POULET DE PRESSE n°21

Graoulliennes, Graoulliens, amical bonjour de la pointe Bretagne ! Non, je ne vous ferai pas de « poulet de presse spécial DSK », non seulement parce que j’ai déjà dit à quel point cette affaire me courait sur le haricot mais aussi parce que le « poulet de presse spécial Ben Laden » m’a déjà servi de leçon concernant l’intérêt réel de certains quotidiens français. Allez, assez discuté, au boulot !

L’Humanité n°20659 (6/05/2011) : La dernière fois que j’avais cité ici le journal que Desproges baptisait « le bulletin de l’amical de la lutte finale et des casquettes Ricard réunies », c’était dans le tout premier numéro de cette rubrique, en septembre dernier ; et encore, je l’avais acheté à ce moment-là parce que la rédaction de L’Huma avait invité l’équipe de Fluide Glacial à animer ses pages ! Même cas de figure pour ce numéro sur lequel je me suis précipité dès que j’ai appris que le journal invitait Christophe Alévêque à être son rédacteur en chef d’un jour ; je vais même vous dire franchement, je n’ai lu quasiment que les textes signés par l’humoriste ! Vous le voyez, malgré les apparences, je m’intéresse plus à l’humour qu’à la politique – retenez bien ça, vous comprendrez ainsi bien des choses sur certains de mes textes. La circonstance que constituait le jour de parution de ce numéro justifiait à elle seule l’appel à Alévêque puisqu’il s’agissait de l’édition du 6 mai 2011, jour du quatrième anniversaire de l’élection de Sarkozy, et c’est là un jour qu’Alévêque, antisarkoziste primaire de la première heure, ne rate jamais depuis 2007. Ce soir-là, le coup de grâce, pour lui comme pour beaucoup de gens, fut l’apparition à l’antenne de Mireille Mathieu chantant les mille colombes : le foutage de gueule prenait alors des proportions inouïes, d’où l’idée de l’humoriste d’y répondre par un autre foutage de gueule d’ampleur, la formation de la chorale des mille colombes qui, depuis, vient chaque année, le 6 mai, devant le Fouquet’s, commémorer cette soirée mémorable d’indécence et de ridicule et que son créateur qualifie de « madeleine de Proust mal digérée » pour les parangons de la Sarkozie : à Nicoléon et ses sbires qui essaient de faire oublier ce que les journaleux appellent pudiquement une « erreur de communication », Alévêque et ses copains répondent qu’on n’oubliera jamais. C’est de l’humour de résistance ou je ne m’y connais pas ! Bref, Alévêque était l’invité tout désigné pour un journal voulant faire le bilan de Sarkozy, et seul L’Humanité a osé le faire ; j’aurais pu les féliciter d’une façon ou d’une autre mais, salaud que je suis, je n’ai même pas racheté leur journal depuis ! Tant pis pour eux mais tant pis aussi pour les autres qui ont raté quelque chose en n’invitant pas l’humoriste, car Alévêque s’est livré à un jeu de massacre salutaire dont personne ne sort indemne et qui invite même parfois à réfléchir comme en témoignent des aphorismes tels que « Pouvoir : les puissants ont inventé la morale pour empêcher les misérables d’accéder à la puissance. » ou « Révolution en Tunisie, un exemple pour nous ! Ça prouve que sans parti d’opposition, on peut se débarrasser d’un président. Le problème, chez nous c’est qu’on en a une. » Alévêque, à cet égard, me fait mois penser à Coluche qu’à Guy Bedos, chez qui on retrouve le même désenchantement exempt de résignation, le même esprit chansonnier ; je vous parle de Coluche parce qu’en quatrième de couverture, Alévêque annonce au conditionnel son intention de se présenter aux prochaines présidentielles (confirmée depuis) et de marcher, donc, dans les pas de « l’andouille qui fait l’imbécile ». On va bien voir ce que ça va donner…

