Ras l’foie

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Contrairement au Professeur Blequin qui s’inquiète de l’élan réactionnaire qui agite ce pauvre pays comme aux plus belles heures de l’époque où une poignée de consanguins de droit divin y régnait, je ne m’étonne plus guère de voir les moutons courir après leurs bergers pour des miettes de confort et de sécurité. L’une des plus grandes victoires de Sarkozy, après avoir « décomplexé » la droite et abattu le muret qui la séparait à grand peine de l’extrême-droite, c’est d’avoir fait rentré dans les caboches creuses de tous ces braves gens l’idée selon laquelle le travail est une valeur estimable.

Tous ceux qui appellent à la « liberté de travailler » sont des imbéciles doublés de parfaits ignorants. Depuis la nuit des temps, le travail est une malédiction, et si ces clampins sont fiers des chaînes qu’ils portent, grand bien leur fasse. Travailler pour acquérir une technique, pour exploiter un talent, pour explorer une œuvre, pourquoi pas. Mais consentir à aller se geler les roustons dans des manifestations sans intérêt à cause d’une variation de la TVA ou de la CSG, il faut vraiment avoir une vie bien peu passionnante. A titre d’exemple, j’aimerais beaucoup que les malappris qui m’ont vrillé les tympans à Bastille le weekend dernier au nom de la liberté de chevaucher de malheureux bourrins se trouvent une occupation digne de ce nom et laissent les équidés tranquilles ou bien qu’ils se contentent de stagner dans le fumier d’où ils n’auraient jamais dû sortir.

Demandez aux Chinois: voila des gens à qui on a inculqué la valeur travail à marche forcée. Et bien figurez-vous que ces ingrats ne seraient que 6% à se sentir impliqués dans leur boulot, et sans l’aide de François Hollande en plus. Il n’y a que l’Irak qui fasse aussi bien, encore qu’on se demande ce qu’il peut bien rester comme travail entre Tigre et Euphrate.

Tous ceux qui en profitent pour adjoindre au « problème » de l’emploi de subtiles références à la dissolution de la famille et à la décadence de la Patrie finiront par avoir ce qu’ils veulent: le Front National, ses équivalents européens, et une bonne dictature contre laquelle bien peu des manifestants cités plus haut auront le courage de manifester. Bien fait pour leurs gueules, tant pis pour les gens de goût comme vous et moi. De toute façon, ce sera la faute de ces salauds d’abstentionnistes.

Bref, je contemplais placidement les ovins courir à l’abattoir, quand Mme Le Pen eut la riche idée de rendre visite à un vigneron acquis à sa cause. Retour aux fondamentaux du fascisme, la terre qui ne ment pas, le petit exploitant seul contre les vilains internationalistes, rien que du classique mais désolé, dès que ça cause pinard ça m’intéresse. La présidente du FN souhaite remettre en question la loi Evin, en particulier pour le vin qui est un produit culturel qui doit échapper à la tutelle immaculée des hygiénistes buveurs de flotte à la con. C’est frappé au coin du bon sens, même si le whisky ou la datura ne sont pas moins des denrées culturelles que le jaja, si ce n’est qu’ils ont le tort de ne pas être français. D’ailleurs, on devrait pouvoir en acheter à la FNAC ou chez le libraire du coin, ça nous ferait gagner du temps.

Seulement, une bonne idée chez les Le Pen, c’est comme un instant d’élégance chez Nadine Morano, un fugace éclair d’humilité chez Patrice Evra, ou un string sur Rocco Siffredi: ça cache une anguille de la taille d’un boa sous une roche grosse comme le cerveau d’un membre du GUD.

Si Marine (un nom qui évoque plus l’eau salée que les arpents de Saint Emilion) se propose d’accorder un statut particulier au vin, ce n’est point pour éduquer le palais du poivrot moyen aux subtilités de notre boisson nationale, mais pour en autoriser la publicité. Et là  je m’insurge. Dis-moi, lecteur lectrice, as-tu déjà vu un produit qui n’ait pas été définitivement saccagé enlaidi détruit gâché par la pub et son cortège de « créatifs » de mes deux?

Faut-il vraiment laisser Séguéla et ses fils de pub vendre du pinard comme une vulgaire bagnole, comme un baril de lessive, ou comme un parti politique quelconque? La réponse est évidemment non. La loi Evin a bien des défauts, elle n’a jamais empêché qui que ce soit de se mettre minable à vomir dans le caniveau, tout comme l’absence de publicité pour la cocaïne n’a jamais empêché plus d’un publiciste de s’en mettre plein les narines. Mais au moins, elle nous aura épargné la vision d’horreur d’un comédien aussi doué pour son art que Jean-Pierre Pernaut pour le journalisme d’investigation se déguiser en bon producteur de pays et nous vanter les mérites de sa cuvée pleine de sulfites à moitié coupée de vinaigre. Elle nous aura dispensé de voir se propager les spots pour les grands crus prétentieux dont la qualité se mesure à la plus parfaite imitation du cul de poule du bout des lèvres par un malpoli aussi scientifique qu’Elisabeth Teissier est sociologue qui recrache le précieux breuvage.

Faut-il s’étonner que le département de l’Yonne accorde tant de suffrages au Front National quand on sait que ce peuple de sauvages produit le Chablis qui est au foie de l’honnête œnophile ce que le Destop est aux canalisations obstruées?

En tant qu’abstentionniste et allié objectif, je vous en conjure, Marine. Continuez à semer vos discours haineux dans les oreilles bouchées à l’émeri de nos concitoyens perdus, allez danser tant qu’il vous plaira avec vos amis les nazillons autrichiens, continuez de couver les crânes d’œuf du GUD et de la Jeunesse Identitaire, de toute façon si ce n’est pas vous, c’est Sarko qui le fera lors de son prochain mandat. Mais n’approchez plus jamais d’une vigne. Le vin est vecteur de joie de vivre, vous n’êtes que pulsion morbide, vous n’avez absolument rien en commun.

En plus, vous seriez capable de lui refiler le phylloxéra.

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