A bas les mecs sympa !

C’est peut-être parce que j’ai un peu trop regardé les Guignols quand j’étais adolescent, mais je me méfie du mot « sympa ». Pendant la dernière cohabitation, on n’arrêtait pas d’opposer un Chirac « sympa » à un Jospin « austère ». « Sympa », Chirac ? Depuis quand ? Depuis sa sortie sur « le bruit et l’odeur » ? Depuis qu’il a bétonné Paris ? Depuis qu’il a piqué dans la caisse ? Même en guignol, je ne l’ai jamais trouvé « sympa » : quand j’étais petit, j’avais même plutôt peur de ce personnage avec une grande gueule de loup, une grosse voix qui ne lui servait qu’à dire des grossièretés et un caractère de cochon qui pouvait le faire exploser de rage à tout moment. Mais surtout, à travers l’opposition Chirac-Jospin, je retrouvais ce que j’endurais au collège : je l’avoue, je n’étais pas « sympa » du tout, j’étais « l’intello de service », celui qui protestait quand il y avait trop de boucan (c’est-à-dire presque toujours), celui qui avait de bonnes notes… Et j’étais donc la cible privilégiée du « mec sympa », le cancre fier de lui, celui qui orchestrait les chahuts, celui qui mettait les rieurs de son côté, éventuellement en m’humiliant devant tout le monde dès que je commettais une erreur…

Carlos Gohsn vu par votre serviteur.

Depuis cette époque, pour moi « sympa », ce n’est pas tout à fait un compliment. C’est même presque une insulte. À la base, « sympathique » a la même étymologique que « compatissant », une personne « sympathique » est donc, littéralement, quelqu’un qui sait être compréhensif, qui est prêt à partager vos joies et vos peines sans vous juger. Or, quand on dit qu’un type est « sympa », on ne dit pas exactement ça : le mot « sympa » a une mauvaise odeur, elle sent à plein nez le politicien véreux qui assure sa popularité en payant sa tournée au café du commerce, le bellâtre musclé et bronzé qui vous ravit toutes les jolies filles sous votre nez, le patron pas fier qui donne une tape dans le dos de ses employés comme on donne une caresse à un chien bien dressé… Bref, le mec « sympa » est trop souvent une crapule qui sait se faire aimer par qui il faut, celui qui oriente ses faveurs en fonction de son intérêt personnel, éventuellement en écrasant un peu plus ceux que la majorité a choisi comme boucs émissaires : tout le contraire de la sympathie au sens originel. À ce tarif-là, n’importe quelle fripouille peut être « sympa » : Donald Trump, Sylvio Berlusconi, Carlos Ghosn, Vincent Bolloré… Même Jean-Marie Le Pen a été qualifié de « mec sympa » par Serge Moati. Je ne plaisante pas !

C’est peut-être parce que « sympa » est une pseudo-qualité facile à acquérir que c’est aussi un faux compliment qu’on donne aux types qu’on n’apprécie pas plus que ça et dont on veut se débarrasser à bon compte. Hier, un particulier m’a dit qu’il trouvait mes dessins « sympa » : qu’est-ce que ça veut dire ? Certainement pas qu’il les trouvait bien faits ou pertinents, en tout cas… Je crois que je préfère encore ceux qui me disent qu’ils n’aiment pas du tout ce que je fais, au moins, c’est honnête, même si ce n’est pas… sympa !    

2 comments on “A bas les mecs sympa !

  1. Je comprends ce que tu veux dire. Mais je ne me reconnais pas du tout dans ta définition du mot « sympa ».

    Au collège et lycée, j’étais un gars « sympa », intellectuel et sportif. Pourtant j’étais toujours là pour les autres, les aider notamment en Langues et en Histoire, où j’excellais le plus. Tu as vécu de mauvais moments à cause de pauvres types faussement « sympa », mais comme tu le dis toi-même dans ton texte, « […] « sympathique » a la même étymologique que « compatissant », une personne « sympathique » est donc, littéralement, quelqu’un qui sait être compréhensif, qui est prêt à partager vos joies et vos peines sans vous juger. […] » 🙂 Et des personnes comme celles-là il y en a beaucoup et elles sont sympas ^^

    Je te trouve sympa, je te l’ai déjà dis, si je ne m’abuse, et il n’y avait (et il n’y en a toujours pas aujourd’hui) aucune pensée négative derrière ce mot, qui pour moi, est justement fort en sympathie : Lorsque j’apprécie quelque chose, je la qualifie de sympa et il en va de même pour les personnes ^^ Si je n’aime pas quelqu’un, il le sait, car je le lui dit.

    Donc certes tu as connu des mecs qui se disaient « sympas », mais c’était juste des personnes jalouses. Comme le disait si bien Publius Syrus : « La méchanceté, pour se faire encore pire, prend le masque de la bonté. »

    Concernant la personne qui a qualifié tes dessins de « sympas », il n’y avait peut-être pas d’arrière pensée non plus, juste qu’il les trouvait cool ^^ Malheureusement rares sont les humains qui sont totalement honnêtes et qui disent réellement ce qu’ils pensent…

    Au plaisir de te lire bientôt à nouveau.

    1. Tu étais « intellectuel et sportif » : grand bien t’en fasse, pour ma part, je ne répondais qu’au premier terme du postulat. De surcroît, je n’étais pas du tout « là pour les autres » : en fait, je me foutais des autres, j’avais une peur bleue d’eux, j’aurais voulu qu’ils me fichent la paix comme je la leur fichais. Je ne les détestais pas vraiment, je m’en foutais : je vivais dans mon monde. Bref, tu m’aurais connu à l’époque, tu ne m’aurais sans doute pas trouvé « sympa » ; j’avais une conception du bien et du mal qui avait le mérite d’être claire : côté bien, les bons élèves obéissants, côté mal, les cancres insolents et tapageurs, point barre, et je diabolisais au-delà de tout ce que certains faisaient pour être « sympa », puisqu’à partir du moment où ce n’était pas conforme à ce que les adulte avaient décidé, c’était forcément « mauvais » dans ma petite tête d’ado…
      « Des personnes comme celles-là il y en a beaucoup » : très franchement, je te trouve bien optimiste…
      « Je te trouve sympa » : je n’ai pas le souvenir que tu m’aies dit ça, mais il est vrai que « sympa » est un mot qu’on emploie trente-six fois par jour sans y penser : c’est justement parce que je l’ai trop entendu que j’ai fini par en avoir marre, j’ai donc écrit cet article qui te « choque » justement parce qu’il prend le contre-pied de nos habitudes de langage.
      « C’était juste des personnes jalouses » : je ne vois pas comment on aurait pu être jaloux de moi, j’étais un ado moche, maladroit et timoré, et je n’ai pas l’impression d’avoir beaucoup progressé depuis. Le pire, c’est que j’en suis presque fier puisque ça me donne l’illusion d’être resté fidèle au bon élève que j’étais jadis…
      « Malheureusement rares sont les humains qui sont totalement honnêtes » : c’est justement pour ça que je vois le mal partout, que je me méfie de tout et de tout le monde.
      Bon, j’arrête là, j’en ai déjà trop dit. Merci pour ta lecture attentive.

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