Caricatures de Mahomet : Renan Apreski fait le point

RENAN APRESKI : Ici Brest, les Bretons parlent aux Lorrains ! La publication de caricatures de Mahomet dans Charlie hebdo continue à susciter la polémique, y compris au sommet de l’État, n’est-ce pas, Charb ?

CHARB : Alors ça, c’est quand même la meilleure ! Quand on avait fait le coup pour la première fois en 2006 et qu’on s’était retrouvé avec un procès au cul, Hollande avait été un des premiers à nous soutenir et à témoigner en notre faveur ! Et maintenant qu’il est président, quand on fait exactement la même chose, il nous lâche ! Je sais bien qu’un journal satirique n’est pas censé être en phase avec le pouvoir, mais ce n’est pas une raison pour qu’il se force à nous désapprouver parce que, pour le coup, j’ai l’impression que c’est un peu ça : dimanche dernier, il y avait eu à peine 150 péquenots pour aller gueuler devant l’ambassade américaine et ça prend tout de suite des proportions de guerre mondiale où nous, pauvres cons dessinants, serions censés jouer les fauteurs de guerre ! Tout ce bordel pour quelques dessins, j’vous jure ! Les crève-la-faim doivent être contents de vivre dans un pays où on a à ce point le sens des priorités !

R. A. : Monsieur le premier ministre, Charb n’a pas tort : votre position sur ce dossier est assez surprenante…

JEAN-MARC AYRAULT : J’aimerais vous y voir, vous ! On a beau être laïc, il ne faut pas oublier l’électorat et si, chez les musulmans de France, il y a la même proportion de cagots à la foi de charbonnier que chez les catholiques, on n’a pas intérêt à les fâcher ! Pourquoi vous croyez qu’on laisse la télévision publique diffuser la messe tous les dimanches, si ce n’est pas pour éviter que les cathos votent Front National ? On a déjà un mal de chien à garder l’électorat ouvrier, c’est pas une raison pour perdre aussi l’électorat musulman !

R. A. : Mais vous y tenez tant que ça, à l’électorat musulman ?

J.-M. A. : À votre avis, ils ont voté pour qui, en mai dernier ? Pour Sarkozy ?

R. A. : Quand on parle du loup ; monsieur Sarkozy, vous aussi, vous auriez demandé à Charlie Hebdo de faire preuve de retenue ?

NICOLAS SARKOZY : Alors là, pas du tout ! Dès le début de mon mandat, je l’avais dit clairement, quoique en terme plus diplomatiques : le christianisme, c’est la religion des gens bien élevés et propres sur eux, tandis que l’islam, c’est rien qu’une religion de macaques mal blanchis qui portent des sweats à capuche et tuent des moutons dans leurs baignoires ! Moi, les bougnoules, je les tenais à leur place, ils ont pas leur mot à dire !

R. A. : Enfin, monsieur Sarkozy, c’est honteux, de dire ça, on dirait le discours de…

N. S. : …de Marine Le Pen ? Je sais et, alors ! C’est pas parce que Le Pen dit que le ciel est bleu que je vais dire qu’il est jaune et…

R. A. : Ah non, non, pire : on dirait le discours de Manuel Valls !

N. S. : Quoi ? Non mais dis donc, toi, vas-y, je te permets pas de m’insulter ! Traite-moi tout de suite de nazi, tant que tu y es ! Allez, tchao, pôv’ con !

R. A. : Ah, maintenant, qu’il n’est plus président, il a enfin pu redevenir lui-même ! Hum ! Étienne Mougeotte, en tant que patron du Figaro, que pensez-vous de cette affaire ?

ÉTIENNE MOUGEOTTE : Personnellement, je trouve que Charlie hebdo s’est trompé de cible en se moquant de l’Islam en tant que religion : ils auraient mieux fait de faire comme nous, au Figaro, de stigmatiser systématiquement les musulmans en tant que personnes : ils auraient reçu le soutien inconditionnel du ministère de l’intérieur qui, fort heureusement, n’a pas renoncé aux bonnes habitudes acquises à l’époque de monsieur Guéant ! En tout cas, je peux vous dire que malgré toutes nos « unes » où nous présentions l’Islam comme un facteur de délinquance voire comme un danger pour la France, personne ne nous a jamais accusés de mettre de l’huile sur quelque feu que ce soit et nous n’avons provoqué l’ire des islamistes ! Et pourtant, nous, c’était pas pour rigoler !