Le Canard enchaîné n°4723 (4/05/2011) : Voici le numéro du Canard paru juste après l’annonce de la mort de Ben Laden, laquelle occupe évidemment la « une » avec « Obama à Ben Laden : Yes, tu cannes ! » Ah-ah ! Ah-ah ! Ah-ah ! Bon, assez ri. Force est de constater que cet événement n’a pas trop intéressé l’équipe du vénérable hebdomadaire satirique qui n’y consacre que le texte d’Erik Emptaz en couverture, texte qui ne nous apprend pas grand’ chose de plus, sur les retombées à venir de cette mort, que ce qui a déjà été écrit dans les autres journaux, signe que ces considérations relèvent du bon sens élémentaire : chute d’un symbole que peu regretteront, printemps arabe qui signifiait déjà un recul de l’islamisme, regain politique pour Obama, délires sécuritaires qui ne prennent pas fin pour autant, etc. De toute façon, à chaque fois que je lis le Canard, la page qui m’intéresse le plus, celle où j’apprends le plus de choses, celle où est davantage marquée la différence de l’hebdomadaire par rapport aux autres journaux est TOUJOURS la page 5. Ce n’est pas un hasard, c’est toujours comme ça ! M’a tout particulièrement marqué, cette fois-ci, l’encadré de Jean-Luc Porquet qui reprend, pour démontrer leur fausseté, les arguments des pro-nucléaires. Vous avez sans doute déjà entendu souvent l’argument pouvant se résumer par « c’est le nucléaire ou la bougie » ? Et bien Porquet nous rappelle que la France, que De Gaulle et ses successeurs ont couvertes de centrales, est quasiment une exception puisque « l’Australie, l’Autriche, le Danemark, la Grèce, la Norvège, le Portugal, l’Italie se passent très bien du nucléaire » sans en être pour autant resté à la bougie ! Continuons la lecture : « Rappelons qu’à l’échelle mondiale le nucléaire ne représente que 15% de la consommation d’électricité et 2,5% seulement de la consommation totale d’énergie. Qu’à lui seul l’hydroélectrique fournit autant d’électricité que le nucléaire. Et que, selon les analystes de l’Agence internationale de l’énergie, d’ici à 2030 la part des énergies renouvelables dans la production mondiale d’électricité devrait être loin devant l’atome, avec 23 %. » Bref, le nucléaire, ce n’est pas du tout l’avenir, c’est même la privation d’avenir. Arrêtons de jouer avec cette énergie qui, non contente d’être dangereuse, n’est même pas plus efficace que les autres.

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Zélium n°4 (mai 2011) : Bonne nouvelle, le taux de vente de Zélium a grimpé de 15 à 19% entre son n°1 et son n°2, ce quatrième numéro ne sera donc pas le dernier. Tant mieux, parce que je ne vois pas quel autre journal aurait pris la peine, pendant que tous les autres avaient les yeux rivetés sur le cadavre de Ben Laden, de se pencher sur le massacre annoncé de la forêt Khimki, près de Moscou, pour construire une autoroute financée par l’entreprise française Vinci, ainsi que sur la résistance d’une partie de la société civile, sous l’égide notamment d’Evgenia Chirikova. Vous pouvez vérifier, silence radio partout ailleurs (notez cependant que le Canard en parle aussi) ! La raison est simple : on ne veut pas que les Français sachent à quel point l’activité à l’étranger des « fleurons de notre industrie nationale » (prière de dire « nationale » avec des trémolos dans la voix sous peine de poursuites) peut être néfaste pour les populations ou l’écosystème des autres pays, c’est comme pour Areva au Niger… Zélium, le journal qui vous dit ce que les patrons français font avec l’argent qu’ils gagnent sur votre dos ! Il est encore temps de vous procurer ce journal dont je ne puis que trop vous conseiller la lecture, je vous laisse donc le plaisir de la surprise, mais je vais quand même signaler deux trucs significatifs ; tout d’abord, le billet de Corinne Maier qui prend la défense de l’actrice Anémone qui a avoué franchement sur l’antenne de France Info « J’aurais été plus heureuse sans enfants ». Corinne Maier a eu deux enfants, elle sait donc de quoi elle parle quand elle dit que la maternité n’est que rarement une partie de plaisir et que ce n’est même jamais le bonheur absolu qu’on nous vend dans la presse pourrie ; pour plus de détails, lisez son livre No Kid. C’est devenu assez classique dans la société où l’on vit : avant, les enfants, tu ne pouvais pas faire autrement que les avoir, donc tu n’étais pas censé les aimer, mais maintenant que tu peux ne pas en avoir, avec les progrès des moyens de contraception, la loi Veil et tout ça, quand tu en as, tu es censé les aimer, mais le problème, c’est qu’il y a des femmes qui font des enfants sans vraiment savoir ce qui les attend et n’ont de la maternité que l’image idéalisée et passablement fantasmée que les media en donnent ; résultat, pas mal de jeunes mamans ont beau avoir des enfants voulus, le fait que s’en occuper ne soit pas aussi facile qu’elle le croyaient fait naître en elles une rancœur contre ces enfants, rancœur qu’elles n’oseront jamais avouer. Saluons donc Anémone pour avoir osé briser ce tabou ! L’actrice n’a d’ailleurs même pas été une mauvaise mère, elle a juste été une mère « suffisamment bonne », c’est-à-dire qui s’est occupée correctement de ses enfants sans les martyriser ni les dorloter. Qu’est-ce qu’il faut de plus, du moment que ça donne des sujets équilibrés ? Mais apparemment, c’est pas encore assez pour notre société néo-pétainiste qui a rendu obligatoire pour toutes les mères le bonheur d’avoir des enfants… Deuxièmement, dans le même ordre d’idée : j’avais déploré, à propos d’un autre numéro de Zélium, que le dessinateur Clé ait échoué à dévaloriser, comme il en avait manifestement l’intention, la police en nous montrant le bébé d’une prostituée devenir CRS : la putain semblait si heureuse d’avoir un petit garçon, son bonheur est si touchant de tendresse ! Donc, Clé corrige le tir dans sa B.D. parue dans ce numéro 4, B.D. où une jeune maman plonge dans le sable la tête de son petit garçon (qui lui sourit amoureusement) pour se venger des kilos que lui a fait prendre sa grossesse… Aaaah, voilà l’humour « bête et méchant » comme je l’aime !     

