« Vous êtes un gros con, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez l’être librement »
Jean-Claude Voltaire, à son charcutier qui maugréait contre les charges et l’immigration.
Rappelle-toi, Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là, et même si l’on s’en fout car on était bien au chaud à Metz, quelle connerie la guerre. Alors que la trêve hivernale des expulsions commence à peine, Charlie Hebdo est sans domicile fixe. La sortie d’un numéro spécial baptisé « Charia Hebdo » pour célébrer à sa digne mesure la victoire des islamistes en Tunisie et en Libye a mis le feu aux poudres et aux locaux du journal satirique. Quoique ce canard soit virulemment antipapiste (et d’ores et déjà mis à l’index), il faut admettre que c’est l’un des derniers espaces de liberté de la presse française avec le Canard Enchaîné, Siné Hebdo, et CQFD. Quoiqu’il faille préciser qu’hormis Cavanna, aucun gratte-papier de ce brûlot gauchiste ne rivalise avec les héroïques rédacteurs du Graoully Déchaîné, fallait-il pour autant mettre en péril l’existence d’un journal qui vit chichement et sans publicité alors que Philippe Val continue impunément de transformer France Inter en Europe1 tendance bayrouiste mou-du-slip? Je m’excuse de torturer la syntaxe avec cet odieux pléonasme, mais d’aucuns pensent encore que Bayrou est un homme politique, alors qu’il ne s’agit que d’une variété de cancoillotte . En vérité, je vous le dis, mes biens chers frères, mes biens chères soeurs, malgré mon infaillibilité papale j’ai du mal à comprendre pourquoi Charlie qui ne se gausse que de l’islam radical et pourquoi pas Minute, qui déverse des torrents de haine implacable contre tout ceux qui ne peuvent produire un certificat de baptème en bonne et due forme?
Et les malheurs ne cessent de s’abattre sur Charlie, puisque le personnel politique soutient unanimement un journal qui ne les épargne guère. On pourrait se féliciter de cet élan de solidarité et de cette intransigeante ferveur pour la liberté de la presse, si on a la mémoire courte ou qu’on est légèrement con. Rappelle-toi, Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là, mais l’affaire qui nous intéresse se passe dans la capitale. Un journaliste du Monde fait l’objet d’écoutes téléphoniques, la police s’inquiétant de connaître ses sources dans le cadre de l’affaire Woerth-Bettancourt. Le Canard Enchaîné reçoit la visite des pandores pour une autre affaire, mais le palmipède a le bec rugueux et ne s’en laisse pas montrer. Un peu plus loin dans la chronologie, Sarko fait virer Genestar, l’ex-patron de Paris-Match, pour une photo de Cécilia ex-Sarkozy avec son amant (alors que le patron du Figaro est toujours en place après avoir publié une photo « paparazzée » de Nico, Carlita et leur lardon). Récemment, les journalistes d’un magazine d’histoire voient un article sur les entreprises collabo partiellement sucré car il mettait en cause Vuitton, qui est l’un des annonceurs les plus munificents du titre. Et je vous épargne l’autocensure des plumitifs et la concentration des organes de presse entre les mains de groupes financiers de moins en moins nombreux. Bref, la presse hexagonale est un oligopole relativement bien muselé, et Reporters Sans Frontières classe la France au 44è rang des nations en termes de respect de la liberté de la presse, ce qui relativise la portée des déclarations affectueuses de Guéant, qui ne manquera pas de récupérer ce sordide fait divers pour se faire mousser sur la sécurité menacée par les pas-de-chez-nous.
Revenons-en à Charlie Hebdo, et en l’occurence aux « coupables présumés » comme dit Sarkozy. Rappelle-toi, Barbara, il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là et laisse-moi tranquille j’ai un article à finir. Le patron de Libé a annoncé mettre ses locaux à disposition de l’équipe de Charlie, qui connaît bien les lieux, et Delanoé s’est engagé à reloger le journal satirique avec une célérité dont il est peu coutumier dans le domaine du logement social. Malgré l’amour que mes coreligionnaires portent à l’autodafé (j’inclus les islamistes qui ne sont qu’une variété dévoyée du christianisme intégriste), j’encourage Charlie Hebdo et ses lecteurs qui in fine font vivre le journal à poursuivre la lutte contre la connerie sous toutes ses formes, politique, religieuse, footballistique, médiatique, et à se défier des soutiens hypocrites des poseurs de muselières, bien qu’il m’en coûte depuis « l’affaire Siné ». Et il ne sera pas dit qu’un futur pape laissera la concurrence brûler les athées et les séditieux.
Dans une prochaine bulle papale, nous inviterons les fidèles à emmener tous leurs livres de Marc Lévy, BHL et Philippe Val, et à en faire du compost, ce qui est plus écolo qu’un bûcher. Non que ces livres soient particulièrement dangereux pour la foi, mais qu’est ce qu’ils sont chiants.
Je ne voudrais pas contrarier l’infaillibilité papale, mais tu as écrit « Siné hebdo » : c’est « Siné mensuel », maintenant !
Bien vu! Et le pire c’est que je le cherche toujours en kiosque tous les mercredi.
Ah ? A Brest, aucun souci ! J’en ai acheté deux exemplaires, je t’en envoie un, si tu veux…
Je le trouve facilement, c’est juste que je ne me fais pas à l’idée qu’il ne soit plus que mensuel. Merci quand même camarade!