Bloody saturday : 5 raisons pour ne pas avoir peur du FN

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Les sondages qui donnent le FN en tête des élections européennes prévues pour demain ne sont évidemment pas réjouissants, pas plus d’ailleurs que la montée des partis nationalistes dans des pays tels que l’Angleterre ou la Hollande. Faut-il nécessairement paniquer et crier à la vague brune ? Pas forcément.

1ère raison : ce ne sont que des sondages.

L’écart entre le FN et l’UMP dans les sondages est suffisamment faible pour que la marge d’erreur soit grande, l’UMP peut donc très bien arriver avant le FN, ce qui serait un moindre mal (ça me fait un peu mal aux seins de le dire, mais c’est la vérité). Ce ne serait pas la première fois que la vérité déjouerait les sondages et on peut légitimement se méfier d’études d’opinion financées par des organismes privés qui peuvent faire un peu ce qu’ils veulent avec la réalité qu’ils prétendent sonder ; il ne serait pas étonnant que les scores du FN aient été maximisés en vue d’effrayer les électeurs et les pousser à voter à ce scrutin qui mobilise peu les foules.

2ème raison : les élections européennes ne sont pas un scrutin représentatif.

Justement, la seule chose dont on peut être certain concernant ces élections, à l’heure où sont écrites ces lignes, est le taux d’abstention record auquel on s’attend. Un français sur deux ne sait même pas que les députés européens sont élus au suffrage universel ! Par conséquent, si le FN arrive en tête, ce sera avec le soutien d’un électeur sur dix voire moins… De toute façon, les élections européennes n’ont jamais été véritablement annonciatrices du résultat d’échéances nationales organisées trois ans plus tard : celles de 1999 avaient été largement remportées par le PS, de même que celles de 2004, et celles de 2009 ont été remportées par l’UMP. On a vu ce qu’il en a été trois ans après… À la limite, le scrutin des municipales, où l’UMP est arrivé en tête devant le PS et assez loin devant un FN qui n’a remporté qu’une dizaine de villes (ce qui est déjà trop au vu des idées nauséabondes de ce parti), était plus représentatif… De toute façon, le scrutin de dimanche ne permettra pas de présager quoi que ce soit concernant les échéances de 2017, ne serait-ce que parce qu’en trois ans, il peut s’en passer, des choses : on vous aurait dit en 2009 que François Hollande serait élu, vus l’auriez cru ? Il ne faut pas non plus perdre de vue que les élections européennes sont des élections à un seul tour et que s’il y en avait eu deux, les chances du FN auraient réduites, comme l’ont montré certains scrutins municipaux révélant que le parti de Marine Le Pen restait un objet de répulsion pour beaucoup de Français…

3ème raison : au parlement européen, le pouvoir de nuisance du FN sera réduit.

Il y a de fortes chances pour que les élus FN, à commencer par Marine Le Pen elle-même, brillent par leur absence au parlement européen (c’est déjà le cas), leur vitrine politique étant à Paris. Ce sera toujours ça de temps où ils ne pourront pas influer sur les décisions prises à Strasbourg, d’autant que les partis nationalistes ne pourront compter, dans le pire des cas, que sur un tiers des sièges maximum, nombre suffisant pour jouer la mouche du coche et perturber le jeu parlementaire mais insuffisant pour véritablement bloquer les institutions et peser dans la prise de décision, d’autant que les différents partis nationalistes européens avancent vers ces élections en ordre dispersé. Comment pourrait-il en aller autrement d’ailleurs dans la mesure où, par définition même du nationalisme, un nationaliste français est d’abord un français, donc un étranger et donc un ennemi aux yeux d’un nationaliste holllandais, par exemple ?

4ème raison : le FN pourrait très bien se prendre les pieds dans le tapis de l’Europe.

S’il est relativement facile de dire à tout bout de champ « c’est la faute à l’Europe » tant qu’on n’a qu’un petit nombre de siège au parlement européen, cette position est déjà plus difficile quand on occupe un nombre de places plus conséquent ; elle sera même d’autant plus inconfortable pour Marine Le Pen que, FN ou pas, ses électeurs ne verront aucun changement dans la politique européenne, pour une raison simple : idéologiquement, il n’y a pas plus antisocial que le Front National, les députés frontistes n’auront donc aucune raison de lutter activement contre les programmes d’austérité ! En fait, avoir des sièges à Strasbourg pourrait avoir pour le FN le même effet pervers qu’avoir des mairies, à savoir montrer au grand jour la vraie nature de ce parti et donc en dégoûter ses éventuels électeurs car, comme l’a révélé la récente sortie de Le Pen père sur le virus Ebola, le FN n’a pas changé d’un pouce.

5ème raison : dans le pire des cas, ça peut donner un électrochoc aux autres partis.

Si l’UMP arrive derrière le FN, il est bien évident que le parti de Copé sera obligé de se remettre en question et de travailler sérieusement à réaffirmer clairement sa différence avec le FN. S’il est certain que les partis de gouvernement se servent du FN pour faire peur aux électeurs, il est également certain qu’ils n’ont pas intérêt à le laisser monter davantage et ils sont donc largement capable d’en stopper la progression en se réformant, ce qui leur sera d’autant plus facile qu’ils ont au moins cinquante ans (pour l’UMP) voire cent ans (pour le PS) d’avance sur le FN en matière de professionnalisation.

Conclusion : Le Front National qui fait un gros score à une élection n’est évidemment pas une bonne nouvelle mais, en l’état, le parti d’extrême-droite n’est pas beaucoup plus dangereux qu’il en a l’air, en tout cas pas au point d’envisager qu’il puisse prendre le pouvoir en 2017 ; ce serait donc lui faire beaucoup d’honneur d’en avoir peur, mieux vaut au contraire rester suffisamment serein pour pouvoir, du même coup, rester vigilant et lutter activement contre ses idées. Je sais, cette conclusion n’est pas très originale, mais qu’est-ce que vous auriez voulu que je dise d’autre, hein ?

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