La petite semaine du professeur Blequin (17)

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LUNDI 26 SEPTEMBRE

– Bonjour, madame Kervella.

– Ah, bonjour, professeur ! J’espère que vous allez un peu mieux que la semaine dernière !

– Pas à se plaindre : la semaine a bien commencé avec ma séance de dédicace à Bière & Malt…

– Rôôôh, vous me faites des infidélités ? À moi, votre vieille bistrotière préférée ? Votre seconde maman ? Ce n’est pas gentil, ça !

– Ne le prenez pas comme ça : c’était juste professionnel, pour faire la promotion d’Engagez-vous !, la plaquette de Mikaël Tygréat illustrée par mes soins…

– Je vous taquine ! Ça s’est bien passé, alors ?

– Ah, excellemment bien ! Très bon accueil, le patron est un jeune homme sympathique, le public était réceptif… Les deux heures que nous avons passées là-bas étaient trop courtes ! Si ça pouvait se passer toujours aussi bien…

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– Bon ! Qu’est-ce que je vous sers ?

– Bah, je ne sais pas trop. Ce que vous voulez, sauf un vin suisse.

– Pourquoi ?

– J’aurai trop peur de trouver un micro dans mon verre : figurez-vous que nos voisins helvètes ont approuvé la généralisation de la surveillance électronique ! En d’autres termes, ils acceptent d’être tous fliqués ! Les Suisses sont bien comme leurs vaches : heureux de se faire traire !

– Hé bé ! Notez que ce n’est pas la première fois qu’ils prennent une décision douteuse : ils ont interdit les minarets, refusé une semaine supplémentaire de congés payés…

– La démocratie n’est décidément pas la panacée ! Le pire, c’est que je vous parie que cette surveillance généralisée, ça va être valable pour tout le monde… Sauf pour les banques !

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MARDI 27 SEPTEMBRE

– Hum ! Et un rosé corse, ça vous dit ?

– Ah oui, je veux bien, d’autant que j’ai entendu sur Europe 1 une histoire édifiante de l’île de Beauté !

– Vous écoutez Europe 1, maintenant ?

– Pas couramment : c’est pas en programmant la Roumanoff le midi qu’ils vont me donner envie de les écouter ! Sur leur grille, il n’y a plus que Franck Ferrand de valable ! C’est dans son émission que j’ai appris l’histoire de Maria Ghjentile, l’Antigone corse !

– Qu’est-ce qu’elle a fait de si extraordinaire ?

– Et bien cette frêle jeune fille, qui a vécu au XVIIIe siècle, a bravé l’autorité française : en 1769, son fiancé, patriote corse, avait été pendu par l’armée du roy avec plusieurs de ses compagnons d’armes. Alors Maria, à la faveur de la nuit, a décroché le corps de son fiancé pour lui offrir une sépulture décente, malgré l’interdiction formelle. Lorsque le décrochage fut constaté, elle avoua son geste : médusé, l’autorité française n’ose pas la punir…

– Ah mais là, c’est pas tout à fait comme Antigone qui, elle, a payé de sa vie…

– Ça, c’est la version de Sophocle : le mythe est par définition protéiforme, madame et, déjà dans l’Antiquité, plusieurs versions du mythe coexistaient, dont une selon laquelle Antigone survivait.

– En tous cas, pour le coup, les Corses, que l’on dit machos, sont bien obligés d’installer cette fille dans leur panthéon national…

– Les Corses ne sont pas machos ! En tout cas, il n’y a pas plus de machos chez eux que sur le Continent ! Je vais même vous dire : je me demande si on n’a pas tendance, chez nous, à charger les Corses de toutes les tares que nous, continentaux, n’osons pas assumer…

Créon, Antigone et Ismène.
Créon, Antigone et Ismène.

– Et en Corse, d’après vous, il y a plus ou moins de chômeurs que chez nous ?

– Ça, je ne sais pas ! Mais ce que je savais déjà, c’est que la baisse du chômage n’était pas amenée à se prolonger dans le temps : évidemment qu’il y a moins de chômeurs quand les gens enchaînent les stages, les CDD et autres contrats aidés ! Le temps qu’ils passent sur ses emplois précaires, ils ne sont pas officiellement au chômage, mais ça ne veut pas dire que leur sort s’est amélioré ! Sans compter que ces bons chiffres qui tombaient au milieu de l’été, à tous les coups, ça correspondait à tous ceux qui avaient dégoté des boulots saisonniers pendant la saison touristique…

– C’est pas impossible : moi, j’avais bien engagé deux jeunes qui cherchaient des jobs d’été, mais quand les touristes sont partis, je n’avais plus les moyens de les garder !

– Hé !

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MERCREDI 28 SEPTEMBRE

– Sinon, vous avez vu le débat entre Trump et Hillary Clinton ?

– Non, j’avoue que je n’arrive pas à me passionner outre mesure pour cette présidentielle américaine : si j’étais électeur là-bas, j’aurai bien du mal à faire un choix entre la Ségolène Royal new yorkaise et le Berlusconi américain ! Les deux candidats sont à peur près aussi pourris l’un que l’autre, quel que soit le vainqueur, ça ne changera pas grand’ chose au sort des Américains les plus défavorisés !

– Mais ça peut changer beaucoup de choses pour la situation internationale, vous ne trouvez pas ?

– Je vois ce que vous voulez dire : c’est vrai que les démocrates affichent en général un visage plus souriant et moins dominateur que les républicains et nous, Européens, les trouvons plus proches de nous mais, au final, ça ne change rien à la morgue des États-Unis qui croient avoir tous les droits partout dans le monde ; les démocrates font la même chose que les républicains mais ils ont honte après, c’est tout !

