A l’instar de Claude Allègre, le dégraisseur de mammouths qui devrait déjà s’occuper de son taux de cholestérol personnel, ou du légendaire Laurent Cabrol dont l’anticyclone cérébral éloigne le moindre nuage de reflexion de la carte de sa pensée, il existe encore des personnalités qui doutent du fait que la planète se réchauffe et s’essouffle, et qu’un jour Metz sera une charmante station balnéaire où les yachts des multimilliardaires russes chasseront les pédalos du pékin moyen.
L’un de ces sceptiques à qui on ne la fait pas se nomme Pascal Bruckner. Après des débuts intéressants où il fut membre du conseil d’adminstration d’Action contre la Faim et où il a soutenu une thèse sur l’émancipation sexuelle chez le philosophe anarchiste Charles Fourier, son éducation jésuite lui est revenue au neurone et il s’est fourvoyé avec Alain Finkelkraut et sa moumoute, a soutenu la guerre en Irak, a collaboré à la revue néo-conservatrice le Meilleur des Mondes, et depuis il s’escrimait à sortir des livres sur les relations amoureuses contemporaines où il se lance dans des analyses aussi oiseuses qu’une dissertation géophysique de Claude Allègre, et d’un érotisme proche de celui de la reproduction des bactéries en milieu de culture gélosé solide, mais qui n’embêtaient personne. Son nouveau cheval de bataille, c’est l’écologie en laquelle il voit une sorte de secte millénariste qui appelle l’homme à la pénitence pour sauver la planète. D’ailleurs, son dernier livre se nomme, tenez-vous bien à votre jus de goyave bio et à votre steak de soja: « Le Fanatisme de l’Apocalypse- Sauver la Terre, Punir l’Homme ». Eva Joly, Cécile Duflot, et même Nicolas Hulot (excusez-moi, je pouffe) seraient de dangereux avatars de la secte du Temple Solaire qui ne font rien qu’à faire peur à l’honnête citoyen qui voudrait faire son plein de diesel tranquillement, avec leurs menaces catastrophistes de dégâts des eaux à grande échelle et leurs bébés phoques au yeux plaintifs qui font hésiter la ménagère à reprendre deux fois du gigot au dîner. Brückner, qui a écrit un livre contre la tendance européenne à l’autoflagellation craint pour sa société d’abondance menacée par les Khmers verts qui veulent nous empêcher de consommer dans la joie et l’allégresse.
Mine de rien, avec de jolis mots, il est en train de nous refaire le coup du nucléaire ou de la bougie en opposant caricaturalement les jouisseurs civilisés qui ne demandent rien à personne sinon du pétrole et de l’electricité sans fin et les tenants de l’ascétisme qui trouvent que le plaisir c’est le diable. Rassurez-vous, M.Brückner, personne ne vous demandera de revêtir une culotte de peau et de vous trouver une caverne en altitude pour vous prémunir de la montée du niveau des océans. De toute façon, les espèces que l’Homme n’a pas encore exterminées ne sont pas assez nombreuses pour nourrir 7 milliards d’automobilistes et d’utilisateurs d’electricité qui pourraient tout autant consommer de l’uranium à la petite cuiller tant ils l’utilisent sans rime ni raison. Personne ne vous fera porter une crécelle à lépreux si vous ne triez pas vos déchets, et il est fort probable que tout le monde aura oublié votre oeuvre avant que n’ éclatent les premières guerres des réfugiés du climat. Et l’on peut parfaitement faire bonne chère bien arrosée en prônant une gestion rationnelle des ressources qui garantirait à chacun de manger à sa faim au lieu que des agriculteurs soient payés à entretenir des friches pour être sûr qu’ils voteront toujours comme on leur dit. Charles Fourier ne préconisait pas autre chose dans son Phalanstère, et je commence à me demander si vous l’avez vraiment lu. L’écologie n’est pas l’ennemie de l’abondance, ni une science du cilice appliquée à la Nature, mais une invitation à réduire le gaspillage insensé que le libéralisme nomme croissance. Et en parlant de gaspillage, je partage la rage de Cavanna quand il pense à tous les arbres abattus (et à leurs infortunés habitants) pour servir de support à des livres qui méritent encore moins d’être imprimés que d’être lus (aux Editions Grasset).
Dans un prochain épisode, nous nous demanderons si l’énergie consacrée à la rédaction de cet article devra être comptabilisée dans notre bilan-carbone.