Un point, c’est tout. n°23, 13/09/2015

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Point graphique : Ça m’a toujours chagriné qu’on réduise l’œuvre de Zep en général et Titeuf en particulier à l’humour pipi-caca ; Zep est un auteur commercial, mais il n’est pas bassement commercial : c’est un artiste complet qui ne se repose pas sur ses lauriers, qui va de l’avant, se renouvelle et n’a pas peur de prendre le risque de surprendre son public – les auteurs de succès qui en font autant ne sont pas légion. De plus, il est d’une lucidité, d’une intelligence et d’une sensibilité remarquables : une de mes planches préférées est celle où son héros fétiche se rêve super-héros, sportif professionnel, chanteur, acteur… tandis qu’un encravaté encore boutonneux avec un bête duvet censé figurer une moustache (on peut déjà féliciter le dessinateur helvète pour avoir campé cette image parfaite de la médiocrité) lui demande s’il est plus intéressé par un métier dans la mécanique ou dans l’électronique : il faut du génie pour réussir à composer une œuvre qui restitue si bien ce que peuvent ressentir les enfants quand les adultes, cette sale race, tentent de les faire entrer prématurément, pour ainsi dire avec un fusil dans le dos, dans le monde des rêves interdits. Bref, Zep mérite mille fois que l’étiquette d’auteur « trash » qu’on lui a si souvent collée et la planche « mi-petit, mi-grand », qui a eu le retentissement que l’on sait, a le mérite de remettre les pendules à l’heure : le dessinateur suisse s’y affirme comme un digne successeur de Franquin qui, en son temps, avait lui aussi mis son personnage fétiche, en l’occurrence l’ami Gaston, dans une situation intolérable pour mieux dénoncer celle-ci et interpeler son lecteur en lui rappelant qu’il n’est pas irrémédiablement à l’abri d’endurer les misères que subissent des innocents à des kilomètres de chez lui…

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Tout ceci pour dire que Le Monde, qui héberge le blog de Zep, gagnerait amplement à mettre Zep à la une de son édition papier et à mettre Plantu à la retraite anticipée ! Il n’aura pas de soucis à se faire pour son avenir, on lui tendra les bras à Minute et à Valeurs actuelles ! J’avoue n’avoir jamais eu qu’une estime modérée pour lui, mais là, avec ses dessins qui reprennent sans broncher la vulgate xénophobe autour des « immigrés qui viennent bouffer le pain des français », il dépasse les bornes ! Venant d’un dessinateur qui a si longtemps défendu la cause du tiers-monde, c’est d’autant plus intolérable ! Même Jacques Faizant n’aurait pas osé ! L’indignation qu’il suscite actuellement est parfaitement justifiée, contrairement à celle provoquée par le dessin de Chaunu intitulé « C’est la rentrée » avec le petit Aylan mort sur une plage portant un cartable sur le dos : ce dessin est un des meilleurs qu’aient jamais fait mon collègue de Ouest France, il résume à merveille le décalage entre la vie des enfants de France, qui ont la chance de vivre dans un pays en paix et de bénéficier d’une instruction gratuite, et celle de tous ces enfants qui n’ont connu que la misère et la guerre ; à croire que c’est justement cette vérité-là que ne veulent pas voir les consternantes badernes qui poussent les hauts cris contre Chaunu en qualifiant son dessin de « raciste » : les Français aiment tellement se plaindre sur leur sort qu’ils n’acceptent pas qu’on leur rappelle qu’il y a mille plus malheureux qu’eux ! Arrêtez de cracher sur Chaunu et gardez vos glaviots pour Plantu, hé, pauvres tâches !

Mine de rien, je vous aurai beaucoup parlé de mes célèbres collègues cette semaine : rien d’étonnant à ça, malgré les apparences, je me suis toujours plus intéressé au dessin qu’à la politique. D’ailleurs, je vais me remettre à ma table car j’ai encore du boulot à fournir pour ne plus être qualifié d’« amateur »…

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Point d’orgue : Avant de vous laisser, encore une chose : hier soir, à Brest même, place de Keruscun, a eu lieu le concert de rentrée organisé chaque année par le Conseil Consultatif de Quartier de Saint-Marc, avec Le Mammöth, La Lucha Libre et Appalooza. Entrée gratuite, restauration sur place au profit d’une association d’aide aux enfants malades, les amateurs de grosse musique étaient servis (j’ai un faible pour l’électro-punk inventive de La Lucha Libre) et la fréquentation était plus que respectable. Il n’en faut pas plus pour maintenir vivant un quartier ! Ceci pour dire que pour une ville qui traine comme un boulot son étiquette de « ville morte », ma chère cité du Ponant bouge quand même beaucoup : ce n’est pas dans une commune « gérée » par le Front National qu’on verrait ça ! Un point, c’est tout.

Croquis exécutés durant le tour de chant de La Lucha Libre et offerts aux intéressés.
Croquis exécutés durant le tour de chant de La Lucha Libre et offerts aux intéressés.

 

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