Le journal du professeur Blequin (66)

Vendredi 30 mars

16h : Je croise un couple de futurs mariés de ma connaissance : ils m’avaient envoyés un faire-part accompagné d’une invitation et d’un coupon-réponse à remplir sur lequel il fallait cocher les cases correspondant aux étapes de la journée auxquelles on envisageait de venir. Moi, je l’avais bien compris, mais ce ne fut pas le cas de tous les destinataires : comme la case correspondant à la cérémonie officielle était pré-cochée, beaucoup de gens ont cru qu’ils n’étaient invités qu’à la cérémonie et ne pouvaient pas venir aux repas ! Voilà qui illustre bien l’état d’esprit dominant aujourd’hui : les gens sont tellement habitués à ce qu’on leur impose tout sans leur demander leur avis que quand on leur laisse le choix, il ne le comprennent même pas ! Cela dit, cette attitude date de bien avant la déréliction politique actuelle : souvenez-vous de cette légende, rapportée par Kafka, contant l’histoire d’un homme qui évite de franchir un seuil protégé par un garde et qui n’apprend qu’à l’heure de sa mort que ledit garde surveillait cette entrée spécialement pour lui et qu’il aurait donc pu passer son encombre… C’est à se demander si l’homme occidental est vraiment fait pour la démocratie.

Gilles Servat vu par votre serviteur.

20h30 : Gilles Servat fête ses 70 ans en proposant un concert au Mac Orlan : la prestation se joue à guichets fermés et je fais un peu tâche, moi, le jeune, au milieu de tous ces seniors. Cela dit, je ne sors aucun appareil pour enregistrer ou filmer le concert : les spectateurs d’âge mûr n’ont pas les mêmes scrupules ! Alors qu’on ne me dise pas que l’irrespect des artistes et l »addiction aux technologies est l’apanage de la jeunesse… Heureusement, ça ne gâche en rien mon plaisir : je n’ai pas à me forcer pour pleurer tant la prestations est émouvante… Que dire de plus ? De toute façon, je suis vidé, je crois que je vais profiter de la pause pascale…

Mardi 3 avril

14h30 : J’étais tranquille, j’étais peinard, je faisais des recherches dans la bibliothèque du CRBC (Centre de Recherche Bretonne et Celtique), temple du savoir abrité par la faculté des lettres et sciences humaines de Brest quand, tout à coup, l’alarme se mit à retentir. Donc, j’évacue-les-locaux-par-les-issues-de-secours-les plus-proches comme m’y exhorte la douce voix qui ressemble vaguement au timbre de ma mère mélangé à celui de la police : de toute façon, si je ne sors pas de moi-même, je risque d’y être forcé par quelque policier raté. Une fois sorti, je me renseigne et j’apprends que la cause de cette alerte était…un sac abandonné dans une salle de cours de la fac ! Pour un sac oublié par un étudiant distrait, ils ont fait évacuer toute une faculté à la veille des examens ! Les jeunes qui occupent des amphis ont trouvé plus fort qu’eux pour perturber la vie universitaire ! Sans compter qu’avec ces lois imbéciles censées nous protéger de la menace terroriste mais qui n’ont pour effet que de nous rendre toujours paranos, bientôt, on n’aura même plus besoin des fous de dieu : on crèvera tous d’un infarctus avant qu’ils aient eu le temps de nous passer par les armes !

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