Le journal du professeur Blequin (90)

Mardi 29 mai

16h : Démonstration de modélisation 3D à la fac Segalen : grâce à la réalité virtuelle, je peux découvrir l’intérieur des forges de Pontaniou, un des plus vieux édifices de l’arsenal de Brest, avec son marteau-pilon, superbe pièce du XIXè siècle encore en parfait état de marche – je vous déconseille cependant de le vérifier ! De toute façon, vous auriez du mal à y avoir seulement accès : en effet, si on a fait chauffer les petites machines pour reconstituer l’intérieur d’un édifice qui est pourtant toujours debout, c’est tout simplement parce qu’on ne peut pas entrer dedans. Et oui, les forges ont beau ne plus servir à rien depuis six ans, la marine nationale n’est pas disposée pour l’instant à céder le bâtiment à la ville. Pire, si on avait laissé ces braves loups de mer suivre leur première idée, le marteau-pilon aurait probablement été envoyé à la ferraille ! L’armée se fout du patrimoine, ce n’est pas nouveau, il suffit de voir ce qu’elle en fait quand on l’envoie à l’étranger : comme disait Tacite, ubi solitudinem faciunt pacem appellant (là où il font le désert, ils appellent ça la paix)… Pour l’heure, l’avenir des forges de Pontaniou est donc plus qu’incertain, de même que celui de l’ensemble du patrimoine industriel dont regorge ce pauvre arsenal qui n’est plus que l’ombre de lui-même maintenant que l’armée n’a plus besoin d’exploiter les gens du coin : on a pressé le citron, on peut jeter la peau !

Mercredi 30 mai

11h : Répondre à une convocation à Pôle Emploi, c’est s’exposer à poireauter pendant une demi-heure pour un entretien qui nous aurait probablement attiré les pires sanctions si nous avions eu l’idée géniale d’y arriver en retard. C’est aussi devoir accepté d’être traité par des plus cons que soi comme un gosse qui n’aurait pas fait ses devoirs. C’est enfin prendre le risque d’être re-convoqué une semaine plus tard avec l’obligation de fournir des documents dont on n’a jamais vu la couleur mais qu’on serait censé posséder sur un site qu’on ne visite jamais : ça vous fait un peu le même effet que quand le médecin vous annonce que vous souffrez à un organe dont vous ignoriez l’existence jusqu’à présent… Je n’incrimine pas tous les agents Pôle Emploi qui ne font qu’appliquer les consignes débiles qu’on leur donne : il n’empêche que tout porte à croire que l’Etat est fâché avec les travailleurs indépendants, ces fils de « pas riches » qui ont la mauvaise idée de vouloir prendre leur vie en main au lieu de se soumettre à l’autorité d’un patron, de sorte que l’administration les envisage tous plus ou moins comme des fraudeurs en puissance. En fait, mieux vaut ne pas travailler, c’est hors de prix !

15h15 : D’aucuns jugent anti-démocratique l’attitude du président de la république italienne, mais force est de reconnaître que la démocratie n’est pas la panacée : en Loire-Atlantique, elle a donné un « oui » franc et massif pour un projet d’aéroport obsolète ; en Suisse, elle a abouti sur l’interdiction des minarets ; aux Etats-Unis, je préfère ne pas en parler… Et en Italie, donc, la démocratie a donné la majorité à une sorte de version transalpine du boulangisme, c’est-à-dire un bric-à-brac politique rassemblant des mécontents incompatibles entre eux et incapables de s’entendre pour former un gouvernement ! Quand la démocratie est malade à ce point, il faut parfois un traitement de choc pour la remettre d’aplomb : je ne suis cependant pas sûr que le remède du signor Mattarella suffise…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *