Chère Madame,
pour une fois, laissez-moi tremper ma plume non pas dans l’encre trouble de l’ironie rageuse, mais dans le philtre d’amour que vous me jetassiez il y a peu, alors que nous nous croisâmes accidentellement aux alentours d’une bibliothèque. Sans doute la largeur des épaules des musculeux cerbères chargés de veiller sur votre sécurité vous empêcha de vous apercevoir de ma présence insignifiante, aussi profité-je de la tribune qui m’est offerte pour chanter votre gloire et vous défendre contre les fâcheux qui, jaloux de votre aura de sainteté, vous cherchent noises et vous font mauvais procès.
Quand la Lorraine offre l’une de ses filles à la France, de Jeanne la pucelle d’Orléans à Geneviève de Fontenay, en passant la protectrice des arts Diane de Dommartin ou la délicieuse Françoise de Panafieu, c’est pour lui rendre le souffle de génie qui caractérise notre pays. C’est bien de ce bois précieux, Madame la ministre, que vous êtes faite. Après vous avoir vu gravir un à un les échelons du RPR puis de l’UMP avec l’élégance qui vous caractérise, Nicolas Sarkozy a tenu à vous avoir à ses côtés tant ces trésors de grâce et de talent seraient injustement étouffés dans le carcan étroit de la Meurthe et Moselle. Quand on vous a vu danser et lipdubber dans le clip de « Tout ceux qui veulent changer le monde » des jeunes UMP, on n’a plus à coeur que de ressortir sa cotte de maille et son glaive pour pourfendre le dragon socialiste qui saigne le royaume. Mais les gens sont jaloux, et les courtisans ont tôt fait de répandre des vilenies sur votre compte.
Vous fûtes ainsi récemment accusée d’avoir fait licencier une gueuse qui vous aurait manqué de respect au comptoir d’une échoppe de parures vestimentaires. Ce n’était que Kookai, mais il me plaît de penser que votre beauté réhausse même le prêt-à-porter réservé d’ordinaire aux vilains et aux manants; votre présence en ces lieux voués à la populace atteste d’ailleurs de votre commisération à l’endroit du Tiers-Etat. Mais ces ladres ne vous méritent guère, Madame. La vendeuse impolie, qui s’est permis de se gausser de votre personne et de votre cour a été licenciée après une enquête pour le moins expéditive et partiale, et ce n’est que justice. Eussé-je été le patron de ce magasin que j’aurais demandé par surcroît que l’hérétique fut soumise au supplice de la roue et brûlée vive sur la place Stanislas. Les prud’hommes réclamant aujourd’hui 35 euros pour intenter une action, et les délais d’instruction dépassant une année, j’ai bon espoir que sa plainte ira rejoindre les promesses électorales de votre patron dans l’oubli.
Aujourd’hui, c’est un gratte-papier du journal « l’Est Républicain » qui fait l’objet de votre courroux. Ce malappris a eu l’outrecuidance de vous traiter de capricieuse, et de vous accuser d’avoir refusé les contrôles de sécurité d’un aéroport lors d’un voyage privé en Italie. Il est à ce propos plus que regrettable que vous n’ayez pas été contemporaine de Botticelli qui aurait reconnu en vous la vraie Vénus , plutôt que de gribouiller la première pétasse venue pour sortir de du coquillage qui orne aujourd’hui les murs du Palais des Offices. Quoique le scribouillard affirme de façon tout à fait diffamatoire avoir plusieurs témoignages concomittants, le procureur qui lui est plus versé dans l’esthétique et la reconnaissance des vraies valeurs morales a requis 1500 euros d’amende. Certes, c’est bien peu en regard des 15000 que vous réclamiez, mais cela devrait déjà faire réfléchir ce journal malpoli avant de se lancer dans d’irrévérentes révélations sans le moindre fondement. Et sans doute le procureur savait-il aussi qu’à la grandeur d’âme et à la magnificence vous alliez la magnanimité. Sachez en tout cas que ce n’est pas le Graoully Déchaîné qui se permettrait un tel outrage à votre excellence, car nous savons que la liberté de la presse ne permet pas toutes les audaces.
Comme mon respect pour la noble institution du mariage m’empêche de vous demander d’être mienne après avoir chanté vos louanges, je vous fais une bise.