Le journal du professeur Blequin (36)

Lundi 5 février

17h : J’assiste à une conférence de Jean-Claude Gardes intitulée « Pour une rhétorique de l’image satirique », illustrée de nombreux exemples issus de fonds divers et variés. Dans le tas, un dessin de Reiser, le grand Reiser, le très, très grand Reiser : lorsque l’orateur a demandé aux étudiants présents dans l’assistance s’ils connaissaient ce dessinateur, ils ont hoché négativement la tête ! Alors là, non ! Je peux pardonner beaucoup de choses, mais pas celle-là ! Et ne me dites pas que c’est parce qu’ils sont jeunes : quand je suis né, Reiser était déjà mort depuis cinq ans, ça ne m’empêche pas de connaître son œuvre et de lui accorder dans mon cœur la place qu’il occupe (ou devrait occuper) dans celui de tout vrai amateur de dessin satirique. Bon, à leur décharge, c’est vrai qu’on n’a pas de chance : Reiser est mort et Plantu est toujours vivant, ça suffit à en dire long sur l’état de la caricature en France… Mais je leur ai tout de même recommandé de lire Reiser de toute urgence : ils peuvent choisir un album au hasard, c’est comme pour Franquin ou Goscinny, il n’y a rien à jeter !

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Mardi 6 février

14h : J’assiste à une soutenance de thèse en sociolinguistique : la candidate a traité le thème de l’accent dans le cadre de l’apprentissage du français par les étrangers résidant en France ; l’occasion de traiter de la pression qui pèse sur ces hommes et ces femmes auxquels on exige de parler la langue aussi bien que les autochtones… Voire mieux ! Car si tous les Français parlaient leur langue aussi bien que les immigrés seraient censés le faire, les enseignants s’arracheraient moins les cheveux ! Et imaginez un instant que tous les pays avec lesquels les entreprises françaises font affaire se mettent à avoir la même exigence : là, pour le coup, on en finirait vraiment avec la Françafrique ! En fait, rien ne justifie cette arrogance linguistique si ce n’est un complexe de supériorité typique d’une ancienne puissance coloniale qui n’a toujours pas fait le deuil de l’époque où le mâle blanc catholique pouvait se croire le maître incontesté de la planète : nous critiquons les Américains qui ont élu Trump parce qu’ils refusent d’admettre la réalité d’un monde qui change mais, en fin de compte, nous ne valons guère mieux…

22h : Ça ne pouvait pas rater : mon article sur le sketch du Saturday Night Live mettant en boîte Deneuve et Bardot m’a valu le commentaire courroucé d’un internaute qui s’est senti obligé de prendre la défense de cette « femme formidable » que serait, selon lui, Brigitte Bardot. Je me rends sur sa page Facebook pour voir si j’ai affaire à un gros con raciste et homophobe : je ne vois que des photos de petits chiens trop mignons… Si B.B. n’était qu’une défenseuse acharnée des animaux, elle mériterait effectivement d’être qualifiée de « femme formidable » ; malheureusement, elle n’est pas « que » ça, elle est aussi une femme qui profite de sa notoriété pour tenir des propos inexcusables sur les homosexuels, les Arabes ou, plus récemment, les victimes de harcèlement. Dans l’absolu, les défenseurs des animaux sont mes amis, mais les amis de mes amis ne sont pas forcément mes amis : personne n’est tout blanc ou tout noir, c’est entendu, mais le gris de la Bardot est quand même très foncé !

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