Petite mise au point à l’intention de ceux qui voudraient tenir le Graoully en laisse

Amis messins, bonjour ! Je vous écris depuis la pointe Bretagne où j’ai décidé d’entretenir un chouïa nos lecteurs de la façon dont fonctionne notre webzine préféré. De récents événements m’ont en effet montré que cela n’a pas l’air d’être clair pour tout le monde…

Alors voilà : le Graoully déchaîné, il faut le dire et même le crier sur les toits, n’est pas un webzine comme les autres. C’est une drôle de bête, montée par une drôle d’équipe. En effet, c’est un webzine libre, je dirais même totalement libre, dans le sens où les rédacteurs qui y participent sont totalement libres de dire tout ce qu’ils veulent ; il n’y a aucune censure interne. Bien entendu, il y a des administrateurs, mais leur rôle se borne, d’une part, à s’assurer que les différents articles sont écrits suivant un respect minimal de la syntaxe (non pas parce que nous sommes aussi tatillons que les instituteurs républicains de l’ère missionnaire, mais reconnaissons unanimement qu’il est pénible de lire un texte « écrit » sans considération syntaxique aucune) et, d’autre part, à veiller qu’aucun écrit publié n’enfreigne grièvement la loi : sont à ce titre prohibés les messages d’incitation à la pédophilie et les propos racistes, xénophobes et homophobes, moins par peur de subir les foudres de la justice française que parce que la liberté d’expression ne peut se contredire elle-même ; il est en effet contradictoire de proclamer, au nom de la liberté, qu’un certain nombre de personnes n’auraient pas le droit d’accéder eux aussi à cette liberté en raison de leur origine ethnique, de leur couleur de peau ou de leurs préférences sexuelles – tant que ces dernières ne se traduisent pas par des violences physiques et morales exercées à l’encontre des seuls membres de notre société qui n’ont aucun moyen physique, intellectuel ou juridique de se défendre contre les attaques d’un adulte, à savoir les mineurs.

Un exemple d’usage dévoyé de la liberté.

À l’intérieur de ces limites, finalement peu contraignantes dans la mesure où les franchir se traduirait par le soutien à des idées infamantes, les rédacteurs du Graoully sont libres de tout dire ; j’en parle en connaissance de cause, moi qui ai pu écrire ici même des articles extrêmement virulents contre le football, alors que J. Bernardin, ci-devant président de l’association qui travaille au développement du webzine, est lui-même supporter de foot et ne s’en est jamais caché dans ses propres articles : cette liberté qui est accordée à l’ensemble des rédacteurs peut amener effectivement à ce que ces derniers expriment des opinions contraires les unes aux autres. Pourquoi ? Premièrement parce que les rédacteurs sont tous bénévoles : ils prennent sur leur temps libre pour faire vivre le Graoully ; à ce titre, censurer leurs écrits serait une marque de manque de respect intolérable, et il va de soi que tout administrateur qui s’y laisserait aller pour des raisons autres que celles qui ont été développées plus haut devra s’en expliquer. Deuxièmement, et c’est là l’explication la plus déterminante, parce que ce webzine possède sa propre éthique, je dirais même sa propre philosophie : composer un webzine où tout le monde se contente de rabâcher la même idée ne nous intéresse pas, on voit ça partout. « L’actualité par ceux qui la vivent » est plus qu’un slogan : notre but est bel et bien de donner la parole à ceux qui vivent l’actualité et subissent, directement ou indirectement, les effets des différents événements ; à ce titre, nous tenons compte du fait que chacune des ces personnes porte sur ces faits un regard qui est le sien et qui a le droit d’être entendu et respecté. Il serait donc contradictoire de vouloir donner la parole à tous ces inconnus qui ne seront jamais tous d’accord entre eux ET donner l’illusion que toute l’équipe rédactionnelle du webzine serait d’accord sur tout. Bref, vous l’avez, je l’espère, compris : les opinions exprimées dans un article du Graoully ne sont celles QUE de l’auteur de l’article en question et ne sauraient refléter celles de l’ensemble de l’équipe, les administrateurs du site dont je fais partie s’efforçant de garantir que les opinions de chacun trouvent ici l’espace d’expression libre qu’elles méritent. À ce titre, les administrateurs du site ne reconnaissent donc pas de responsabilité directe relative au contenu des articles autres que ceux qu’ils signent.

Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que, comme je vous l’ai dit, tout cela n’est manifestement pas évident pour tout le monde : le public est maintenant habitué, hélas, à ce qu’au sein d’un journal, tous les rédacteurs parlent d’une seule voix et à ce que le travail de journaliste se résume à dire ce que le patron veut bien vous laisser dire ; le Graoully a justement été créé en réaction contre cette corruption de la presse écrite, dans l’espoir donquichottesque de faire triompher la liberté de la presse contre les coups de boutoirs des grands patrons qui phagocytent les organes de presse et ceux du pouvoir politique qui voudraient tenir les journalistes en laisse. Quoi qu’il en soit, l’idée suivant laquelle des opinions contraires peuvent s’exprimer au sein d’un même organe de presse n’est plus évidente pour tout le monde : je l’avais pressenti moi-même il y a maintenant trois ans et j’en ai eu la confirmation le week-end dernier. Le pressentiment m’est parvenu lorsque j’étais encore en khâgne : notre professeur de philosophie, homme honorable en tout point, nous avait évoqué le cas d’un vieux chroniqueur du Figaro qui avait perdu son poste au sein de ce quotidien suite à un article de son cru où il avait comparé les défenseurs du libéralisme économique à une secte ; parmi les élèves qui réagirent à cette annonce, il fallut compter un jeune homme, lui aussi honorable en tout point, qui avoua que ce licenciement ne le choquait pas, considérant qu’il n’était que l’application de la ligne éditoriale du journal – mon honorable collègue oubliait au passage, de même que les gros bonnets du Figaro, que la devise du journal est cette citation de Beaumarchais, « Sans liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ». J’y ai vu une marque d’un certain cynisme et d’un relatif apolitisme de la jeunesse, désormais résignée à ce que les journalistes se contentent de dire ce que leurs patrons leur ordonnent de dire. Sauf le respect que je dois à ce jeune homme que j’estimais beaucoup et que j’estime encore, je suis content de faire partie de l’équipe d’un webzine qui le contredit sur ce point. Mais ce n’était encore là, je le rappelle, qu’un pressentiment.

La confirmation de cet aspect de l’air du temps, je l’ai donc eue ce week-end avec quelques soucis (sur lesquels ,pour éviter leur aggravation, je ne donnerai pas de précisions superflues) que nous a valus un article de notre ami J.Bernardin qui avait écrit, suite à l’annonce de la mort du petit Christopher qui avait fugué du foyer où il avait été placé, un article traitant de la protection sociale de l’enfance et de certains dérapages, des manques de moyens des centres d’éducation et des conditions de vie déplorables des jeunes. Les soucis en question n’ont pas été d’une gravité majeure, ce dont il faut se réjouir, car, enfin DE QUI SE MOQUE-T-ON ? On marche sur la tête, là, à la fin ! Qu’est-ce que c’est que cette atmosphère de flicage ? On est en démocratie, oui ou merde ? Ça commence à bien faire, de ne pouvoir rien dire sans se faire littéralement assaillir ! Si encore J. Bernardin avait tenu une opinion personnelle (et critiquable en tant que telle : toutes les prises de position, y compris les plus généreuses, sont critiquables), mais il n’a fait que relayer une réalité constatable sur le terrain ! Lui reprocher ça, c’est reprocher à un journaliste de dire ce qui se passe en France, donc de faire ce que l’on attend de lui ! Sans compter que c’est TOUT le Graoully que l’on a voulu incriminer, ce qui est tellement absurde que j’ai jugé qu’il n’était pas superflu d’expliquer comment fonctionne notre webzine ; je l’ai dit, je le répète : les administrateurs du site N’EXERCENT AUCUN CONTROLE IDÉOLOGIQUE VIS-À-VIS DU TRAVAIL DES AUTRES RÉDACTEURS. Messieurs, les censeurs, je vous le demande donc solennellement : si un article vous déplaît, dites-le directement à son auteur, mais laissez les autres en paix ! De toute façon, quoi que vous fassiez, vous ne nous empêcherez pas d’exercer librement notre droit à la parole ! Comme le dit la devise de notre vénérable confrère Le Canard enchaîné, « la liberté de la presse ne s’use que si on ne s’en sert pas ». Qu’on se le dise !

D’ailleurs, cet article est à lui seul une preuve de la liberté qui règne au sein du Graoully : je ne prétends pas, en effet, parler au nom de toute l’équipe. J’ai seulement voulu dire ma façon de penser à ceux qui voudraient tenir le Graoully en laisse et il est presque certains que les autres administrateurs du site ne manqueront pas de me dire qu’ils auraient préféré que je ne parle pas de ça ; mais maintenant que le mal est fait, sachez que je me tiens pour seul responsable de ce que je viens d’écrire. Si un autre rédacteur de ce webzine était tenu pour responsable de MES propos, ce serait là une erreur contre laquelle je serais le premier à m’insurger ; je suis prêt à assumer SEUL les conséquences que pourraient entraîner la publication de cet article. J’ajoute cependant que si lesdites conséquences venaient à être fâcheuses en ce qui me concerne, ce sera la preuve d’un climat pour le moins néfaste car je ne pense pas avoir écrit quoi que ce soit pouvant me mettre en infraction vis-à-vis de la loi et je n’exerce pas de profession me contraignant à un devoir de réserve concernant les sujets évoqués. « Liberté, liberté chérie, combats avec tes défenseurs ! » et il est rare que je cite la Marseillaise !

(Amis de Lorraine, kenavo.

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