Un amour déçu

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Nous sommes en septembre 2007. Le tout petit père des peuples Nicolas Sarkozy met ses talonnettes de soirée et s’en va discourir devant ses copains du Fouquet’s et du Medef. Il a de grandes nouvelles à annoncer. C’est l’époque bénie du « travailler plus pour gagner plus », de la France qui se lève tôt  que tu l’aimes ou tu la quittes et du « si y’en a que ça les démange d’augmenter les impôts ». Reagan et Thatcher ont eu un gosse, et comme il fallait s’y attendre au vu de sa parentèle, il est vraiment vilain.Mais il a d’autres atouts. Il a attiré des millions de Français au scrutin présidentiel, et dans les années qui suivront, il en baisera encore plus, c’est dire son pouvoir de séduction. Mais pour l’instant, Sarko vient dire au « syndicat » patronal que c’en est fini de ces juges rouges qui mettent leur nez dans les affaires des créateurs de richesse de la Nation, et qu’il est temps de dépénaliser un peu le droit des affaires, parce qu’en matière d’économie la justice c’est contreproductif. En pleine affaire EADS et en plein débat sur les peines-planchers pour les récidivistes, c’est dire s’il a un culot gros comme son cul.

S’en suivront donc une baisse du délai de prescription pour les abus de biens sociaux, des marchés publics passés avec autant de régularité que l’Alpe d’Huez par un coureur du Tour de France et bien abrités sous le sceau du secret-défense au bénéfice de Bouygues, des sondeurs maison et d’autres copains. Mais aussi un joyeux arrachage de pages du Code du travail, une cure d’austérité (avant l’heure) pour la médecine et l’Inspection du Travail, et les licenciements c’est pas nous c’est la crise. Laurence Parisot, qui n’est déjà plus en odeur de sainteté au Medef, a des orgasmes en cascade et tombe amoureuse de ce petit être perclus de tics réactionnaires qui semble anticiper ses désirs comme seuls les bons amants savent le faire. Le Parti Socialiste s’éveille à peine de sa longue période de sieste d’opposition en accusant Ségolène Royal de prendre toute la couette. François Chérèque grogne un peu pour justifier son salaire puis se glisse sous les draps avec les socialistes. C’est ainsi que tout au long du mandat sarkozyen, les syndicalistes se voient un peu livrés à eux-même et réhabilitent la pratique de la séquestration de patron, du luddisme, de l’occupation d’usines et d’autres joyeusetés, au risque de se voir accuser de vandalisme même par ceux qui devraient les défendre.  La suite, vous la connaissez, mais juste pour situer le débat, la sanction maximale encourue pour l’abus de biens sociaux est de cinq ans d’emprisonnement et 375000 euros d’amende, l’entrave au droit de grève, c’est un an et 15000 euros, autant dire des broutilles. Pour comparer, un quidam qui vole à l’étalage parce qu’il crève la dalle encourt trois ans de calèche, et si en plus c’est un sans-papier, il ne sait même pas combien de temps il restera à l’ombre.

Revenons à nos moutons et à ceux qui les gouvernent. Depuis, le PS a changé de literie. Il dort toujours bien, merci pour lui, mais dans le plumard du pouvoir. Après n’avoir rien glandé ou si peu pendant des mois pour reconstruire ce que l’UMP avait détruit, le parti des éléphants normaux accepte l’idée d’une proposition de loi communiste visant à amnistier les délits et sanctions prononcés pour des faits commis lors de mouvements sociaux. Pas de quoi s’enflammer cela dit: comme d’habitude avec le PS, l’autocensure et la tentation de résister aux pulsions de gauche ont été les plus fortes. Sont par exemple exclus du champ d’application de la loi « les faucheurs d’OGM, désobéissants, antipubs, militants antinucléaires, Notre Dame des Landes, ligne THT, Base Elèves et RESF », comme le regrette le Front de Gauche, ainsi que toutes les infractions touchant à la santé et à l’éducation. Stéphane Hessel a bien fait de mourir plutôt que de voir ça.

Mais Laurence Parisot ne l’entend pas de  cette oreille. Elle a apprécié les petits cadeaux de début de mandat pour les PME, elle a adoré la nouvelle loi qui transforme le CDI en contrat à durée indéterminable, elle a commencé à fondre pour les beaux yeux de François Hollande quand il a décidé de poursuivre l’œuvre sarkozyenne de rigueur  tout en connaissant sa tragique inefficacité, et même elle a été un peu jalouse quand le Président normal jetait des regards complices à Angela Merkel en feignant de s’apitoyer sur le sort de la pauvre Grèce. L’espace d’un instant, elle a failli oublier Sarkozy et les morceaux de son cœur brisé par l’incurie des Français qui ont porté un suppôt de Karl Marx au pouvoir commençaient lentement de se recoller, comme des limaces à l’abordage d’une salade, et de battre d’une vigueur nouvelle. C’est qu’elle ne savait pas que l’acception du terme « socialiste » avait beaucoup changé depuis l’époque des maîtres de forges, naïve qu’elle était comme tous les amoureux.

Et  maintenant, à cause de ces salauds de communistes qui salissent tout ce qui est noble, elle brûle du feu de la déception de l’amante jalouse. Quoique le texte de la loi d’amnistie soit d’une portée aussi restreinte que l’évolution de la musique dodécaphonique en milieu suburbain au Bade Würtemberg dans l’esprit de Nadine Morano, son cœur saigne, et avec ses anciens flirts de l’UMP, elle hurle à la prime au cassage, à l’appel à la violence, à la division, alors que pleine d’amour inassouvi elle assure que « c’est exactement le contraire dont nous avons besoin.». Disons-le tout net: Laurence est une femme bafouée, et il ne faudra pas s’étonner si Marcela Iacub fait des émules. Les socialistes sont des mufles.

C’est beau comme du Marc Lévy. Je suis à deux doigts de proposer aux éditions Harlequin un roman sur la rupture entre le Parti Socialiste et la gauche, mais ça prendrait plusieurs tomes.

3 comments on “Un amour déçu

  1. Helle

    Twitté, Facebooké pour les copains ! J’adore ce ton un tantinet moqueur à propos de ce qui est vrai. Merci pour ce moment de bonheur ! Et bravo pour le coup de plume…

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