R. A. : On s’en doute… Benoît XVI, à votre avis, a-t-on le droit de se moquer du sacré ?

BENOÎT XVI : Nein ! L’humour ist der pire ennemi de la religion ! Ich vous rappelle que ça fait 2.000 ans que pour endoctriner les pauvres, on leur dit qu’ils doivent vivre dans la contrition, se trimballer la conscience d’être tous de grands fautifs, que la vie n’est qu’une vallée de larmes et qu’il faut se priver de tous les plaisirs ! C’est grâce à ça que nous les dissuadons d’aller tuer les riches ! Si on les pousse à se moquer de ce qu’on leur a présenté comme intouchable pendant des siècles, ils commenceront à penser par eux-mêmes, et là, je vous raconte pas le borde ! De toute façon, il ne faut pas qu’ils rigolent, car rire rend plus fort, et ils doivent rester faibles, sinon ce sont les racines chrétiennes de l’Europe qui sont menacées !

R. A. : Hum ! Bachar Al-Assad, en tant que musulman, vous aussi, vous êtes choqué par ces caricatures ?

BACHAR AL-ASSAD : Pas du tout ! Je peux d’ailleurs vous assure qu’en Syrie, on a tout fait le droit de caricaturer le prophète Mahomet ! C’est moi qu’on n’a pas le droit de caricaturer, en Syrie ! Sinon, c’est une balle dans la tête ! D’ailleurs, je peux vous dire une chose : depuis le début de la révolte dans mon pays, il y a déjà eu 29.000 morts ! Et bien si les rebelles avaient caricaturé Mahomet au lieu de demander ma démission, 29.000 vies auraient été sauvées ! Et après, on dit que c’est moi le méchant !

R. A. : Heu… Et vous, votre altesse l’émir du Qatar, en tant que musulman, vous en pensez quoi ?

HAMAD BIN KHALIFA AL-THANI : De quoi ?

R. A. : Ben des caricatures de Mahomet publiées dans Charlie Hebdo ?

H. B. K. A.-T. : Dans quoi ?

R. A. : Charlie Hebdo, le journal satirique français.

H. B. K. A.-T. : Connais pas… Je ne lis pas beaucoup, vous savez : les affaires, toujours les affaires… Est-ce que je suis propriétaire de ce journal ?

R. A. : Ben vous devez bien le savoir, ça ?

H. B. K. A.-T. : Vous savez, j’achète tellement de choses, je ne peux pas me rappeler de tout… Alors ?

R. A. : Non, c’est un journal indépendant.

H. B. K. A.-T. : Alors je m’en fiche. Tant que ce ne sont pas mes employés, ils font comme ils veulent. J’interdis à mes employés de se moquer de la religion dans laquelle j’ai été élevé, mais les autres gens, ils font ce qu’ils veulent.

R. A. : Vous voulez dire que pour vous, il est plus important d’avoir des employés soumis que de savoir votre religion respectée ?

H. B. K. A.-T. : Oh, vous savez, « ma » religion, c’est un grand mot pour parler de l’islam ! Je suis comme votre ami Frédéric Fromet : « j’ai tout plein d’amis au Medef, ma religion c’est le bénef’ » !

R. A. : Bon, merci altesse ! Et vous, Frank Ribéry, ça vous choque qu’on caricature Mahomet ?

FRANK RIBÉRY : Hein ?

R. A. : Pfff… Bon : des gens y en a dessiner prophète à religion de vous pour se moquer de lui, ça y en a vous gêner ?

F.R. : Bof, pas autant que quand on me dessine pour se foutre de ma gueule !

R.  A. : Ah bon ?

F. R. : Ben ouais, chaque fois que j’vois ma tronche dans les journaux d’la presse, on m’fait avec une gueule toute zarbi, avec des dents pourrites, un gros nez crochetu, une affreuse cicatrice sur la joue et des yeux comme si que j’étais tout le temps en train de pioncer !

R. A. : Heu… Non, Frank, ce ne sont pas des dessins, ce sont des photos, que vous décrivez !

F. R. : Ah ? Et Mahomet, on le photographie souvent, lui aussi ?

R. A.  : Ben non, Frank, ça fait 1.300 ans qu’il est mort !

F. R. : Ah ? Ben alors y s’en fout, de comment on le dessine, alors !

R. A. : Il a parfois de ces éclairs de lucidité, ce Ribéry… Allez, kenavo !