– Quand même, Trump, c’est un concentré de connerie comme on n’en avait jamais vu auparavant…

– Si ça peut vous rassurer, même s’il est élu, il ne pourra pas forcément faire tout ce qu’il veut : en France, nous avons tendance à plaquer partout notre regard habitué à voir un chef d’État pratiquement omnipotent et une assemblée nationale réduite à l’état de club de supporters, mais c’est oublier qu’en Amérique, le président ne peut pas tout se permettre : souvenez-vous de la démission forcée de Nixon ! Vous pouvez être certaine que, de Giscard jusqu’à Hollande, aucun de nos présidents français ne serait allé jusqu’au bout de son mandat s’il avait élu aux États-Unis ! Pour le moment, Trump est en campagne, mais s’il devient président, il ne sera pas plus en mesure que ses prédécesseurs de tenir ses promesses : les gens de son propre camp lui sont majoritairement hostiles et n’hésiteront pas à lui mettre des bâtons dans les roues ! De toute façon, dans son slogan, «  Rendre sa grandeur à l’Amérique, il y a un mot en trop »…

– Lequel ? « Grandeur » ?

– Non, c’est « rendre » ! Aucun programme politique prônant un retour à une situation originelle perçue comme idéale n’a été couronné de succès : proposer un « retour », que ce soit à la terre, à la normale ou à l’ordre moral, c’est vouloir faire comme si rien ne s’était passé entretemps ! Or, l’avoir-été est ineffaçable ! Quand bien même Trump arriverait effectivement à redonner du poil de la bête à la puissance américaine, il ne pourrait en aucun cas faire comme si elle n’avait jamais été mise en mal par des terroristes ni même concurrencée par des pays émergeants !

– Là, c’est le philosophe qui parle, professeur !

– Non, c’est le bon sens élémentaire.

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– Vous avez beau ne pas vous intéresser à ces élections, n’empêche qu’elles vous inspirent ! Mais vous, tout vous inspire, j’ai l’impression, non ?

– Non, pas tout : par exemple, j’ai pensé un instant faire un dessin sur la sortie du film La danseuse où Lily-Rose Depp joue Isadora Duncan…

– Et vous ne l’avez pas fait ?

– Ben non, je n’ai pas trouvé l’angle d’attaque : j’ai pensé faire un parallèle avec la mort de la vraie Isadora Ducnan, mais je ne voulais pas donner l’impression que je souhaitais la mort de cette toute jeune actrice qui, après tout, n’est pas tellement casse-pieds pour une « fille de »…

– Sans compter qu’elle est sacrément mignonne, n’est-ce pas ?

– Hum !

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JEUDI 29 SEPTEMBRE

– Et le bouquin de Patrick Buisson sur Sarkozy, vous en pensez quoi ?

– Bah ! Encore une ancienne maîtresse de président qui se venge en écrivant un livre ! Depuis Trierweiler, on a l’habitude !

– C’est malin !

– N’empêche qu’on avait prévenu le petit Nicolas : il ne faut pas fricoter avec l’occupant, c’est un coup à se faire tondre !

– Rôôôôh !

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– En tout cas, il n’a pas eu de chance, Buisson : le jour de la sortie de son livre, Shimon Peres meurt et éclipse son bouquin dans les médias ! Dix contre un qu’il a dit « Décidément, les Youpins, ils me feront chier jusqu’au bout ! »

– Rôôôôôôôôôôh !

– Et je ne préfère pas savoir ce que Dieudonné a pu déclarer sur ce décès.

– Rôôôôôôôôôôôôôôôôôôôôôh !

– Arrêtez avec vos « rôôôh », j’ai l’impression de discuter avec un tracteur !

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VENDREDI 30 SEPTEMBRE

– Les rencontres brestoises de la BD, ça se passe bien ?

– Très bien ! Ça m’a donné l’occasion de voir en chair et en os Julien Solé, l’un des piliers de Fluide Glacial, qui est brestois d’adoption.

– Ah oui ?

– Oui, même qu’il nous a dit tout de go : Angoulême, c’est has been. Désormais, the place to be pour les amateurs de BD, c’est Saint-Malo ! Hé ! Hé ! Bientôt, le monde de la bande dessinée aura les yeux braqués sur la Bretagne ! Je vous raconte pas les retombées pour la région !

– Et si jamais ça marche pas ? Si la réputation de la Bretagne ne fait qu’accentuer le côté marginal de la BD ? Et si ce côté marginal renforce l’image de pays de ploucs qui colle à la peau de votre région ?

– …

– Faites pas cette tête-là, je voulais pas vous faire de la peine !

– …

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– Et… Et les concerts dessinés, c’était comment ?

– Contrasté.

– Ah oui ?

– Oui. Pas tellement au niveau des dessinateurs mais plutôt du côté des musiciens : on a commencé par du Fado avec le duo Mi Alma. C’est beau, mais c’est vachement triste, en même temps…

– C’est ça, le Fado !

– En tout cas, ça m’a pas mal déprimé. Ensuite, avec Faustine, ambiance plus rock mais sans le côté garage-bourrin-mal fini, non, une bonne ambiance mais chaleureuse et sympathique. Ça a déménagé davantage avec les Freak Magnets : imaginez un peu Abbott et Costello au féminin jouant avec une énergie que Lemmy leur envierait presque, et vous aurez une petite idée de ce que c’était !

– Wow ! En fait, plus ça allait et plus c’était rythmé !

– Vous avez tout compris !

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SAMEDI 1er – DIMANCHE 2 OCTOBRE

– Bon, c’est pas tout ça, il faut que je vous quitte, je me rends justement au salon de la BD et du livre jeunesse de Gouesnou qui clôturera ces rencontres de la BD.

– Très bien ! Amusez-vous bien et veillez à ne pas prendre froid ! À la semaine prochaine !

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