Camarades socialistes, je n’aimerais pas être à votre place. Alors que les primaires touchent à leur fin, Arnaud Montebourg a profité à fond de ses fifteen minutes of fame et est rentré bien sagement dans le rang en apportant son soutien à François Hollande (on s’est fait couillonner, Jérôme). Si par le plus grand des hasards les électeurs de la primaire se montraient moins moutonniers que les quatre candidats déçus et choisissaient d’orienter leurs suffrages vers Martine Aubry, vous auriez l’air malin à essayer de défendre l’unité du parti et la légitimité de la candidate. Quitte à copier le système américain des primares, autant constituer un « ticket » présidentiel, et éviter de s’engager pour l’un ou pour l’autre et s’épargner d’autres batailles de chiffonniers si les electeurs refusent d’obéir aux instituts de sondage.
Si les primaires sont incontestablement un succès populaire, il est encore trop tôt pour affirmer qu’il s’agit aussi d’un succès politique. Souvenez-vous en 2007, ce siècle n’avait que sept ans et déjà Le Pen pointait sous Sarkozy. Encore traumatisés par le second tour de la présidentielle de 2002, les sympathisants de gauche avaient voté massivement pour Ségolène Royal. Personnellement, je doute fortement que les 17 millions d’électeurs aient vraiment voté pour le programme de la Présidente de Poitou-Charentes qui comportait des joyeusetés comme (déjà) l’encadrement militaire de la jeunesse déviante et qui avait remplacé l’Internationale par la Marseillaise au motif que le social ne s’oppose pas au national, mein General. Il faudrait déterminer quelle est la part de vote utile et anti-sarkozyste (primaire lui aussi) dans ce cheptel de votants, car déjà Sarko, après avoir montré l’étendue de sa compétence et de son respect des institutions au ministère de l’Intérieur, avait sorti sa gourmette de beauf et sa Rolex de combat pour promettre le retour des années 80, où le fric et la vulgarité étaient rois. Au final, sept ans après, tout ce qui est revenu des eighties, ce sont le chômage de masse, les chocs pétroliers, et les banques en faillite (et Indochine, qui à mon grand regret n’a toujours pas suivi le conseil desprogien de faire de la moto sans casque à proximité des camions). Aujourd’hui, Ségolène Royal a dû dégonfler un peu son égo au profit d’Arnaud Montebourg , qui bien que non dépourvu d’un melon de taille respectable, a invité le PS à gauchir un peu la perspective dans sa lettre aux duellistes du second tour.
La dernière fois que le PS a été débordé sur son aile gauche, c’était lors du vote pour la fameuse Constitution de l’Union Européenne, où François Hollande qui avait fait campagne pour le oui avait essuyé un désaveu très net de ses troupes, ce qui avait achevé de convaincre Mélanchon d’aller voir ailleurs si l’herbe était plus rouge. Si la mobilisation en faveur des primaires citoyennes n’est sans doute pas exempte d’anti-sarkozysme encore plus concret que celui de 2007, le contexte économique et social qui a souffert de presque cinq ans de libéralisme à tout-va (et des crises qui en sont la conséquence et pas un accident de parcours contrairement à ce que prétend Sarko pour défendre son faible bilan) fait que l’électorat est vraiment demandeur de mesures de gauche, où la justice sociale n’est pas juste un thème de reflexion et où la grandeur du CAC40 et de notre Président ne sont pas la mesure de toutes choses. En attestent également les ralliements de syndicalistes estampillés CGT ou Sud au Front National qui malgré son atavisme facho et démagogique propose un programme économique plutôt interventionniste. Ce n’est pas seulement par racisme ordinaire que les classes populaires qui fournissaient le gros des rangs du Parti Communiste sont passés corps et biens chez le borgne hargneux et sa baveuse fille. Il est encore trop tôt pour savoir ce que pèsent électoralement les partis de « l’autre gauche » et de l’extrême-droite pour appuyer cette hypothèse, mais on espère que le ou la futur(e) gagnant(e) de la primaire saura s’en souvenir au moment de constituer un programme électoral, et que comme le Sénat le Parti Socialiste passera enfin à gauche. Si tel est le cas, dans un grand élan de magnanimité, je trouverais au fond de mon âme de vilain gauchiste la force de vous pardonner ces heures interminables d’ennui télévisuel qui pour l’instant m’ont juste conforté dans mon envie de refiler Valls à l’UMP.
Dans un prochain épisode, nous demanderons à Bolloré de nous prêter son yacht pour éviter d’assister au Congrès de l’UMP que Copé espère être le pendant télévisuel des primaires citoyennes. Si c’est juste pour lécher les talonnettes du patron, TF1 fait déjà ça très bien toute l’année, et je pense pouvoir m’en dispenser.