash, Stevie Ray Vaughan, Gary Moore et j’en passe, pour se rendre compte à quel point ce géant du blues est incontournable.
Reprenant mes esprits, les yeux encore emplis de larmes, je vis mon basset coller son museau contre la boite à gants. Je l’ouvris et, oh bonheur, je tombe sur le CD Live at the Regeal, un chef d’œuvre absolu, une captation d’un concert sorti en 1965 dans laquelle on retrouve toute l’énergie que pouvait envoyer BB King.
En moins de temps qu’il n’en faudrait à une secrétaire ambitieuse pour tomber la culotte, je glisse l’objet de mon désir dans l’auto radio.
Nous voilà reparti sur la route, le vent qui m’arrive au visage sèche mal mes larmes. Les notes du bienveillant BB King me réchauffent le cœur et me redonnent le sourire. Il y des sons qui vous font du bien à l’âme, même quand les nouvelles sont mauvaises.
Alors merci M. King, merci pour tout cela, merci pour ta musique, merci pour ta voix, merci pour ton histoire, merci pour l’héritage. A nous d’en être digne.
Cela valait bien une allitération en titre.
Voilà, pis c’est tout.