Les hôpitaux de Metz lavent plus blanc

 

« Linge et machine durent plus longtemps avec Calgon »

Syndicat du cerveau disponible

 

Outre sa prestigieuse histoire de cité plurimillénaire, capitale de l’Austrasie et  terrain de jeux de moults serial-killers, Metz peut se targuer d’être une ville à l’actualité trépidante. Hier soir, le berceau de Paul Verlaine brillait encore plus que de coutume après que l’une de ses filles a prouvé à la France ébahie que le Messin ordinaire ne mangeait pas que de la quiche en se saoûlant à la mirabelle en sortant de la mine ou de Pôle Emploi. Le Graoullien et la Graoulienne de longue date, lecteurs exigeants habitués à des articles de haute tenue culturelle rédigés en une langue où la flamboyance du style le dispute à la rigueur éthylico-philosophique de l’analyse, sont en droit de se demander pourquoi je râcle les bas-fonds de la télé-poubelle, alors que le monde libre tremble sur ses bases à cause de ces salauds de Grecs qui empêchent la Société Générale de racketter ses clients discrètement et que la liberté de la presse est menacée par les ennemis de Gillette douze lames qui arrache le poil en faisant des bisous à l’épiderme rougi. C’est qu’avant de sombrer dans l’exhibitionnisme gastronomique et de montrer ses poêles à tout le monde, la donzelle exerçait dans le privé la noble profession d’infirmière.

Cette pénible introduction ne vise en fait qu’à nous amener sans vergogne à un sujet nettement moins gaudriolesque. La semaine dernière, une salariée de la blanchisserie des hôpitaux de Metz a tenté de mettre fin à ses jours sur son lieu de travail, s’estimant victime de harcèlement moral. Aussitôt, le syndicat interhospitalier de la blanchisserie de Metz s’est mis en grève (SIBM), malgré les efforts de la direction pour faire passer cette grève pour illégale. L’Agence Régionale de Santé s’est même fendue d’une intervention pour contredire les mandarins de la lessive hospitalière. On a beau avoir le régime de Sécurité sociale le plus favorable de France, on n’en est pas moins soumis aux mêmes esclavagistes que le reste de nos compatriotes. Pendant ce temps, Sarko et Obama se font des léchouilles en se pavanant sur la Croisette (Seigneur gardez-nous de voir Mme Merkel  laisser  s’évader une protubérance mammaire comme Sophie Marceau), en dépeçant le félon Papandréou. Et cette sombre histoire de suicide en environnement buandaire est symptomatique de ce qui se joue chez les sauveurs de la finance. L’hôpital public est l’une des cibles privilégiées des rapaces qui nous gouvernent à la schlague et à la tirelire maigrichonne: depuis la mise en place de la tarification à l’activité et de la mutation des établissements en entreprises pri(v)ées d’être rentables, les CHU sont obligés de se charger du gros-oeuvre (notamment les urgences et la logistique) tout en hébergeant les praticiens privés qui se gargarisent avec les opérations lucratives en maniant le dépassement d’honoraires avec plus d’appétit que Pete Doherty pour les psychotropes de toute sorte. Et comme d’autres services publics à deux doigts de l’interdit bancaire, les hôpitaux ont de plus en plus recours aux vacataires et aux intérimaires qui ont l’avantage d’être peu syndiqués, au détriment de la qualification et au bonheur de la maladie nosocomiale tapie dans le couloir du service de chirurgie comme Marine Le Pen dans la Droite Populaire.

Au risque de me répéter, risque que je prends volontiers tant je sais que vous buvez mes paroles (ne pas conduire après), la déliquescence de l’hôpital n’est pas qu’une question de picaillons. Aux malheureux électeurs frustres qui ne se cultivent que sur TF1, je précise que cette ruine du bien public est savamment orchestrée. Le déficit de la Sécurité sociale, la dégradation des conditions de travail dans tous les services publics, les économies de bouts de chandelle où l’on coupe la bougie à la tronçonneuse, n’ont pas d’autre but que de tout privatiser et de refiler le bébé rachitique au privé, qui ne se gênera pas pour ajuster la prestation à la capacité de paiement de ce qui ne sera plus un usager mais un client. A titre d’exemple, rappelez-vous l’époque bénie où les trains de la SNCF arrivaient sinon à l’heure, au moins à bon port. Prenez un train ou faites-vous soigner en Angleterre, et vous aurez saisi mon propos. Aussi madame cadre administrative de la blanchisserie, vous assuré-je de mon indefectible soutien contre les gestionnaires mesquins qui ne savent pas différencier le prix de la valeur de la santé publique.

Dans un prochain épisode, nous caricaturerons tous les prophètes de la ruine qui essayent de nous faire croire que le monde s’écroulera si la Grèce renonce à l’euro qui est la plus grande invention de l’esprit humain depuis la roue.

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