Confortablement installé au volant de ma Benz, j’ôte délicatement le fin film qui protège la pochette rouge sang. Je laisse enfin le nom du groupe respirer au grand air. Les grandes lettres noires brillent dans l’habitacle, Trust s’inscrit en majuscule. Juste en dessous, « Dans le même sang », le titre de l’album.
Fébrile, j’ouvre le coffret, sort le disque et avec délicatesse, j’introduis la galette dans la fente de mon autoradio … ça t’excite ce genre de phrase, hein ? Va y avoue …
Ca y est, ça va enfin commencer. Je sais que j’ai devant moi une heure et demie de route jusque dans les Vosges où je vais retrouver ma gamine. Deux jours que je suis loin d’elle, cela fait déjà deux de trop, deux journées à déprimer, deux journées à ne penser qu’à elle, à se demander ce qu’elle fait et pourquoi elle n’est pas avec moi. Elle ne le sais sans doute pas mais elle est le trait d’union avec mon enfance disparue. Il me suffit de plonger dans son regard pour retrouver un peu de foi en l’humanité. Grâce à ce petit bout de gonzesse, j’oublie un peu ce monde gris, ce pays triste, ces gens minables …
Deux journées à tenter d’oublier cette séparation, qui dans une bonne bouteille, qui entre les bras d’une belle de nuit ou les jambes d’une pute quelconque.
Mais déjà le riff de guitare de « Ni Dieu Ni Maitre » emplit l’espace … oh putain, ça chauffe. Oublie les limitations de vitesse mon chéri, la Mercedes vrombit, j’appuie sur le champignon. Puis Bernie, à son tour, fait son entrée dans l’arène de mon auto. Je me sens fébrile, mais quel coup de pied au cul ! La tension monte crescendo avec une efficacité redoutable, les paroles, un véritable brulot que Bernie l’anar nous distille habilement, en accord parfait avec les musicos … écoute pépère, c’est bien simple, à la fin du couplet, tu as juste envie de te lever, de brandir le poing, de gueuler, de t’insurger : « Debout les libertaires, Ni Dieu Ni Maitre » !!!
Déjà, je n’ai plus conscience de la route, je suis totalement transporté par cet album, emballé c’est pesé, il y en a un peu plus, j’vous l’met quand même ?
Et pourtant, je ne suis pas au bout de mes surprises, je ne m’attends pas à la suite. En effet, trois chansons plus loin, je vais être totalement bouleversé par le titre « Déjà Servi ». Bouleversé au point de devoir stopper ma caisse sur le bord de la route. Ce morceau est ce qu’on peut appeler un chef d’œuvre, pourquoi ? Parce qu’il parvient à une osmose parfaite de la musique et du texte. Ici, Bernie fend l’armure, nous livre des paroles d’une sensibilité rare, il ose se mettre à nu, avoue comment il est difficile pour un être si sensible de vivre dans ce monde, lui le costaud, lui qui ne sera jamais résigné, jamais un ventre à terre « Je cherche, je cherche, ce qui me traverse, me bouleverse », le refrain magnifique sur lequel viennent s’ajouter les chœurs, comme un écho aux cris que lancent Bernie. Puis arrive le point d’orgue avec l’entrée de la guitare solo de Nono. Voilà ce qui arrive quand Trust touche les étoiles … les larmes coulent, se frayent un chemin en lézardant sur mes joues mal rasées.
Tu auras compris, parce que t’es pas totalement con non plus, que j’ai kiffé grave cet album, comme disent les jeunes.
Alors, inutile que je te passe en revue tous les morceaux qui y figurent, pour ça, t’as qu’à te diriger vers les critiques professionnels, les pros du découpage de cheveux en quatre, ceux qui aiment à arracher les ailes des mouches pour mieux les enculer.
Je vais juste ajouter un petit mot sur l’excellente reprise de « J’m’en fous pas mal » de Piaf, avec un texte qui sied à merveille au sieur Bonvoisin et un « Caliente » latinos du plus bel effet. Deux belles surprises dans cette bombe d’album.
Moi, je reprends ma route, j’avale les kilomètres avec une banane et une pêche de catcheur.
Je ne peux m’empêcher de penser tout haut :
Quel putain d’album, quel putain de son !!
Nom d’un cul, mais quelle bonne idée d’avoir pondu une telle galette.
Quelle bonne idée d’avoir enregistré ces 13 titres en seulement trois jours, dans des conditions live, à l’ancienne, grâce à quoi l’énergie et la rage se retrouvent inaltérées dans ce disque.
Quelle bonne idée d’avoir confié le mixage de l’album à Mike Fraser, connu pour avoir travaillé avec AC/DC, Aerosmith, Joe Satriani .. pour ne citer que quelques noms !
Quelle bonne idée a Bernie de garder toujours sa colère et son indignation intactes, de toujours et encore écrire des textes à faire trembler les murs et tomber les barbelés.
Quelle bonne idée a Nono d’avoir encore la guitare si inspirée, d’avoir un des coup de patte les plus fabuleux du Rock.
Quelle bonne idée ont eu les deux compères originels de s’être si bien entourés. Rejoins par la basse de David Jacob, la solide guitare d’Izo Diop et la jeunesse de Chris Dupuy derrière les futs, Trust semble enfin fait du même sang pour reprendre le titre de l’album mais le groupe va aussi dans le même sens … et ça c’est assez rare pour le souligner.
Quelle bonne idée d’avoir ajouté ces trois magnifiques choristes, qui en plus d’enrichir harmonieusement les vocaux, amènent une touche féminine, soul et sensuelle indéniables.
« Dans le même sang » est un coup de maître. Un coup de colère, de gueule, un coup de latte dans les parties, une immense baffe dans la tronche, un coup de frais sur le rock, un coup de tête dans la bouche des politiques, des puissants, des locdus, des blaireaux … la France va mal mais Trust est là et bien là et c’est tant mieux.
Voilà, pis c’est tout.
Splendide hommage ,et merci a vous pour eux !!
Du clair , du précis ,et du talentueux
Un grand bravo assorti d’un grand salut du » métäliste »
Amitié et Respect
JP