Le bal des faux-culs

Alors voilà, Kadhafi a démontré qu’il était moins doué à cache-cache que Ben Laden et Saddam Hussein, et il a rejoint ces derniers au cimetière des carnassiers. Un dictateur de moins, c’est toujours ça de pris, mais j’ai mal à partager l’enthousiasme et « la fierté » de Sarkozy et de ses ministres qui s’en attribuent le mérite presque à parts égales avec les courageux Libyens, d’autant plus que les mêmes héros de la Libération de nos frères africains léchaient encore les babouches du colonel il y a peu de temps, en se donnant du frère et de l’ami de la France.

Chacun se souvient des prémisses de l’amourette: Kadhafi était alors un odieux terroriste qui détenait des armes de destruction massive et des malheureuses infirmières bulgares. Grâce à la médiation de Cécilia ex-Sarkozy(qui est descendante d’Albeniz, mais que fut-il advenu si Carlita eut dû pousser la chansonette pour le tyran?), Muammar revint à de bons sentiments, et promit de partager un peu de son pétrole en échange de quelques centrales et d’un système de flicage de la population made in France. Les droits civiques des Libyens n’entraient pas en ligne de compte, parce que la compétitivité de la France est à ce prix. Puis vint le printemps arabe, et subitement la cote de popularité de Kadhafi dans son pays chuta encore plus vite que celle de son homologue français. Toujours prompt à changer sa Rolex de poignet, Sarko décide alors que trop c’est trop, envoyons des armes aux rebelles sous l’égide de l’OTAN et sous peine de finir comme Alliot-Marie. Et hier soir, les membres du CNT firent donc avaler son bulletin de naissance au dictateur, sous les vivats de la communauté internationale. Les circonstances de la mort de Kadhafi restent obscures, Gérard Longuet et le pompeux cornichon BHL en donnent même deux versions différentes qui ne sont pas sans évoquer l’arrestation de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, et qui jettent le doute sur le rôle de l’armée tricolore dans ce qui ressemble de loin à une exécution sommaire. Et le bal des faux-culs de s’ouvrir avec force trompettes et flonflons.

Berlusconi, qui sent la fin venir, se contente d’un sobre « sic transit gloria mundi » pour saluer la disparition de son copain. Sarkozy, qui essaie de faire oublier que les Libyens étaient régulièrement tabassés et bigbrotherisés par la technologie française, appelle au pardon et à la réconciliation nationale. Hortefeux voit en son ami président le champion du monde des droits de l’Homme, un peu comme si Christophe Maé voyait en Grégoire le digne héritier de Léo Ferré. Arno Klarsfeld, jamais à court d’une ânerie constate que « quand on est dans le rang, on peut planter sa tente à Marigny, quand on sort du rang on vous coupe la tête ». On se demande de quelle largeur est le rang au vu du nombre de dictateurs qui meurent dans leur lit, peut être faudrait-il demander à Total ou à Areva qui engraissent pas mal de dictatures de par le vaste monde. Il ajoute quand même que des accords pourraient être conclus entre la France, le Royaume-Uni et la Libye, pour « contenir les réfugiés qui viendraient du sud de la Libye », tant il est vrai que la démocratie naissante en Libye ne connait pas encore l’insécurité et l’immigration choisie. On pourrait citer nos valeureux champions de la démocratie pendant des semaines, et on peut être certain que sans le printemps arabe et la mobilisation populaire, Kadhafi ferait toujours du camping-car librement sur les routes d’Europe et MAM se ferait encore bronzer les varices en Tunisie sans que personne n’y voit rien de blâmable. Pendant ce temps, en Grèce, en Espagne, au Portugal, en France, et jusque devant Wall Street, la démocratie n’est pas menacée par un autocrate sanguinaire mais juste par les agences de notation et le système financier libéral sous le regard interdit de la communauté internationale. Ah, mais c’est pas pareil, faut pas tout mélanger…

Dans un prochain épisode, puisque nous aimons tant mélanger des choses qui n’ont à priori rien à voir, nous nous amuserons à intervertir les commentaires relatifs à la mort de Steve Jobs et à celle de Muammar Kadhafi.

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