Entre chien et loup et homme

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Hier, je vous racontais que si Dieu s’était doté d’une quéquette ou d’une zézette, la face du monde en eut été changée. Et aujourd’hui, je commence à me demander si Dieu n’est pas un peu con, car il n’a pas pensé non plus à créer le chien. En effet, si j’en crois l’excellent article de l’éthologue Pierre Jouventin paru dans Sciences Humaines, ce serait l’homme qui a inventé le chien. C’est déjà l’homme qui avait inventé Dieu, ce qui explique peut-être mon interrogation de la deuxième phrase.

Revenons à la genèse de la chose. Jusqu’à présent, on pensait que le clébard était le croisement entre divers canidés des âges farouches, dont on triturait l’ADN jusqu’à obtenir le pitbull mangeur d’enfants pour alimenter les rubriques faits divers des quotidiens ou le caniche abricot pour tenir compagnie à mémé. Or, des fouilles récentes ont démontré que le chien n’avait pas 8000 ans, mais que homo connardus l’avait déjà domestiqué il y a 23 000 ans.

A l’époque, l’hominidé n’avait pas encore inventé le supermarché, le contrat à durée indéterminée et le pavillon bourgeois. Au lieu de réclamer la démission de François Hollande qui n’a rien fait pour son pouvoir d’achat, ce grand couillon d’homme préhistorique se contentait d’être un chasseur-cueilleur nomade. Aussi, pour nourrir sa tribu et prendre de l’exercice, il n’avait rien de mieux à faire de ses journées que d’aller donner la chasse au gros gibier. Seulement, notre ancêtre avait déjà deux faiblesses qui ne l’ont pas quittées: d’un, c’est une grosse feignasse qui aime bien faire bosser autrui pour son propre compte, tant il est vrai qu’il est plus agréable de perpétuer l’espèce en faisant la bête à deux dos avec bobonne qu’en allant au boulot. De deux, l’homme est un animal sociable. Il a besoin d’avoir des copains, des rencontres d’un instant comme des amitiés éternelles à la Montaigne et la Boétie. Vous noterez que la première proposition prend parfois le pas sur la deuxième, c’est important pour la suite.

Un jour, l’homme rencontra le loup. Il fut ému par la beauté de l’animal qui tranchait avec la tête de con du bison qui lui rappelait par trop son beau-frère. Or il se trouve que le loup partage la particularité de l’homme qui consiste à se mettre à plusieurs pour péter la gueule à un plus gros. Seuls 2 % des mammifères adoptent ce comportement. Le loup fait ça pour bouffer, et seulement exceptionnellement pour s’attribuer la propriété d’un patelin pourri ou pour convoiter la femme de son voisin. Mais voilà, un louveteau qui naît dans une tribu de primates en considérera tous les membres comme sa meute, et se mettra en devoir de donner un coup de patte pour tout ce qui touche à la chasse, à l’élevage collectif des mioches, et à la défense du territoire.

L’homme, dans sa variété homo sapiens, ne mit pas longtemps à comprendre l’intérêt qu’il pourrait tirer des talents de chasseur de son camarade canidé. L’homme et le loup ont ainsi suivi une évolution conjointe, éliminant au passage les espèces concurrentes comme peut-être Néanderthal et d’autres grands primates, jusqu’à devenir le con et le chien. Et oui, même le yorkshire de ta grand-mère descend du loup. C’est à peu près à cette époque que l’alimentation de l’homme a du basculer vers le carnisme, et ce régime a sans doute eu des avantages évolutifs en terme de natalité et d’accroissement de la taille du cerveau.

Or qu’observe t-on aujourd’hui? Le gros cerveau de l’homme lui a principalement servi à détruire le reste du règne animal, puis végétal. Il a affublé le chien du titre de « meilleur ami de l’homme ». Le chien est tellement bon que tu peux lui faire faire n’importe quoi: chien secouriste, chien policier, chien de cirque, chien exploité par tous les gros cons qui persistent à chasser ou à organiser des combats de chiens, bref le « meilleur ami de l’homme » est surtout son esclave préféré, juste après la femme.

Parfois, le chien se rappelle l’époque où lui et l’homme gambadaient à travers champs pour croquer le mollet d’un mammouth ou d’un renne, et quand l’homme lui balançait des beaux morceaux de barbaque qui avaient meilleur goût que les croquettes industrielles. A l’époque, l’homme n’avait pas inventé la laisse, ni pour lui-même ni pour le chien. L’homme n’avait même aucune idée de ce qu’était l’aire d’autoroute ou le refuge de la SPA parce qu’il avait trop besoin du iench pour l’abandonner. Parfois le chien est las d’être perpétuellement agressé ou qu’on l’a rendu fou, et il lui arrive de croquer un petit d’homme. Et la sentence est irrémédiable: peine de mort, parce que quoi qu’ils aient grandi ensemble, la règle n’est pas la même pour tout le monde: c’est de la barbarie quand cela concerne un homme (avec raison) mais on ne peut rien faire d’autre si c’est un animal. Et outrage suprême, l’homme a souvent longtemps dressé le chien à défendre les troupeaux contre le loup, son propre ancêtre et le premier meilleur ami de l’homme.

Et l’homme, s’en souvient-il, de la précieuse collaboration du loup dans son entreprise de propagation et de conquête du monde qui était encore vaste? Croyez-vous que quand la thèse défendue par Pierre Jouventin aura fait école, tous les ministres de l’environnement qui ont autorisé les bergers a faire feu sur le beau canidé feront amende honorable et diront pardon frère loup, on savait pas, on n’a fait qu’obéir aux ordres? Pensez-vous que le berger, qui est pourtant à l’heure actuelle le primate le plus proche de l’homme préhistorique, entendra raison quand on lui expliquera que sans le loup, il se serait peut-être fait défoncer par un autre hominidé plus fort et plus malin?

Que dalle. L’homme est au-dessus de tout ça désormais, il faut penser à l’Euro 2016, à la croissance et à la protection de notre modèle social qui est encore ce qu’on a fait de mieux pour aménager la misère sans qu’elle trouve à y redire. Tout le monde connaît l’adage imbécile de Plaute, repris même par l’immense Montaigne, qui veut que l’homme est un loup pour l’homme.

Si tel était le cas, l’homme serait un agréable compagnon. Au lieu de quoi l’homme, dès qu’on lui donne un peu de pouvoir, est une vraie pourriture, pour le loup, pour le chien, et même pour l’homme.

J’ai fait relire cette chronique par l’aîné de mes chats, qui est assez maniaque sur l’orthographe. Il me souffle que ce n’est pas à un félin que ce serait arrivé de collaborer avec cette espèce invasive qu’est homo debilus. Et comme il est plus doué que moi pour la promo, il m’a rappelé que je pourrais en profiter pour causer de mon petit conte où il est presque question de la même chose et que tu peux acquérir ici pour à peine le prix d’un Picon-bière.

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