La petite semaine du professeur Blequin (42)

LUNDI 26 JUIN

– Bonjour, madame Kervella.

– Bonjour, professeur ! Alors, vous avez vu, le débat sur la PMA est lancé : ça sent fort l’écran de fumée pour ne pas parler des réformes antisociales que le gouvernement nous mijote !

– Pas seulement : avouez qu’il y a une contradiction criminelle dans notre société. D’un côté, on oppose douze milliards d’obstacles à des gens qui désirent sincèrement un enfant et sont prêts à lui porter tout l’amour dont ils ont besoin ; d’un autre côté, on laisse se reproduire n’importe qui et on s’étonne de se retrouver avec des enfants malheureux battus à mort par des géniteurs exécrés et imbibés de mauvais alcool !

– Comme vous y allez ! On ne peut quand même pas stériliser tous les dégénérés du pays !

– Non, mais on peut au moins donner satisfaction à ceux qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas avoir d’enfants par les voies naturelles : autorisons la Procréation Médicalement Assistée, si on ne peut pas interdire la Procréation Alcooliquement Assistée !

– Mouais ! Mais il ne faudra pas vous étonner si ça mobilise encore les culs-bénits, la mère Boutin en tête !

– Pourtant, celle-là, pour lui faire un gosse, l’aide d’un médecin n’est pas superflue !

MARDI 27 JUIN

– Hum ! Sinon, vous êtes au courant pour le nouveau dérapage de Donald Trump ?

– Et bien figurez-vous que j’étais sur le web quand j’ai vu une photo avec écrit dessous « nouveau dérapage » et j’ai cru que c’était Alain Delon !

– HEIN ?

– Ben oui, vous savez que je ne suis pas physionomiste…

– Oui, mais tout de même, de là à prendre Donald Trump pour Alain Delon…

– Ben quoi ? Ils ont beaucoup de points communs : ce sont tous deux de vieux beaux même pas beaux, ils ont à peu près les mêmes idées pourries, le même ego démesuré, la même passion du fric et le même respect des femmes ! La seule différence, c’est que Delon ne fait pas de politique ! Encore que Trump ne fait pas vraiment de politique : il fait surtout des conneries ! Un peu comme Delon avec ses derniers films, soit dit en passant…

MERCREDI 28 JUIN

– Puisqu’on parle d’idées pourries, je suppose que vous n’avez pas plaint Marine Le Pen qui est mise en examen ?

– Je ne vois pas pourquoi je la plaindrais étant donné que j’ai découvert que les politiciens avaient tout intérêt non seulement à magouiller mais aussi à se laisser prendre…

– Non mais vous rigolez ou quoi ?

– J’en ai l’air ? Richard Ferrand a été réélu haut la main dans sa circonscription, je vous le rappelle ! Et aux dernières municipales, Copé, Juppé, Woerth et Balkany ont gardé leurs mairies sans problème ! Et aux présidentielles, alors ! En 1988, Mitterrand n’était pas blanc comme neige, ça ne l’a pas empêché d’être réélu ! Chirac et Sarkozy, n’en parlons même pas…

– Hollande n’était pas personnellement empêtré dans des affaires louches…

– Et pourquoi croyez-vous qu’il avait été élu d’une très courte tête ? Et que les Français s’étaient mis à le détester à peine élu ?

– Donc, pour vous, plus un élu pique dans la caisse, plus il garde ses chances pour les élections ?

– Non, il ne suffit pas de piquer dans la caisse : il faut aussi se faire prendre !

– Mais… Comment c’est possible ?

– C’est tout bête : être accusé de magouiller, c’est le plus sûr moyen pour faire parler de soi ! Un élu qui se contente de faire honnêtement son boulot n’a aucune chance d’occuper le terrain médiatique et donc encore moins de se faire élire à un poste plus important ! Alors que s’il magouille et se fait prendre, il fait parler de lui sans fournir aucun effort : son nom est sur toutes les lèvres, sa photo est dans tous les médias ! Il n’en faut pas plus pour se faire élire !

Dessin réalisé peu après le départ de Michèle Alliot-Marie du ministère des affaires étrangères il y a déjà presque six ans.