En voilà justement une dont la maternité commence bien...

Fluide Glacial n°420 (juin 2011) : Ce n’est plus un secret : début juin, Thierry Tinlot quittera son poste de rédacteur en chef de Fluide Glacial, qu’il occupait depuis six ans, pour rejoindre l’équipe du quotidien belge Le soir ; il sera remplacé par Chistophe Goffette. La morale est sauve : Tinlot n’a pas démérité pendant ces six ans, le fait qu’il soit reste en place deux fois plus longtemps que ses prédécesseurs depuis le début des années 2000 (Ronan Lancelot puis Albert Algoud) montre que les grosses légumes de chez Flammarion ne s’y sont pas trompées, et s’il part pout un autre emploi, c’est qu’il n’est pas viré comme un malpropre, donc que son travail est reconnu. Quant à Goffette, fan des Monty Pythons et journaliste d’expérience, il a le profil pour diriger le journal d’umour et bandessinées… La morale est sauve, je vous dis ! Ce numéro 420 sera donc probablement le dernier (ou l’avant-dernier, dans le meilleur des cas) à avoir eu Tinlot comme rédacteur en chef. Signalons-y déjà la formidable couverture de Leborgne (je ne vous la décrirai pas, vous n’avez qu’à lire le journal), grand humoriste que je considère comme un maître de l’humour noir depuis son dessin restituant la quintessence même de ce type d’humour : un condamné à mort demande au médecin qui va lui faire la piqûre fatale « c’est une seringue stérile, j’espère ? » Sublime ! Ensuite, je ne sais pas si vous vous rappelez, mais la dernière fois que je vous parlais de Fluide, je signalais qu’Isa prenait la relève de Gaudelette à l’édito ; en fait, cette rubrique sera désormais assurée chaque mois par un auteur différent et, ce mois-ci, c’est l’excellent Dutreix qui s’y colle. Dutreix, cela dit, ne semble pas se juger digne lui-même de cet honneur… Je vous avais aussi dit que Tinlot nous promettait des parodies de séries télé ; promesse tenue avec Chauzy et Lindingre qui nous livrent six pages parodiant Les Sopranos et avec Fabcaro et Fabrice Erre qui entament Nip tuck ni soumises ; je ne connais pas du tout ces séries, et pourtant, je comprends tout, preuve du talent des auteurs de ces parodies… Je vous avais aussi dit que je ne voyais pas quelle série parodiait Mo/CDM avec GeekWar ; en fait, il entamait une nouvelle série qu’il poursuit dans ce numéro. La caricature qui y est fait des geeks, pratiquement zombifiés, est très drôle et plutôt pertinente… Mais l’événement, dans ce numéro, c’est le cahier spécial de dix pages consacré au Sud de la France et orchestré par l’incontournable Thiriet : tous les auteurs qui y ont participé connaissent la région, c’est donc en parfaite connaissance de cause qu’ils en parlent, même si certains se laissent aller à la caricature, sans grande méchanceté d’ailleurs. Ça fera peut-être plaisir à Carmen la niçoise… Allez, kenavo !

Ceci n'a rien à voir avec le contenu de l'article mais j'avais quand même envie de vous le montrer... Ben oui, c'est le GRAoully, ici !

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