La poésie est une clameur.

La poésie…

Certains y opposent le discours informatif, scientifique bien que toujours galvaudé par qui distille l’information et dans quel alambic il le fait, un de ceux que l’on nomme « alambics charolais »  ou plutôt ceux équipés d’une colonne de reflux …  comme une colonne vertébrale qui expire.

Mais la poésie est aussi informative, scientifique, elle ne donne pas l’information, elle la fait trouver, le regard poétique permet de voir ce que l’on ne voit plus, ce que certains enfants voient encore quand on les extirpe de leurs carapaces de consommateurs en herbe. Ce que l’on voit, ce que l’on découvre l’a été par nous-mêmes, l’information peut alors être à la fois information, sensation, émotion, silence, musique et surtout elle nous intéresse comme aucune autre car elle convient exactement à l’horizon d’attente que l’on avait.  La confrontation avec une découverte (de même nature poétique) d’autrui est alors beaucoup plus riche qu’un débat journalistiquement codé où s’affronte des idées programmées, sur beaucoup de sujets on sait à l’avance que certain-es vont tenir telle position, d’autres la même avec telle nuance, d’autres la position opposée attaquée d’un angle que lui aussi on sait à l’avance etc.

Le débat poétique permet une fusion. Les participant-es sortent de la chrysalide où ils avaient découverts , ils/elles écoutent les autres découvertes, et y trouvent non pas une surenchère, non pas un conflit mais un autre vers s’ajoutant à celui qu’ils/elles avaient trouvés, cette addition ne crée jamais le surnombre conflictuel car la beauté des mots se régénère. Un poème ça se prend en toute liberté, que la Préface de ferré n’aie pas été écrite pour rien ! On fait ce que l’on veut d’un poème !  Même si l’on sait que son auteur parlait d’un sujet précis, on peut décider , que pour soi, ce poème parle d’un autre sujet, autre sujet qui sera venu des mots employés et ayant résonnés contre les parois de ce nous, propres à chacun, ne produisant pas le même son sur chaque paroi, mais réussissant à éclore d’émotions comme éclot la rosée d’on ne sait où.

La poésie (ou voir la vie poétiquement ou simplement ne pas oublier que l’émerveillement est une superbe sensation à vivre ) empêche le contentement, elle rassasie et ouvre l’appétit dans la même seconde, elle rapproche des éléments, elle personnifie l’impersonnifiable, elle démoule les normes si présentes dans le langage utilisé de nos jours pour communiquer, avez-vous remarqué que,  de manière générale on ne parle aux inconnu-es que pour leur acheter ou leur vendre quelque chose , avec une politesse qui cache un « j’en-ai-rien-à-foutre-de-toi » tacite, consenti et certes pas méchant, induit par l’instinct marchand qui nous fait manipuler de l’argent pour gérer nos vies. La poésie est l’exacte contraire de cela, on ne gère pas sa vie, on la vit ! Un objet (billet ,pièce par exemple) ne doit pas être plus important que nos personnes dans un rapport humain. S’en contenter , c’est ériger en tyran le morne, le tout-puissant-morne, qui sans qu’on le sente, s’insinue, narcissique et inodore, et nous fait d’une belle vie une vie sans hauts, juste des bas. « Quand on a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a » voilà une phrase qui a coûté beaucoup à l’homo-sapiens, en acceptant des conditions inqualifiables sous prétexte qu’il faut aimer ce que l’on a, on les a rendues habituelles, et le racisme, le sexisme et plus généralement toute violence idéologique ou physique sont devenus quotidiennes, faisant partie des choses que l’on a, et que l’on accepte…

« Quand on a pas ce que l’on aime » : la phrase est biaisée d’entrée avec ce verbe « avoir » qui ne peut coexister avec  les verbes « être », « rêver », « tenter », et surtout « aimer ».

Bien sur, de temps en temps,  la mélancolie, le vague à l’âme, la tristesse inhérente à toute prise de risque manquée, s’invitent à la table ou cave, sans alambic, mais avec des fontaines à absinthe, avec des poèmes de Rimbaud, acceptons là, elle aussi est source de beau, qui a décrété que le beau ne concernait que le bonheur ? la mélancolie, n’est-ce pas trouver beau une tristesse, et tirer de ce beau, même en cet instant spleeneux, du bonheur ?

Bien sur il faut accepter la poésie, ne pas la voir comme un bel objet décoratif posé sur un meuble, elle ne fait pas partie des meubles, elle est dans nos yeux, et bien au delà dés lors qu’on l’a apprivoisée et qu’elle en a fait de même de nous. Se rappeler de ses sens à travers le langage, moi je trouve ça magique que des mots, pensés et écrits ou dits puissent frôler chaque sens (parfois simultanément) , la vue qui s’emplit d’images poétiques,  l’ouïe qui entend des mots harmonisés, qui s’ils n’avaient aucun sens ou auraient étés écrits dans une langue inconnue sonneraient quand même ; le goût, ça se met en bouche, une belle phrase doit être belle à l’oral pour sonner à l’écrit, le toucher quand le mot est caresse , l’odorat un des sens renvoyant le mieux aux souvenirs enfouis dans nos mémoires et pouvant être ravivés par la poésie d’une odeur (de lilas, d’automne, de terre, de cuisine, de personne…).

 

http://www.youtube.com/watch?v=swESoyq1PoUPréface

 

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