– Ce n’est pas tout à fait vrai : ça n’a pas porté chance à François Fillon…

– Fillon était un épouvantail absolu, il aurait fini par chuter de toute façon ! Parce que non, magouiller et se faire prendre ne suffisent pas : encore faut-il ne pas être excessivement repoussant à la base, faute de quoi même une affaire bien dégueulasse ne saurait vous sauver !

Je n’ai toujours pas digéré le coup du « Je ne suis pas autiste : j’entends »…

JEUDI 29 JUIN

– Vous devriez enseigner à Sciences Po, professeur… Tiens, vous lisez encore Pif ?

– Ben oui, je suis resté un grand enfant, que voulez-vous. Je sais que pour me faire bien voir, je devrais plutôt lire ces bandes dessinées chiantes à mourir qui recueillent de bonnes critiques dans Télérama, mais je préfère me fendre la gueule.

– Et vous riez tant que ça en lisant Pif ?

Monsieur Nikita Mandryka vu par votre serviteur

– Oui, surtout avec les planches d’Herlé et de Mandryka ; ces deux vieux routiers de la BD sont de vrais génies ! Même quand ils travaillent pour les enfants, ils ne dessinent pas au rabais : Lobo Tommy et le Concombre masqué comptent parmi mes héros préférés au même titre qu’Astérix et le Capitaine Haddock ! De toute façon, on a tort de sous-estimer le potentiel des œuvres de fiction destinées aux jeunes : récemment, je me passais de vieux cartoons de la Warner et j’ai été frappé par leur actualité ! Par exemple, dans The Ducksters, un film réalisé par Chuck Jones en 1950 dans lequel Daffy Duck, sous prétexte de jeu radiophonique, martyrise littéralement le pauvre Porky Pig : combien n’a-t-on pas vu de jeux télévisés où ça se passe presque exactement comme ça ? Et dans Speedy Gonzales, réalisé en 1955 par Friz Freleng, on peut voir Sylvestre le Chat interdire à des souris mexicaines affamées de passer la frontière pour se procurer du fromage : remplacez le Chat par Donald Trump et vous découvrez que monsieur Freleng n’avait rien à envier à Calvo et à Spiegelman ! Alors pourquoi irais-je me faire chier à lire ou à regarder des œuvres sérieuses puisque j’apprends les mêmes choses en me fendant la gueule ?

Extrait d’une petite BD en hommage aux cartoons qui ont bercé mon enfance.

VENDREDI 30 JUIN

– Puisqu’on parle de Spiegelman, est-ce que vous pensez qu’on doit mettre Simone Veil au Panthéon ?

– Question stupide ! Honorer un macchabée, aussi prestigieux soit-il, ne sert strictement à rien si ce n’est à permettre aux gouvernants de se donner bonne conscience ! J’ai la gerbe d’avance rien qu’à voir pleurer sur son cercueil tous ses politiciens qui auraient probablement voté les pleins pouvoir à Pétain sans broncher puis auraient voté contre l’IVG pour ne pas se fâcher avec leur électorat réac !

– M’enfin, madame Veil mérite qu’on lui rende hommage, tout de même ?

– Bien sûr ! Et le meilleur hommage qu’on puisse lui rendre, c’est de veiller à ce que ses combats ne soient pas vains : en d’autres termes, il faut éviter tout remake de l’Holocauste et préserver les libertés que madame Veil a conquises pour les femmes ! Avec des joyeux drilles comme Poutine et Trump, le moins qu’on puisse dire est qu’on n’en prend pas le chemin…

SAMEDI 1er – DIMANCHE 2 JUILLET

– Hum ! Pour finir sur une note un peu plus positive, vous n’auriez pas une bonne nouvelle à annoncer aux lecteurs du Graoully ?

– Si : je peux leur annoncer que le Chemin positif de la rue Saint-Malo sera inauguré en grande pompe le samedi 15 juillet à 17 h et je les invite d’ores et déjà à venir nombreux, ne serait-ce que pour rencontrer la talentueuse Elena Tikhomirova qui a eu l’idée !

– Ça, ça va intéresser surtout ceux qui seront à Brest à ce moment-là…

– C’est toujours ça, non ?

– Vous avez raison… Qu’est-ce que je vous sers ?

Blequin et Elena Tikhomirova à la manière de Tex Avery

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