Mon 06 pour 500 signatures

 

Aujourd’hui et jusqu’à plus ample informé, pas de chronique immondaine. Il faut savoir se renouveler de temps à autre, sans quoi on commence à sentir le renfermé ou la naphtaline, et avant que d’avoir commencé à vivre, on se retrouve en charentaises à bourrer sa pipe sur un rocking chair, un chat sur les genoux et de la purée Mousseline à tous les repas. Pourquoi cette fièvre réformiste alors que je pourrais me contenter de surfer sur l’immense ferveur que soulève chacun de mes articles, à telle enseigne que les hommes se découvrent sur mon passage et que les femmes me supplient de toucher leur ventre pour leur assurer une descendance abondante et vigoureuse?

La raison est simple: il faut savoir finir un cycle. Non seulement nous avons gaillardement franchi la barre symbolique des mille articles publiés sur le site, mais j’en ai déjà personnellement rédigé cent vingt-deux, et à cent vingt trois il faut changer. La preuve: en l’an 123 du calendrier julien, l’empereur Hadrien aurait passé l’hiver à Nicomédie. Toujours pas convaincu? Le 3 mai est le 123è jours de l’année. Et bien le 3 mai 1984, Julio Iglesias a reçu cent millions de dollars pour faire la pub de Coca-Cola pendant trois ans, et le 3 mai 1971 est décédé le plus grand chroniqueur de tous les temps, Alexandre Vialatte (au moins jusqu’à ce que je sois publié à titre posthume, en tout cas). Alors s’il vous plaît je vous en prie.

Maintenant que j’ai apporté la preuve irréfutable que la chronique immondaine est frappée d’obsolescence, voici comment nous allons procéder. J’ai observé que malgré tous les sachets de subjectivité que j’infusais dans ma prose, ça sentait le rédigé derrière un bureau de nacre, un verre de cognac à la main et un cigare au bec, vêtu d’un costard blanc et d’une cravate bleu ciel comme Tom Wolfe, pendant qu’une naïade joue les Gymnopédies d’Erik Satie en arrière-plan. Ca sent trop le moraliste imbibé d’éthanol et de soi-même, ça manque de vécu, de terrain. Aussi ai-je décidé, après une longue concertation avec moi-même, de ne plus dire ce que je pense des turpitudes de notre vaste monde, et de vous présenter l’actualité comme si elle m’était arrivé à moi, parce que c’est quand même le sujet qui m’intéresse le plus.

Ainsi donc, figurez vous que j’ai un mal de chien à réunir les cinq cent paraphes de maires nécessaires pour faire don de ma personne à la France. Pourtant, il y a trois mois, j’y croyais dur comme acier de la Fensch. Je me voyais déjà siroter une vodka diplomatique avec Poutine, je  m’imaginais aux prises avec l’hydre de la finance, faisant barrage de mon corps pour sauver la veuve grecque et l’orphelin syrien, je rêvais de semer les éoliennes à tout vent, et je me forgeais mentalement des statues sur les places de toutes les villes de France, où les citoyens se regrouperaient en chantant l’hymne national et en se frappant le coeur, ivres de gratitude pour mon nom béni synonyme pour les siècles des siècles d’anéantissement de la misère et de la servitude.

Mais, chienne de vie crotte de bique et boyaux de chat sa mère la femme de petite vertu, les rares hausses des sondages en ma faveur s’effondraient avec la célérité d’un Concorde sur Gonesse. Je n’avais pourtant pas ménagé ma peine, arpentant le pays dans toutes ses dimensions dans mon bus au choux de Bruxelles, qui présente l’avantage d’être moins cher que le colza et en plus c’est dégueulasse personne ne mange de ces cochonneries. J’ai supporté les conversations des vieux sur la météo, et me suis tancé d’importance à chaque fois que m’a effleuré l’envie d’alléger le déficit des caisses de retraite en leur faisant bouffer leurs bas de contention, j’ai fait la bise à des enfants baveux et mal éduqués, je connais les Miss de tous les départements tant j’ai participé à des foires au boudin ou à la machine à tricoter la toile d’araignée, j’ai bu plus de Picon Bière que Depardieu a descendu de jarres en allant chercher les abstentionnistes sur leur terrain, mais rien n’y fit.

J’étais à deux doigts de jeter l’éponge, et je ne parle pas de Depardieu et des piliers de PMU. Je glandais dans mon QG de campagne sis dans une serre à choux de Bruxelles, en méditant sur l’absurdité de la vie en général et de la vie politique en particulier. Les journalistes se foutaient de moi. Je ne me rasais plus, je picolais sec (enfin encore plus que d’habitude), et j’avais commencé à fumer les choux tant ma détresse était profonde. J’envisageais d’arrêter la politique avant que la politique ne m’arrête. De sortir de scène comme un vulgaire Sarkozy et de jeter aux orties une vie d’engagement. Un soir plus sombre que les autres, j’ai craqué et j’ai laissé un message à Jean-Louis Borloo pour lui annoncer que je soutenais sa candidature et que j’étais à court de rosé.

Heureusement, il m’a rappelé aussitôt. Il était aussi beurré qu’une palette de petits LU, et m’a dit en termes choisis que si j’allais me faire voir chez les Grecs, ça n’allègerait pas leur dette mais ça le soulagerait. Et soudain, l’illumination. La solution était dans ma main et ces escrocs de SFR me la facturaient 29,99 euros par mois, attendez un peu que je sois président bande de saligauds.

Aussi ai-je décidé de rendre public mon numéro de téléphone, et de me rendre disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour que les maires et les grands élus, émus de tant d’audace, fassent péter le standard en attendant que les électeurs n’en fassent de même avec les urnes. Notez bien, c’est le 06 63 88 58 44. Vous tomberez peut-être sur l’attaché parlementaire de Corinne Lepage, parce que je ne vais quand même pas donner mon vrai numéro, mais pensez bien à lui dire que c’est moi que vous voulez parrainer.

Vive la République, et vive la France!

 

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