Raconte-moi la mort de la gauche.

« Avec la gauche, on n’a pas tout ce qu’on veut, mais avec la droite, on a tout ce qu’on ne veut pas. » (Gérard Filoche)

« Annoncer la fin du clivage gauche-droite n’a pas plus de sens que d’annoncer la fin de l’Histoire. Dans les deux cas, c’est ignorer que le monde est en perpétuelle mutation. » (Gérard Biard)

Ici Brest, les Bretons parlent aux Lorrains ! Ah, il n’y a pas à dire, ça détend, un week-end sans élection ! Ce serait même un bonheur indicible si on avait droit à un peu plus de soleil… Quoi qu’il en soit, rappelons-nous l’état d’esprit général il y a cinq ans, peu après l’arrivée de Sarkozy à l’Élysée et la victoire de la droite aux législatives : il y avait une quasi-unanimité, et pas seulement dans les médias, pour annoncer la mort du parti socialiste et même, plus largement, de la gauche française dont les représentants semblaient désormais condamnés soit à trouver leur place dans la France sarkozienne soit à disparaître ; nous étions désormais entre les mains expertes de ce leader super-charismatique que le monde entier nous enviait, Nicolas Sarkozy 1er, lequel allait donc nous faire vivre dans ce monde heureux où la canaille restait à sa place, laissait les gens sérieux et compétents décider pour elle et se contentait de bosser, de bouffer et de la boucler, le « people » remplaçant définitivement le politique.

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La suite, on la connait : la crise économique passe par là et secoue vigoureusement les dogmes du capitalisme sauvage dont Sarkozy était le héraut, l’UMP se prend une veste aux municipales, aux régionales aux cantonales et même, grande première pour la droite dans l’Histoire de la Ve République, aux sénatoriales, ne doit sa victoire aux européennes qu’au désintérêt général dont ces élections sont encore l’objet, le PS mobilise un maximum d’électeurs à ses primaires citoyennes… Bref, pour un parti politique que tout le monde considérait comme mort il n’y a pas cinq ans, le PS n’a pas été long à montrer qu’il bougeait encore beaucoup : il a gardé le statut de premier parti de France en terme de nombres d’élus et vient de reconquérir le pouvoir avec la majorité absolue à l’Assemblée en prime. Du reste, peut-il vraiment disparaître du jour au lendemain ? Rien n’est éternel, mais le parti socialiste a tout de même une longue histoire, une base électorale stable et des implantations locales solides : en un mot, il avait survécu plusieurs fois à bien pire que la défaite de 2007.

Et même si le parti disparaissait lui-même en tant qu’organisation, les idées qu’il défend (plus ou moins bien, il est vrai) disparaitraient-elles pour autant ? Les idées de justice sociale, de respect de la différence et d’égalité entre les citoyens peuvent-elles disparaitre ? Répondre précisément à cette question demanderait de longs et âpres débats, mais une chose est certaine : quand bien même de telles idées disparaitraient, cela ne pourrait se produire du jour au lendemain et ne saurait résulter que d’une évolution morale observable uniquement sur le très long terme ; pour le dire autrement, il faut plus que la défaite ou la disparition d’un parti pour que ses idées disparaissent elles aussi, ce qui veut dire qu’annoncer la fin de la gauche française en 2007 n’avait pas plus de sens que d’annoncer celle de la droite française aujourd’hui : c’est oublier qu’en cinq ans, il peut s’en passer, des choses. Sarkozy, non content d’avoir oublié cette vérité, pensait qu’il lui suffirait d’avoir du « charisme » et une vie familiale faisant la une des magazines pour que son empire dure mille ans : c’était sans compter que faire rêver les gens, ça marche (un peu) quand ils ont l’assurance d’avoir régulièrement le ventre plein, pas quand ils commencent à avoir peur de crever de faim. Espérons que Hollande s’en souviendra, lui… Allez, salut les poteaux !

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