« Pop et Kok » de Julien Péluchon

« Celui dont nous t’offrons l’image,
Et dont l’art, subtil entre tous,
Nous enseigne à rire de nous,
Celui-là, lecteur, est un sage.

C’est un satirique, un moqueur ;
Mais l’énergie avec laquelle
Il peint le Mal et sa séquelle,
Prouve la beauté de son cœur. »

(Charles Baudelaire)

Devezh mat, Metz, mont a ra ? En attendant que je fasse mon retour fracassant sur Graou’live avec « L’inventaire du mois », que je co-animerai comme il se doit avec mes camarades Mikaël, David et Carine, et avec une toute nouvelle rubrique pour « Le mercredi c’est Graoully », et histoire de faire abstraction quelques instants d’une actualité pas toujours rose (bonjour l’euphémisme), je vais vous parler d’un livre que j’ai lu avec plaisir…

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« Encore un roman post-apocalyptique ? » Me direz-vous. Oui, mais…tellement drôle. Le récit du quotidien de ces personnages essayant tant bien que mal de faire leur trou dans un monde complètement ravagé par une catastrophe de nature imprécise appelée « le souffle » aurait pu être sinistre et désespérant, il est au contraire comique et plaisant tant les gesticulations de Pop et Kok pour conquérir une fortune bien improbable, véritables Bouvard et Pécuchet du futur, sont risibles ; au travers de leurs multiples créations d’entreprises toutes plus dérisoires les unes que les autres, Julien Péluchon nous tend un miroir peu flatteur qui nous invite à rire de notre vaine agitation à nous, humains qui avons le front de nous croire si importants du haut de nos espoirs mesquins alors même que nous ne sommes rien à l’échelle de l’Univers. Maintenant, chaque fois que je verrai un jeune cadre dynamique foncer pour arriver à l’heure à un rendez-vous important, je penserai à Pop et Kok et je me dirai que ce fonceur ne fait que chercher à oublier qu’il va mourir un jour…

Certes, de prime abord, on peut penser à une parodie des romans d’anticipation classiques décrivant la terre après un immense cataclysme, les valeureux héros qui tentent de survivre étant remplacés par deux nigauds qui semblent ne pas avoir compris que la vie de self-made-man arrivé qui paraît constituer leur idéal existentiel est totalement vain  ; mais Pop et Kok ne met qu’accidentellement en boîte la science-fiction pessimiste traditionnelle et si les protagonistes font si souvent preuve de veulerie et d’égocentrisme, c’est tout simplement parce que les hommes font plus souvent preuve de ces défauts que de don de soi et d’héroïsme. De fait, c’est bien toute la condition humaine, dans son absurdité et sa médiocrité, qui est mise à nu par la disparition totale des repères sociaux anéantis par le souffle, mais à aucun moment l’auteur ne nous invite à nous lamenter là-dessus, son écriture vivante et détachée nous conduit plutôt à rire de nous-mêmes, ce qui était la marque de la sagesse selon Baudelaire rendant hommage à Honoré Daumier ; s’il est exact, comme le prétendait Alphonse Allais, que l’humour est la politesse du désespoir, Julien Péluchon nous en offre une illustration éclatante, mais c’est aux paroles d’un autre grand humoriste, le dessinateur argentin Guillermo Mordillo, que Pop et Kok nous fait penser : « L’homme croit toujours à son avenir. Envers et contre tout. C’est là que réside sa force. C’est la raison de son obstination et de son talent. C’est ce qui lui donne la force créative et vitale. » De là à dire que Pop et Kok tirent leur dignité de leur entêtement…  Allez, kenavo les aminches !

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